miers Peres & les Fondateurs. Ea avançant l'ouvrage, qui eft maintenant prefque achevé, il m'a femblé, que M. Bochard, qu'on regarde comme celui qui a le plus heureufement écrit fur ce fujet peut s'être trompé en bien des chofes affez importantes; & je me suis furtout apperçu, qu'il n'a rien dit touchant l'origine des Celtes, qui font plus connus fous le nom de Gaulois. Comme donc nous def cendons de ces Peuples fameux,car enfin nous fommes nez dans les Gaules; & que leurs premiers com. mencemens font marquez dans ce Chapitre X. avec ceux des autres Peuples, qui dans la fuite des tems ont rempli la terre de leurs colonies: j'ai crû que je ferois plaifir à ma Nation, fi je pouvois, pour ainfi dire, lui montrer fon berceau, en montant jufqu'aux premiers lieux, & même jufqu'aux premiers Auteurs de fon origine.

Je ne fçay fi j'ai été affez heureux, pour découvrir des chofes fi obf. cures, aufquelles on croit ordinairement ne pouvoir atteindre, tant elles font cachées & éloignées de nous. Le Public en pourra juger & j'ai quelque lieu d'efperer, que ce fera favorablement, s'il veut bien avoir la patience de lire feulement la moitié de ce livre. Si je le trompe, ce que je n'ai nulle envie de faire, je ferai moi-même trompé le premier, puifque je crois être monté, par diverfes recherches affez fingu lieres, jufqu'à la fource de la Nation, ou fi vous voulez, jufqu'à la tige de fon origine. Ceux qui en ont vu quelque chofe, car je ne fais point un myftere de ce que j'écris, ne m'ont pas cru fort éloigné de la vérité. Que fi je ne l'ai pas trouvée; au moins me fuis-je bien donné de garde de débiter des fables, ou pour mieux dire, des impertinences, qui ne donnent que de l'indi

gnation à ceux qui les lifent. Ee font pourtant les défauts, où l'on a vû tomber une grande partie de ceux, qui ont prétendu déterrer 'Antiquité des Peuples. Ils ont dit là-deffus cent extravagances, aprés Annius de Viterbe, auteur fabuleux, s'il en fut jamais & quand ils n'ont pas jugé à propos de le fuivre,ils ont écrit beaucoup de chofes, qui ne paroiffent guéres moins ridicules. Comme on a aujourd'hui du goût pour tout ce qu'il y a de fenfe & de bon, on le va chercher dans les bonnes fources, je veux dire dans les anciens Auteurs ; & l'on verra que c'eft ce que j'ai tâché de faire, & qu'ils m'ont fervi de guides dans des routes fi obfcures, & fi peu frayées.

On ne pourra donc pas me blâmer, fi je dis que Gomer, qui felon l'Ecriture a été fils aîné de Japhet, & petit-fils de Noé, doit être regardé comme le premier & véritable

Pere des peuples Gaulois, aufquels les Grecs donnent communément le nom de Galates. Car c'est Josephe l'Historien des Juifs, qui m'ap prend cela dans fes Antiquitez ; & aprés lui, Euftathe d'Antioche, le grand S. Jerôme, S. Ifidore de Seville, & quelques autres qu'on verra citez. Et quand on aura approfondi les chofes, on trouvera qu'ils ne les ont pas dites légerement, & qu'ils ne fe font point écartez de la vérité. Les Gaulois font donc felon eux, defcendus de Gomer; ainfi ils ont raifon de nous dire, que le premier nom qu'ils ont porté, étant encore dans la haute Afie, a été celui de Gomarites, ou de Gomariens. Aprés cela ils ont eu celui de Saces, ou plûtôt de Saques, fous lequel ils ont été affez renommez, étant dans les païs de la Margiane & de la Bactriane. Mais dans la fuite des fiécles, s'étant beaucoup multipliez, & aprés diverfes incurfions s'étant renã iiij

dus maîtres de la petite Afie, dela Thrace, de l'Ile de Créte, & de toute la Grèce, ils ont affecté de fe donner le nom de Titans, ou d'Enfans de la Terre; & c'eft fous ce nom fameux chez les plus anciens Poëtes, & les Hiftoriens, qu'ils ont fait de fi grandes chofes,, & dans une partie de l'Afie, & dans toute l'Europe, durant l'efpace de plus de trois cens ans. L'on verra encore, que quelques-uns de ces mêmes Peuples s'étant détachez des autres, qui étoient reftez dans le haut de l'Afie, & ayant occupé les païs Septentrionaux, qui font au-deffus du Pont-Euxin, & bien loin au-delà du Danube, ont été appellez Cimbres, ou Cimbriens, ce qui veut dire Hommes de guerre; & que ce font ceux-là mêmes, qu'il a plu aux Poetes Grecs de nommer Cimmé riens. Depuis tout cela, ces Peuples belliqueux ont pris le nom de Cel tes, quand ils se sont établis dans