naires à étendre les prétentions & la puiffance de Sparte fur les territoires de Mefsène, d'Argos & de l'Arcadie. Ses mefures dirigées avec prudence & conduites avec vigueur, avoient été fuivies du fuccès; mais les habitans des provinces dépendantes portoient, avec beaucoup de regret & d'indignation, le joug d'une république qu'ils avoient fécoué autrefois comme oppreffif & infupportable. Leurs murmures & leurs mécontentemens éclatèrent en hoftilités, à l'inftigation des Thebains, les éternels ennemis de Sparte, & alors étroitement alliés avec le roi de Macédoine. Les Thébains s'adrefsèrent à ce, monarque, pour le prier de ne pas permettre la deftruction de leurs confédérés dans le Péloponèfe. Les intrigues & l'argent de Philippe lui avoient déjà acquis, dans cette contrée, une influence confidérable, qu'il étoit charmé d'avoir une occafion d'augmenter. Pour justifier ses démarches à cet effet, il fit rendre un décret au confeil amphictyonique, par lequel on l'invitoit à réprimer l'infolence de Sparte & à protéger les communautés fans défense qui avoient été fi fouvent les victimes de la tyrannie & de la cruauté de cette république. Encouragé par cette réfolution des Amphictions, &, pouffé par sa propre ambition, Philippe envoya des troupes

& de l'argent dans le Péloponèse, & fe prépara à y marcher en perfonne, à la tête d'une puissante armée 2.

b

thiens fe

préparent interrompre fa marche.

Ces mouvemens excitèrent de nouvelles alarmes Les Corin dans prefque tous les cantons de la Grèce. Les Corinthiens jaloux de la puiffance d'un prince qui les avoit privés, à la conclufion de la guerre Phocéène, de leurs anciennes prérogatives, & qui, plus récemment encore, s'étoit emparé de Leucas, ville d'Acarnanie & d'Ambracie en Epire, deux colonies de Corinthe, se déterminèrent à s'oppofer à fon paffage dans le Péloponèse. On fe pourvut, à cet effet, d'armes offenfives. & défenfives de toute efpèce; les murs & les fortifications furent réparés; on leva des troupes mercénaires; les citoyens s'exercèrent aux armes; enfin toute la république étoit dans l'agitation des préparatifs militaires, de forte que Diogènes le cynique, qui ne laiffoit échapper aucune occafion de tourner en ridicule les folies de fes contemporains, voyant, avec un jufte mépris, l'empreffement & le vain fracas des efféminés Corinthiens fi peu faits pour se mesurer avec

a Demofth, de pace.

Lucien. de confcribend, Hift.

Négociations dans

Philippe, commença à rouler fon tonneau a de peur d'être la feule perfonne qui ne fit rien dans une ville fi occupée.

Pendant ce temps-là les Lacédémoniens, qui Athènes. n'étoient pas moins alarmés, mais qui étoient tou jours mieux préparés à la guerre, follicitoient le fecours d'Athènes. Cette dernière république avoit augmenté confidérablement fa force, & s'étoit fait beaucoup d'honneur en accueillant avec bonté les malheureux exilés de Phocis & de Béotie. Il réfulta d'ailleurs pour elle un nouvel éclat & une nouvelle confidération, du congrès général des ambassadeurs de Sparte, de Thèbes, de la Macédoine, d'Argos, de Mefsène & de l'Arcadie, qui, après un long intervalle de temps, confentoient de nouveau à porter leurs réclamations refpectives devant l'affemblée athéniene. Les Lacédémoniens repréfentèrent que la ligue, formée contr'eux-mêmes, étoit auffi dangereufe

2 Auct. apud Brucker, in vita Diogen. Ce favant écrivain a raffemblé tout ce qui est écrit pour ou contre le tonneau de Diogènes. Quand même ces auteurs seroient moins clairs & précis fur ce fait, l'habitation mobile de ce philofophe feroit fuffifamment attestée par d'anciens monumens. Voyez Winckelmann, d'Hancarville, &c.

pour Athènes que pour Sparte; que l'ambition de Philippe ne se contenteroit point d'une conquête partielle; que fon imagination envahissoit déjà toute la Grèce, & que c'étoit alors le feul moment pour les deux républiques principales qui s'étoient toujours fecourues dans les temps de calamités, de tenir ferme, & de mettre la plus grande vigueur à leur propre défense & à celle de la cause commune, abandonnée fi lâchement par les Thébains & par la populace du Péloponèse 2. Les Thébains, d'un autre côté, réunis aux miniftres de Philippe, interpellèrent les Athéniens d'adhérer ftrictement au traité de paix nouvellement conclu avec ce prince; ils tâchèrent, par des fophifmes, de juftifier, de pallier du moins des actes de fraude & de violence trop évidens pour être niés; & ils travaillèrent, avec la plus grande affiduité, à féparer les intérêts d'Athènes & de Lacédémone dans cette occurrence importante. Les ambaffadeurs des états inférieurs du Péloponèfe fe plaignant hautement que les Athéniens, qui affectoient d'être les protecteurs de la liberté de la Grèce, favorifaffent les vues de Sparte qui en avoit été fi long-temps le fléau. Ils représentèrent cette conduite non

* Όχλος Πελοποννησε. Ifocrat, in Archidam.

Repréfentations arti

parti macé

Athènes.

feulement comme injufte & cruelle, mais comme contradictoire & abfurde; & ils employèrent plufieurs raifons plaufibles pour détourner le peuple d'Athènes, qui infiftoit fortement encore fur la liberté de la Béotie, de ne prendre aucun parti dans la querelle du Péloponèse, qui tendît à refferrer les chaînes de fes habitans.

Les orateurs athéniens, dont plufieurs étoient cieufes du les créatures de Philippe, exhortèrent leurs comdorien dans patriotes à ne pas rompre trop promptement avec un prince avec lequel ils avoient fi récemment conclu une alliance, & à ne pas renouveller imprudemment une guerre fanglante & deftructive dont ils venoient de fortir avec tant de difficultés. Ils obfervèrent que, quoique les mefures de Philippe, depuis la conclufion de la paix, euffent été en effet plus favorables aux Thébains qu'aux Athéniens, ce prince, difoient-ils, n'avoit pas toujours eu la liberté de fuivre fes propres inclinations. Environné de la cavalerie Theffalienne & de l'infanterie Thébaine, il avoit été forcé de traiter les ennemis de ces deux états avec une févérité que fon humanité défapprouvoit. Mais le temps étoit venu où il pouvoit agir avec plus d'indépendance & de dignité; &, fi l'on vouloit en croire le bruit public, il étoit déjà prêt à rebâtir les villes ruinées de la Phocide,