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armes à la main. Il eft vrai, que les Hiftoriens fourniffent des exemples femblables mais qui ont toujours été en horreur, je dis même parmi les Nations les plus feroces & les plus barbares. Là-deffus on ne manqueroit pas de condamner Jupiter, tout Dieu qu'on l'a fait, & de traitter fon action de barbarie & d'impieté. Il faut pourtant avouer qu'il y a quelque chofe, qui femble la rendre moins injufte & moins odicufe; l'on verra plus bas ce que

c'eft.

J'ai dit ci-deffus, en parlant de la maniere, que Saturne étoit parvenu à l'Empire, que Titan fon frere aîné ne le lui avoit cedé, qu'à certaines conditions, dont ils étoient tous deux convenus. Celui-ci irrité de ce qu'on ne gardoit point les paroles, qu'on lui avoit données, chercha les moyens de s'en venger. Il furprit Saturne, avec la femme Rhea,dans quelque endroit de la Thrace, fi je ne me trompe; & les voyant reduits en fa puiffance, il leur donna des gardes, & les fit refferrer dans un lieu fort & environné de bonnes murailles. Fupiter, qui étoit alors un jeune Prince plein d'ardeur & de feu, mais qui n'avoit

pud Lac.

inftit. lib.

cap. 14.

point encore forti de l'Ifle de Créte, où on l'avoit élevé, fachant la fâcheufe détention de fon pere, fit embarquer fur les vaiffeaux bon nombre de troupes. Il combattit celles de fon oncle Titan, & les ayant défaites, il remit fon pere en liberté, & le rétablit ainfi dans fon Royaume. Aprés quoy il s'en retourna plein de gloire dans l'Ile de Créte. C'est ce que nous apprend Ennius dans fon Hiftoire facrée, dont Lactance rapporte Ennius a les propres paroles; Jovem adultum vezan-divin. niffe cum magna Cretenfium multitudine; Titanúmque ac filios ejus pugnando viciffe: Carmina parentes vinculis exemiffe: patri regnum Sibyl. reddidiffe: atque ita Cretam remeaffe. Ce font-là les beaux & heureux commencemens du Prince Jupiter, comme ils étoient marquez dans les Hiftoires. Lactance qui les rapporte fur la foy d'Ennius, qui les avoit tirez d'Evémefait nulle difficulté de les reconnoître pour véritables; n'ayant eu garde de rejetter le témoignage des anciens Auteurs, qu'il fait fort bien diftinguer des Poëtes & de toutes leurs vaines ficLatan, tions. C'eft pourquoy, avant de les produire, il ne craint point de dire: Ape-. inftit. lib. 1 cap.14. riamus ea que veris literis continentur, ne

lib.3.

divin

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Poëtarum ineptias in accufandis religionibus fequi ac probare videamur. Ce favant homme ne produit ces anciennes histoires que pour montrer aux Gentils › par des témoignages qui ne devoient pas leur être fufpects, que Saturne & Jupi

15.

ter avoient été dans le monde des hommes puiffans, qu'on avoit, pour leur autorité & leurs grandes actions, mis au nombre des Dieux. Ce qui fait dire au même Lactance: Quibus ex rebus, cum Ibid. cap. conftet illos homines fuiffe: non eft obfcurum, qua ratione Dii cœperint nominari. Mais rien n'établit mieux cette verité, qui ruine abfolument la fauffe religion des anciens Grecs,, ainfi que des Romains, que la naiffance de celuy, qu'ils ont fotement reveré, comme le Dieu tout-puiffant du Ciel & de la terre.

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Tous les profanes, ce qui eft remarquable, conviennent, que Jupiter a été fils de Rhéa, fœur & femme de Saturne; mais ils ne font pas d'accord fur le lieu, où il eft né. Les uns difent, que c'eft dans l'Ifle de Créte, prenant le lieu de fon éducation pour celui de fa naiffance : & les autres croyent, que c'eft dans l'Arcadie. Je fuis affez de ce fentiment qui eft celuy du fameux Callimaque, qui

vivoit fous Ptolémée appellé Philadelphe, & fous fon fucceffeur. Cet homme favant, dans l'Hymne qu'il a compofé Callien l'honneur de fon Jupiter, qu'il nomhymno in me, un Dieu toujours grand, & touJovem, jours regnant, avouë d'abord, qu'il ne Barim ab fait, quel parti il doit prendre, touchant

mach.

inisia.

دو

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le lieu de fa naiffance: quoniam, dit-il, "Jovis genus controverfum, gśvos áμpúpasov. Les uns prétendent, c'eft Callimaque qui parle, que vous êtes né en Créte "dans le mont Ida, & les autres foûtiennent, que c'eft dans l'Arcadie, fur le mont Lycée. O pere, qui font ceux qui ont menti en ce point. Les Crétois font toujours menteurs, Kpñles d'ei fieusai, » Cretenfes femper mendaces; car ils ont forgé vôtre fepulcre, ô grand Roy: cepen»dant vous n'êtes point mort, & vous vivez toujours. C'eft ainfi que cet hom"me flate fon Dieu prétendu, dont il ne veut pas reconnoître le tombeau, qui étoit en l'Ifle de Créte; pendant qu'il mer fon berceau fur le mont Lycée dans' la Parrafie, contrée de l'Arcadie, anciennement habitée par les Apidanes. D'où vient qu'il dit en fuite: In Parrafia, v Пappaain, te Rhea peperit. Il ajoûte, que ce lieu étoit facré : qu'aucune femme n'y

ofoit aller, & qu'on l'appelloit dans le païs, les Couches de Rhea.

Paufan

Voila les fauffes & malheureuses idées, que les Poëtes ont voulu donner de leurs Dieux. Celui-ci fait naître fon Jupiter dans l'Arcadie; & ne veut pas qu'il foit enterré dans lIfle de Créte comme fi celui qui eft né, ne devoit pas mourir. Voila l'erreur, l'aveuglement, dirons-nous même la ftupidité, où ont été les plus beaux efprits de la Gentilité. Au moins voit-on, par tout ce que Callimaque vient de nous débiter, que fon Jupiter, dont le vrai nom étoit Jou, a prisnaillance dans l'Arcadie fur le mont Lycée ; ce qui eft arrivé proche la ville de Lycofure, que Paufanias prétend être lib. 8. la plus ancienne de toutes les Villes. Arcadi Mais cela ne peut être véritable, que de cis. celles d'Arcadie, & de toute la Grèce. Or le fentiment de Callimaque me paroît d'autant plus recevable, que les Arcadiens ont toujours foutenu, que Jupiter étoit né parmi eux, fur le haut du Lycée, qu'ils appelloient pour cela, la Montagne fainte, ou le fommet facré. C'eft ce que nous apprend le même Paufanias dans les Arcadiques, qui eft le huitiéme Livre de fa Defcription de l'aucienne Gréce. Gilij

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feu de

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