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roiffoient mériter. Ce feint empreffement de la

part des Athéniens
, pour venger la querelle
du roi de Macédoine, lui fut très-agréable. On
lui fit paffer auffi-tôt le décret par les mains de
Demadès, ami déclaré de la Macédoine, que
le parti de Démofthènes engagea, moyennant
cinq talens, à rendre ce fervice effentiel, &
à plaider la cause des accufés a.

On ne vit point paroître les députés de Sparte parmi les envoyés qui vinrent complimenter le vainqueur de la part des communautés de la Grèce. Alexandre les traita avec un mépris réel, ou au moins bien affecté ; &, fans daigner exiger leur contingent de troupes, il se prépara pour la plus grande expédition qui ait jamais été entreprise par aucun général Grec.

L'arrivée de l'armée en Macédoine fut célébrée avec tout l'appareil de la fuperftition

paffa en Ce qui fe

Macédoine avant l'ex

d'Alexandre

a Les circonstances de cet événement sont rapportées pédition différemment par tous les auteurs qui en font mention. en Orient. Comparez Diodore, 1. 17. pag. 498. Æschin. in Ctefiph. cXI. 3. A Olymp. Plut. in vit. Alexand. & Arrian, L. 1, p. 11. L'autorité C. 334. d'Arrian eft, fans contredit, d'un grand poids pour les événemens militaires; mais Afchines, orateur contemporain, doit avoir été mieux inftruit fur les tranfactions civiles des Athéniens,

Alexandre

Grecque. Les folemnités olympiques furent représentées, avec toute leur pompe, dans l'ancienne ville d'Egée. On fit des fêtes & des facrifices à Dium, durant l'efpace de neuf jours, en l'honneur des mufes. Alexandre traita magnifiquement à fa table les ambaffadeurs des états de la Grèce, ainfi que les principaux officiers de fon armée, foit Grecs ou Macédoniens. Dans l'intervalle des représentations publiques, il difcouroit, avec fes plus chers confidens, fur l'expédition importante qu'il alloit entreprendre. Parménion & Antipater, les plus refpectables des miniftres de fon père, l'exhortoient à ne marcher en orient qu'après s'être marié, & lorfque la naiffance d'un fils auroit alfuré un fucceffeur à la monarchie. Mais l'ardeur & le patriotifme d'Alexandre dédaignèrent de pareilles confidérations. Il rappella à ceux qui lui donnoient ce confeil, qu'il étoit élu général des Grecs, & qu'il commandoit les troupes invincibles de fon pere 2.

Ayant confié à Antipater les affaires de la traverse Grèce & de la Macédoine, avec une armée de l'Hellefpont

avec fon ar- plus de vingt mille hommes, pour maintenir la

mée.

Olymp. CXI. 3. A.

C. 334.

a Diodor. l. 17. p. 499.

Diodore, qui entre dans quelque détail à ce fujet,

tranquillité

tranquillité domestique dans ces contrées, il partit au commencement du printemps, à la tête de plus de cinq mille cavaliers, & d'un peu plus de trente mille fantaffins En vingt jours de marche il arriva à Seftos fur l'Hellefpont. L'armée passa de-là en Afiè fur cent foixante galères, & probablement sur un plus grand nombre encore de vaiffeaux de tranfport. L'armement débarqua fans obftacle fur la côte Afiatique, les Perfes ayant totalement négligé la défense de leur frontière occidentale, quoiqu'ils fuffent inftruits depuis long-temps de l'invasion méditée.

Etat de

Perfe.

Les caufes de cette négligence provenoient, à quelques égards peut-être, du caractère du l'empire de prince, mais plus encore de celui de la nation. Codomannus avoit été élevé au thrône de Perfe par des intrigues & des affaffinats, vers le même temps, à-peu-près, où Alexandre succéda à son père Philippe. La première année de fon règne avoit été employée à étouffer les rebellions domestiques, à affurer les fruits de fa victoire, & enfuite à en jouir. Ce prince prit le nom de Darius, mais il ne put faire revivre les prin

dit, douze mille hommes d'infanterie & onze mille cinq cents de cavalerie.

a Arrian, p. 12.
Tome VI.

K

Circonftances qui le

cipes ou les mœurs qui diftinguoient fes compatriotes durant le règne du premier monarque de ce nom. Dans l'efpace d'environ deux cents trente années, les Perfes avoient continuellement dégénéré des vertus qui caractérisent une nation pauvre & guerrière, fans acquérir aucun de ces arts ni aucune de ces connoiffances qui fuivent ordinairement la paix & l'opulence. Leur empire, tel que Darius Hystaspes l'avoit laiffé, embraffoit encore les plus belles provinces de l'Afie & de l'Afrique. Le revenu payé en argent étoit encore eftimé, comme durant le règne de ce monarque, à quatorze mille cinq cents foixante talens Eubéens. D'immenses tréfors avoient été accumulés à Damafque, à Arbèle, à Suze, à Perfépolis, à Ecbatane & dans les autres grandes cités de l'empire. Le revenu payé en nature ne peut être apprécié ; mais telle étoit la richeffe extraordinaire de ce grand monarque, qu'on prétend qu'Alexandre avoit acquis, par fa conquête, un revenu de quatorze cents millions; fomme exagérée, fans doute, mais qui, étant réduite à moitié, paroîtroit encore très-confidérable.

Quoique les excès & les vices de tout genre faifoient qui régnoient dans Suze, dans Babylone & dans

tendre vers

fa ruine.

a Juftin. 13. 1.

les autres villes impériales, fuffent en raison de l'étendue & de l'opulence de la monarchie, cependant la ruiné des Perses fut plutôt l'effet de leur ignorance dans les arts de la paix & de la guerre, que celui de leur caractère effé miné & de leur luxe. Les provinces, outre cela, avoient ceffé d'entretenir un commerce régulier avec la capitale, ou l'une avec l'autre. Les forces militaires fur pied étoient infuffifantes pour contenir les Satrapes éloignés. Les liens d'une religion & d'une langue communes, ou le fentiment d'un intérêt public, n'avoient jamais réuni en un feul fyftême politique cette maffe de nations diverfes qui étoit prête à fe diffoudre au premier choc. Lorfque nous ré Äéchiffons enfuite que, fous le jeune Cyrus,

douze mille Grecs bravèrent les armes de la Perfe, & divisèrent prefque cet empire, nous ne trouvons pas de grands motifs pour admirer le courage d'Alexandre dans fon expédition en Orient; à moins que nous ne confidérions en même temps que Darius étoit regardé comme un prince généreux & vaillant, qu'il étoit chéri par les Perfes, & qu'il avoit à fa folde cinquante mille Grecs 2.

a Arrian, Diodorus & Curtius.

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