Fay dû réserver le bonheur
De prévenir la décadence

D'un fameux Theatre d'honneur.
Que la politeffe fleurie

Dreffa contre la Barbarie
Qui fremiffoit aux invirons;

*

Quand le Nord couvrit ces rivages D'un déluge d'hommes fauvages. Touchez du feul bruit des Clairons.

Dès-lors par leur chûte pareille
Mêmes fons de termes divers
Firent découvrir à l'oreille
Un nouveau charme dans les Vers.
Tandis que la Mufe Romaine
Tyrannifoit encor la Seine,
Et chantoit feule dans Paris;
Touloufe aux Rimes mefurées
Des Princes voifins honorées
Sçut donner leur luftre & leur prix.

**

* On entend parler des Feux Floraux fondez en 1324. & de quelque refte de cette ancienne Barbarie des Getes ou Gots qui s'étoient établis dans ces contrées.

** Un Roi d'Arragon envoia des Députez à Toulouse pour être informé des Réglemens de la Compagnie des Jeux Floraux.

Comme une peinture eftimée
Ne reßent l'outrage.des ans
Que par une douce fumée
Respectable à des yeux fçavans.
Un connoiffeur qui la découvre
La porte au Cabinet du Louvre
Orné des plus rares Tableaux.
Plus le Prince la confidère,
Plus hautement il la préfère
A tous les Chefs-d'œuvres nouveaux.

J

Ainfi la faveur autentique
Du puiffant Monarque des Lys
S'attache à cette Ecole antique
Des Auteurs galans & polis:
Là fur le Mortier & la Mitre
Il fait briller par un beau Titre
BOUCHERAT*,&fes Succeffeurs ;
Et fur tous les Prix qu'il étale
Dans fa fuperbe Capitale

Il releve mes riches Fleurs.

* Les Chanceliers de France font Protecteurs perpétuels de cette Académie

LOUIS, les flambeaux de Bellone
Excitent mille embrasemens ;
Pour les foins dus à ta Couronne
Eft-ce trop de tous tes momens?
Heureufe France, quel Génie
Ton Glaive & ton Sceptre manie
Avec tant de tranquillité!
Que cette Ame fupérieure

Puiffe à mes Jeux donner quelque heure
Sans négliger ta feureté.

Dans ceux qui forment ce Lycée
Par fes ordres & par mon choixà
Toute la gloire eft ramaffée
De la Naiffance & des Emplois
Tour à tour leur jufte Balance
Contre le crime & l'ignorance
Rend un Fugement fouverain :
A la groffiereté barbare,
A la licence qui s'égare
Ils oppofent un mur d'airain.

Allez donc, je vous le commande,
Cet Ordre vous eft glorieux;
Portez le premier votre offrande
Sur l'Autel de ces demi-Dieux.
Si mes Favoris fur vos traces
Par de célebres Dédicaces

Y vont chercher le nom d'Auteurs;
Courant dans la carrière ouverte
Ils vous devront la découverte
De leurs plus dignes Protecteurs.

MICHEL MOURGUES,
de la Compagnie de Jesus,

PRÉFACE

DE L'AUTEUR

E ne fçai pourquoi on a affecté jufqu'ici de donner les Régles de la Poëfie Françoife abrégées: car ces Abbregez, qui feroient trop longs pour les Gens du Métier, fi on les avoit en vûë, laiffent un grand nombre de doutes à éclaircir en faveur de ceux qui voudroient faire leurs premiers coups d'effai. Ceux-ci fe convaincront par la lecture de ce Traité qui eft tout pour eux, que nos Vers font plus difficiles qu'ils ne fe l'imaginoient ; & que pour en avoir beaucoup lû, il ne faut pas fe hazarder d'en faire, fe rapportant de tout le reste au jugement de l'oreille : ce qui eft un faire des Vers remplis fûr coup pour