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CHAPITRE III.

Remarques fur la Prononciation; éclairciffemens utiles pour la Rime.

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Omme l'e muet placé à la fin des mots fait toutes les Rimes Feminines, il est important de le bien diftinguer de l'e Mafculin ou Fermé, & de l'e Ouvert.

Il est donc dans notre Langue une forte d'e qui rend un fon fort bas & obfcur, & qui ne fe prononce prefque pás, rendant même muettes les lettress ou nt, quand il les précede dans la derniere fyllabe des Noms & des Verbes: de forte que les Etrangers qui nous entendent dire, par exemple, bonne, bonnes, je donnes, tu donne, ils donnent, pensent n'entendre que les monofyllabes bon & don : & quand nous difons éperon, chaperon, je ložerai, ils n'y diftinguent que deux fyllables, épron, chapron, je loürai, & ils n'en diftinguent qu'une feule dans pelouse, belonfe, comme fi l'on écrivoit plouz, blouz tant cet e eft imperceptible.

Mais il eft abfolument muet & effacé à la fin d'un mot, quand le mot fuivant commence par quelque voyelle ou par quelque diphtongue que ce foit, ou par une h douce ou muette. Car on lit une augufte Héroine, comme s'il étoit écrit un' anguft Héroine ; & il n'eft point de plus fûre marque pour reconnoître cette forte d'e, que l'élifion qui s'en fait dans ces rencontres.

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C'est donc une faute groffiere de donner à cet e un fon approchant de celui de l'o, comme l'on fait dans quelques extré mitez du Royaume, ou de le prononcer comme l'e fermé, dans ces monofyllabes, je, me, te, le, ne, ce, de, que, comme fi l'on écrivoit, jé, mé, té, lé, &c. Car outre que l'e y eft fujer à l'élifion dans la rencontre des voyelles en forte que l'écriture le fupprime entierement (j'aime, je t'aime, je l'aime, je n'aime pas, je m'aime, qu'est-ce, c'eft, d'avoir) ce qui marque infailliblement l'e muet, on employe encore quelques-uns de ces monofyllabes dans les Rimes Feminines en les liant aux Verbes d'une certaine maniere qu'il ne fera pas tout-àfait inutile de faire remarquer dans les exemples fuivans.

Doux Sauveur de mon ame, hélas ! quand te ver

rai je?

Quand m'accorderas-tu ce charmant privilege? P. Corneille.

Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige? Qu'avez-vous? je n'ai rien. Mais... Je n'ai rien,

vous dis-je?

Defpreaux.

Toute fois choififfons la neige:

Comment dirai-je ?

Richer. L'Ovide Bouffor.

En voici du moins un déja dedans le piége,
Dans quel étonnement aujourd'hui me trouvé je?
T. Corneille.

Pour le faire expliquer tendons-lui quelque piége; Mais quel indigne emploi moi-même m'imposé-je? Racine.

Les deux derniers exemples ont été choifis exprès, pour faire voir que l'e eft fi muet dans l'article de la premiere perfonne, que pour lui conferver le fon qui lui eft naturel, on fait perdre le fien à l'e qui précéde cet article, & qui devient fermé de muet qu'il étoit dans trouve, impofe, pour faire trouvé-je, impofé - je. Ainfi l'on prononce puffé-je, pûssé- je, dûssé-je, que

quelques-uns écrivent de cette forte, puiffaije, pussai-je, dûssai-je, ce qui ne change rien dans la prononciation.

Bourfaut dans la Comédie qui a pour titre les Fables d'Efope, fait parler ainfi la Païfanne Colinete:

C'eft un Dogue affamé qui toûjours mord ou ronge,
Empêcher des Crapaux de crier, le pourrons-je ?
De quoi vous fert votre fageffe?
Moi l'emporter! & que feroit-ce....
La Fontaine

Et d'autre part répondez-moi, qui est-ce
Qui fans mourir, aux Cieux aura lieffe?
Marot.

Qu'Archi-bouffon pourtant je ne dis, parce-
Qu'Archi-bouffon eft Briguelle à la farce.

Sarafin.

Marot dit en parlant à François I. en faveur de Mellin de Saint-Gelais.

O Roi François, tant qu'il te plaira, perds-le,
Mais fi le perds, tu perdras une Perle.

leur e

Il faut faire remarquer au fujet des monofyllabes me, te, le, de, ce, que muet dans le fingulier fe change en é fermé dans le plurier: puifqu'on prononce

mes jours, les jours, les Cieux, des Cieux; donnez les, comme fi l'on écrivoit mez jours, tez jours, lez Cieux, dez Cieux, donnez-lez. Cela paroît par cet Hemistiche qui feroit irrégulier fi les y confervoit fon

e muet.

Frappe & redreffe-les au jufte & droit niveau
De ta bonté fi fouveraine.

P. Corneille.

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Quelques-uns veulent pourtant que les e de ces monofyllabes pluriers retiennent leur fon obfcur devant les mots qui ont une voyelle à leur tête mes enfans, tes enfans, les enfans, les enfans, des enfans ces enfans, à peu près peu près comme s'ils lifoient en fupprimant cet e, mz enfans, dz enfans, cz enfans. Ils pouffent la même analogie jufques aux mots compofez où cette addition des, étant négative, fe trouve placée devant une voyelle, comme defapprendre, defagréable, defobligeant, qu'ils prononcent comme dzapprendre, dzagréable, dzobligeant. On le peut voir dans la difpute des Lettres de l'Alphabet ajoûtée aux Dialogues de Lucien de la traduction d'Ablancour. Mais comme cela ne fait rien pour la Rime, je ne m'y arrête pas, ayant fait fuffisamment connoître cette forte d'e,

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