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ment. Il étoit donc dans l'ordre que l'Auteurde la Nature donnât à l'homme des moyens fürs & efficaces pour jouir du fpectacle de tous les êtres qui l'environnent, & en même tems pour tirer de chacun d'eux tous les avantages qu'il peut en attendre. Or, c'est ce qu'il a fait avec toute la magnificence poffible, en formant dans l'homme ces différens organes que nous connoiffons fous le nom général d'organes des fens.

Si l'homme partage cet avantage avec les animaux, & même fi quelques-uns d'entr'eux paroiffent à quelques égards avoir été traités plus favorablement que lui, puifque l'odorat, par exemple eft bien éloigné d'être auffi fin, aufli fenfible dans l'homme que dans le chien, que l'ouie eft bien plus parfaite dans le lièvre, que les oifeaux de proie ont une portée de vue beaucoup plus étendue que celle de l'homme; on ne peut néanmoins qu'admirer en cela la fageffe infinie avec laquelle l'Auteur de la Nature a fu diftribuer fes faveurs, puifqu'il a donné aux organes de l'homme toutes les perfections qui leur font néceffaires pour les ufages auxquels ils font destinés, & j'ofe même le dire, puisqu'une plus grande perfection dans ces organes fût devenue incommode, & n'eût pu tourner qu'au défavantage de l'homme; tandis qu'elle eft néceffaire dans certains animaux, foit pour les mettre en garde contre les embûches qu'on leur tend continuellement, foit pour les mettre à portée de veiller comme il convient à leur bien être. On diftingue dans l'homme cinq organes

des fens; la peau, le nez, la langue, l'œil & l'oreille. C'eft par l'entremife de ces cinq organes, qu'il fe trouve pour ainfi dire lié avec tous les êtres matériels qui l'environnent. C'est par leur ministère qu'il jouit de tous les avantages que ces êtres peuvent lui procurer. C'eft par leur fecours qu'il eft en état de veiller à fa propre confervation, & d'éviter tout ce qui pourroit lui nuire. Auffi les Anciens regardoient-ils le corps de l'homme comme une place de guerre confiée à notre ame, pour veiller à la confervation de notre individu. Cette idée fe trouve développée avec toute l'élégance poffible dans un Dif cours du P. André, intitulé: Traité de l'Homme onzième Differtation.

Les yeux, dit-il, font pofés au haut de la tête comme deux fentinelles dans leur guérite, pour y veiller pendant le jour ; les oreilles placées à droite & à gauche, comme deux autres fentinelles, pour fuppléer aux deux premières pendant la nuit ; l'organe de l'odorat entre deux, prominant ou un peu audehors, comme une espèce de garde avancée pour veiller, à fa manière, à la fûreté de la place; le goût à la porte, pour examiner tout ce qui fe préfente avant de l'y admettre; enfin, dans toute fon enceinte extérieure, l'organe, ou plutôt les organes du tact rangés à l'entour, comme une efpèce de corpsde-garde univerfel, pour nous avertir de toutes parts des fecours qui nous arrivent & des périls qui nous menacent.

Les trois premiers ne peuvent produire

l'effet qu'on en attend, qu'autant que les objets extérieurs qui doivent les mettre en action leur font immédiatement appliqués. Il n'en

eft

pas ainfi de l'œil & de l'oreille; ils ne font point ébranlés par le contact immédiat des objets vifibles, & par les corps fonores. Leur ébranlement dépend d'une fubftance médiatrice entre ces organes & les objets qui leur font propres. Auffi ces deux derniers ne nous procurent point le même degré de certitude que les trois autres ; & fouvent même leur jugement a befoin d'être rectifié, foit par d'autres fens, foit par de nouvelles obfervations, foit enfin par l'habitude. L'œil va pour ainfi dire à la découverte des corps; mais c'eft le toucher qui nous affure d'une manière plus particulière du jugement que nous devons porter. C'eft ce dernier fens fur-tout qui fait difparoître ces illufions d'optique, qui nous féduiroient aifément, fi nous n'avions que l'œil pour examiner ces phénomènes.

L'ouie n'eft pas exempte de défauts même effentiels. On ne juge pas aifément avec certitude du rapport & de la combinaison des fons, lorsque l'oreille n'eft pas accoutumée à l'harmonie. On juge encore très - mal de leur intenfité, lorfque le corps fonore fe trouve très-éloigné de l'organe. En général, moins les fens s'éloignent du toucher, & plus ils acquièrent de certitude; & on peut dire que s'ils deviennent alors plus groffiers, ils nous. en dédommagent d'un autre côté par les différens degrés de certitude qu'ils donnent à nos connoiffances, Confultez le méchanisme

de chacun de ces organes aux articles particuliers qui les concernent.

SENSIBILITÉ. Propriété qu'on remarque dans certaines parties du corps animal, qui les rend fufceptibles de douleur & d'incommodité, lorfqu'on leur caufe une irritation quelconque. Cette propriété doit être bient diftinguée d'une autre, qu'on connoît fous le nom d'irritabilité. Les parties douées de cette dernière, deviennent fimplement fufceptibles de contraction, & tendent au raccourciffement lorfqu'on les touche un peu fortement. Ainfi une partie irritable eft celle qui fe contracte plus ou moins par un attouchement plus ou moins fort. La fenfibilité & l'irritabilité peuvent fubfifter ensemble dans les mêmes parties du corps animé. Quoique par leur irritabilité les parties tendent au raccourcifement, il ne faut cependant pas confondre l'irritabilité avec l'élasticité. (Voyez l'article IRRITABILITÉ ).

Si les Phyfiologiftes diftinguent très-bien ces deux propriétés dans les fibres animales, ils ne font point d'accord entr'eux fur le dénombrement des parties qu'on doit regarder comme fenfibles, & fur celles qu'on ne doit regarder que comme fimplement irritables. Tous conviennent à la vérité, que les nerfs font doués de la fenfibilité la plus exquife, & c'eft le feul point dans lequel ils fe réuniffent. Le plus grand nombre étend cette propriété plufieurs autres parties, telles que les mé-ninges du cerveau ( Voyez CERVEAU) périofte, les tendons, &c. auxquels le cé-

le

lèbre D. de Haller & plufieurs autres refufent cette propriété. Nous ne prendrons aucun parti dans cette dispute; d'ailleurs, elle n'entre point dans le plan de notre Ouvrage. Nous nous bornerons feulement à rapporter les faits qui peuvent fervir à répandre le plus de jour fur cette importante queftion de phyfiologie; & pour éviter la prolixité dans laquelle une question auffi difcutée pourroit entraîner, nous nous en tiendrons à l'analyse d'un excellent Mémoire du D. de Haller dans lequel il a raffemblé une multitude de faits qui méritent le plus férieux examen.

J'appelle, dit ce grand Médecin, fibre senfible dans l'homme, celle qui, étant touchée, tranfmet à l'ame l'impreffion de ce contact: dans les animaux j'appelle fibre fenfible, celle dont l'irritation occafionne des fignes évidens de douleur & d'incommodité. Or, d'après cette définition, on voit qu'il n'y a que l'expérience feule qui puiffe nous faire diftinguer les fibres fenfibles de celles qui font fimplement irritables.

Quand M. Boerrhaave eut établi que les nerfs étoient l'origine & la bafe de tous nos folides, il en vint bientôt à ́affurer qu'il n'y avoit aucune partie du corps humain qui ne fût fenfible & capable de mouvement; & ce fyftême devint prefque le fyftême général de L'Ecole. On en trouvera le développement dans les Inftitutions de Médecine de M. Boerrhaave, & la réfutation dans le Commentaire de ces excellentes Inftitutions, fait par le D. de Haller mais laiffant de côté toute

dispute

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