devant les yeux une infinité d'images & de figures, foit dans le culte religieux qu'il lui avoit prefcrit, foit dans les grands hommes qu'il lui fufcitoit pour le gouverner foit enfin dans la plupart des évenements confiderables qui lui arrivoient & où il lui faifoit toujours reffentir les plus merveilleux effets de fa protection & de fa providence fpeciale.

Bien plus, durant tout le temps que ce peuple fi particulierement favorifé de Dieu a fubfifté jusqu'après fon retour de la captivité de Babylone, il lui a toujours envoyé des Prophetes également refpectables par lá fainteté de leur vie, par les Miracles qu'ils ope roient, & les lumieres furnaturelles dont il les éclairoit, pour annoncer plus clairement & plus précisément ce divin Liberateur qu'il attendoit, & lui marquer le temps auquel il devoit paroître, la race dont il devoit fortir, la mere

lui

qui devoit l'enfanter, & toutes les particularitez de fa vie & de fa mort, fa doctrine, fes Miracles, fa Divinité, & enfin tous les Mysteres que cet Homme-Dieu devoit accomplir fur la terre pour le falut de tous les hommes.

Ces propheties répandues par tout, tant par ce peuple, à qui elles avoient été d'abord adref fées, & qui les portoit profondément gravées dans fon cœur quoique mêlées dans les derniers temps de plufieurs fauffes idées, dont il les avoit alteré, que par les Livres mêmes de ces Prophetes, qui les contenoient dans toute leur pureté, & qui avoient été traduits dans la langue la plus univerfellement entendue dans le monde, remplirent bien-tôt tout l'univers de l'attente de ce Médiateur & de ce Liberateur admirable, fi fouvent promis, dépeint & annoncé par tant de Prophetes, &

en tant de manieres differentes.

C'eft de quoi nous avons encore aujourd'hui quantité de témoignages dans les Autheurs profânes de ces temps là, Poëtes, (4) Orateurs & Hiftoriens ; & c'est ce que nous montre encore plus évidemment l'opiniâtreté pref qu'invincible des reftes de ce malheureux peuple, autrefois fi cheri de Dieu, qui, quoique difperfé par toute la terre, & devenu l'ef clave de tous les autres peuples, à caufe de fes crimes & de fon ingratitude monftrueufe envers Dieu, ne laiffe pas d'attendre toujours ce Roi & ce Meffie promis, qu'il n'a pas voulu reconnoître quand il eft venu, & qui fait de cette attente folle & chimerique, un article capital de fa fauffe Religion & de fon culte fuperftitieux, rejetté & réprouvé de

Dieu.

(a) Virgil. Eclog. IV. Cicer. L. II. de Divin. & L. I. Epiftol. ad Lentulum, Sueton. in Vespas Tacit. L. V. Hiftor.

Or comme ce grand Myftere de l'avenement du Fils de Dieu parmi les hommes, pour les fauver, quoique précedé accompagné & fuivi d'une foule de merveilles & de preuves éclatantes, qui en ont convaincu tout l'univers, n'a pas laiffé d'ê tre attaqué en differents temps par un grand nombre d'héretiques, tous plus méchants & plus impies les uns que les autres ; de même les propheties qui l'ont an. noncé, quoique la plupart claires, certaines & reconnuës, tant par l'ancienne Synagogue, que par toute l'Eglife Catholique, ont été auffi attaquées, foit par ces mêmes héretiques, foit par d'au. tres efprits hardis, téméraires, pleins d'une fauffe science, & d'une critique encore plus fauffe, & féduits par les Livres de ces héretiques, anciens ou nouveaux, & par ceux des Juifs modernes, au. tant ennemis des propheties qui a iiij.

annoncent Jefus-Christ, que de Jefus-Chrift même.

D'abord les Marcionites, (a) par un aveuglement que l'on a peine de comprendre, ne voulant point reconnoître le Créateur du Ciel & de la terre pour le vrai Dieu, ni le Chrift qu'il avoit envoyé pour le véritable Chrift & le véritable Meffie, nioient auffi par conféquent que celui-ci eût été annoncé par les Prophetes; & comme ils fubftituoient au véritable Dieu & au véritable Mef fie un Dieu & un Chrift inconnus, lorfque l'on exigeoit d'eux qu'ils prouvaffent par les propheties la miffion de ce Chrift imaginaire, ils répondoient qu'elles étoient inutiles, & que les Miracles fuffifoient pour le faire con

noître.

Les Manichéens (b) ne s'éloig. nant pas de l'impieté de ces an

(a) Tertull. L. II. & III. contra Marcion. (b) Auguft. Libris contra Fauft. & L. adv. Calumn, legis & Prophet.