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font juftifiées par l'exemple de tous fes prédéceffeurs, qui, fuivant la force de leurs armemens refpectifs, ont toujours levé fur les colonies des droits proportionnés à leurs besoins. C'est le prix de la protection accordée à ses vaiffeaux marchands, en les convoyant & en les garantiffant des pirates. Si Diopeithes n'avoit pas cette reffource, comment feroit-il fubfifter

fes

troupes, lui qui ne reçoit rien de vous, & qui n'a point de patrimoine. Seroit-ce du ciel? Non; mais de ce qu'il peut recueillir, demander & emprunter. Qui ne voit pas que ce prétendu intérêt pour les colonies, de la part d'hommes qui ne prennent aucun intérêt à leur patrie, eft un de ces artifices employés à vous confiner & vous fixer dans la ville, tandis que l'ennemi tient la campagne & fait la guerre fans obstacle. Il est moins furprenant de trouver de pareils traîtres, que de vous voir écouter patiemment leurs conseils, qui ne pourroient être plus perfides, quand même Philippe les dicteroit luimême. Car le roi de Macédoine, qui entend fi bien fes intérêts, pourroit - il vous confeiller autre chofe que de refter tranquillement chez vous, de refufer le fervice perfonnel, de ne point payer vos foldats, d'avilir & d'infulter votre général? Lorsqu'un homme, payé pour Tome VI. C

vous trahir, fe lève dans l'affemblée, & déclare que Charès ou Diopeithes eft la cause de vos calamités, vous écoutez avec plaifir un tel accufateur; vous méprisez la voix de celui qui, animé par l'amour fincère de la patrie, vous crie «Athéniens! gardez-vous de vous laiffer tromper Philippe eft la cause réelle de toutes vos infortunes & de vos difgraces. Les vérités désagréables rendent odieux l'homme qui a le courage de les dire; car la politique infidieufe de certains miniftres a fi fort changé vos principes & votre caractère, que vous êtes fiers & redoutables dans vos cours de justice, mais timides & méprifables aux champs de bataille. C'est pourquoi vous vous réjouiffez d'entendre accufer de vos malheurs ceux que vous pouvez punir chez vous; mais vous n'aimez pas à croire que ces malheurs viennent d'un ennemi public, que vous feriez obligés d'attaquer les armes à la main. Cependant, Athéniens, fi les états de la Grèce vous appelloient ainfi à rendre compte de votre conduite, & vous difoient : Peuple d'Athènes, vous envoyez continuellement des ambaffades pour nous affurer que Philippe projette notre ruine & celle de tous les Grecs: mais, ôles plus foibles des hommes! loifque cet ennemi commun fut retenu fix mois hors de fon pays par

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la maladie, la rigueur de l'hiver, & les armées de ses ennemis, profitâtes-vous de cette occafion pour recouvrer vos poffeffions perdues? rendîtesvous la liberté à l'Eubée, & chassâtes-vous ces troupes & ces tyrans qui y avoient été destinés à infulter l'Attique? Non : vous êtes restés insenfibles aux outrages qu'on vous a faits, & vous nous avez pleinement convaincu que, quand même on nous auroit annoncé dix fois la mort de Philippe, vous n'en auriez pas montré pour cela plus de vigueur. Pourquoi donc ces ambaffades, ces accufations, toute cette fermentation inutile»? Si les Grecs vous faifoient ces questions, que pourriez-vous répondre? Je n'en fais rien.

« Il y a des hommes qui croient interdire un orateur bien intentionné en lui demandant, que devons-nous faire ? Ma réponse est fincere : rien de tout ce que vous faites à préfent. Je vais m'expliquer plus en détail, & puiffiez-vous être auffi prompts à recevoir un confeil qu'à le demander! D'abord vous devez croire, comme une chofe bien démontrée, que Philippe a rompu la paix, & qu'il eft en guerre avec votre république ; qu'il eft l'ennemi de votre cité, du terrein fur lequel elle est bâtie, de tous ceux qui l'habitent, & de ceux même parmi vous qu'il a le plus diftingué

par les faveurs. Le fort d'Eutycrates & de Lafthènes, citoyens d'Olynthe, après qu'ils eurent vendu leur patrie, peut apprendre à nos traîtres celui qui les attend. Mais quoiqu'ennemi de votre ville, de votre fol, de votre peuple, Philippe est fur-tout l'ennemi de votre gouvernement, qui, étant peu propre à acquérir ou à maintenir une domination fur les autres états, eft merveilleusement conftitué pour défendre votre liberté & celle des autres; pour repouffer l'ufurpation & humilier les tyrans : voilà pourquoi Philippe détefte votre démocratie. Une vérité dont vous devriez être profondément perfuadés, c'eft que par-tout où vous mettez obstacle à ses projets, vous agiffez pour la sûreté d'Athènes, contre laquelle principalement toute fon ambition est dirigée car enfin, qui peut être affez infenfé de croire que les cabanes de la Thrace (Drongila, Cabila & Mastira) feroient des objets dignes de fon ambition; que, pour les acquérir, il s'expoTeroit aux fatigues & aux dangers; que, pour l'amour du feigle & du millet de Thrace, il confentiroit à paffer tant de mois au milieu des neiges & des tempêtes, tandis que, dans le même temps, il dédaigneroit les richeffes & la fplendeur d'Athè

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nes, vos ports, vos arfenaux, vos galeres, vos
mines & vos revenus? Non, Athéniens: c'est
pour fubjuguer Athènes & s'en rendre maître
qu'il fait la guerre en Thrace & par-tout ailleurs.
Que devrions-nous donc faire? Nous arracher à
notre indolence; non-feulement foutenir, mais
augmenter les troupes qui font fur pied, afin que,
comme Philippe a une armée toujours prête à
attaquer & conquérir les Grecs, vous puiffiez
auffi être prêts à les fecourir & à les fauver a ».
Une chofe digne d'observation (parce que rien
ne décèle plus évidemment l'efprit tyrannique de
la démocratie), c'eft que Démosthènes ne pro-
pose pas la guerre en forme, en préfentant un forme.
décret écrit, pour être approuvé ou rejetté par
les fuffrages de fes compatriotes. Ce décret auroit

pu

a

se retrouver dans les archives athénienes; &, si la guerre eût été malheureuse, on auroit pu le reproduire pour perdre fon auteur, dont les ennemis n'auroient pas manqué d'alléguer cette piece comme une preuve qu'il auroit occafionné la rupture avec Philippe & tous les maux qui en feroient réfultés. La partie accufée auroit en vain réclamé les fuffrages de l'affemblée, puisqu'une fimple cour de juftice pouvoit lui intenter un

Démosthè

nesne hafar

de pas de

propofer la

guerre en

a Orat. de Cherfonefo, p. 35 & fuiv.

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