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peuple d'Athènes a oublié toutes leurs hoftilités récentes contre les citoyens de la Grèce, & qu'il n'abandonnera jamais la caufe de la patrie commune, qui eft, en ce moment fur-tout, la cause particuliere de Thèbes. Faites-leur offrir tous vos fecours & vos fervices, fans aucun intérêt de votre part; car il feroit indécent de faire aucune demande pour vous-mêmes dans la conjoncture préfente. Affurez-les que vous êtes profondément affectés de leur danger, & entierement préparés à les défendre généreufement de toutes vos forces ».

Le décret paffé à ce fu

mois d'août

Ces propofitions ayant été reçues avec une approbation générale, Démosthènes dreffa un jet, daté du décret pour en ordonner l'exécution; décret que l'on peut regarder comme la voix expi rante d'un peuple qui, fuivant le confeil magnanime de Périclès, avoit réfolu, quoi qu'il arrivât, de conferver la réputation d'Athènes intacte aux yeux de la postérité 2. Après avoir peint, dans

a Voyez volume 3, chapitre 15. En défendant fa propre conduite, malgré les conféquences malheureuses dont elle fut fuivie, Démosthènes semble animé du véritable esprit de Périclès. Βελομαι τι και παραδοξον ειπειν ; και με προς διος και θεων ! μηδεις την υπερβολην θαυμαση, αλλα μετ' ευνοίας ὁ λεγω θεωρησατω ει γαρ απασι πρόδηλα τα μελ μοντα γενήσεσθαι, και προήδεσαν παντες, και συ πρέλεγε

ce décret, la perfidie & la violence de Philippe fous les couleurs les plus odieufes, & avoir

Αισχίνη, και διεμαρτερό, βοών και κεκραγως, ός δε εφθεγξω δε στως αποατεον τη πόλει τότων ην εσπιρ η δόξης η προγονων η τε μελλοντος αιώνος είχε λογον. Les beautés de tels paffages, dépendant principalement de la collocation des mots & des fentimens, ne peuvent être traduites. En voici fimplement le fens : « Je hasarderai de dire des chofes qui font contraires à l'opinion commune, & au nom des Dieux ! Ne faites pas attention à l'extravagance de mon difcours, mais écoutez-le avec indulgence. Quand vous auriez tous prévu ce qui alloit arriver, quand les fuites de notre conduite auroient été évidentes, &quand même vous, Æfchines, vous les auriez divulguées à haute voix, vous qui n'ouvrîtes pas la bouche, cependant les Athéniens ne devoient pas abandonner la cause de la liberté Grecque, à moins qu'ils n'abandonnaffent leur gloire, leurs ancêtres, & leur renommée dans les âges fuivans ». La même pensée eft exprimée, dans un style plus hardi encore, après que les auditeurs y ont été préparés : αλλα εκ εςι, όπως ημαρτετε, άνδρες Αθηναιοί, τον ύπερ της άπαντων ελευθερίας και σωτηρίας κινδυνον αραμενοι 8 μα της εν Μαραθώνι προκινδυνεύσαντας των πрoyovar, &c. Voyez le paffage 143. Il jure, par ceux qui périrent à Marathon, à Platée, à Salamine & à Artemife, que les Athéniens ne s'abufoient point en défendant la sûreté & la liberté publiques, contre des forces fupérieures, & contre leur mauvaise fortune. De tels passages, détachés, peuvent paroître extravagans &

noté d'infamie les nouveaux traits de fon injuftice & de fon ambition, l'orateur conclud ainfi : « C'est pour de telles raifons que le fénat & le peuple d'Athènes, émules de la gloire de leurs ancêtres, à qui la liberté de la Grèce fut toujours plus chere que l'intérêt de leur république particuliere, & révérant humblement les dieux & les héros, gardiens de la cité & du territoire d'Athènes dont ils implorent l'aide en ce moment, ont réfolu d'envoyer, vers la côte de Béotie, une flotte de deux cents voiles, de marcher à Eleufis avec toutes leurs forces de terre, de dépêcher des ambaffadeurs aux différens états de la Grèce, & particulièrement aux Thébains, pour les encourager à refter fermes au milieu des dangers qui les menacent, & à défendre la cause commune, avec l'affurance que le peuple d'Athènes, oubliant toutes les querelles qui ont eu lieu entre les deux républiques, eft déterminé & préparé à les foutenir de tout fon pouvoir, avec les tréfors, fes vaiffeaux & fes armes, fachant bien que c'eft une chofe hono

gigantefques; mais, en confidérant la fituation des temps, & la fymmétrie qui règne dans les discours de Démofthènes, rien ne paroît monftrueux, parce que tout eft grand.

Démosthè

nes perfuade

bains de

joindre l'étendardd'Athènes.

rable que de combattre pour la prééminence de la Grèce; mais que c'eft ternir leur gloire héréditaire & déshonorer leur patrie pour jamais, que de fe laiffer commander par un étranger, & de fouffrir qu'un barbare leur enlève la fouveraineté ».

Le même efprit d'intrépidité qui dicta ce aux Thé- décret, fuivit les opérations de Démosthènes dans fon ambaffade à Thèbes, dans laquelle il triompha des intrigues d'Amyntas & de Cléarchus, & de l'éloquence de Phylon de Byzance, qui étoient les émiffaires envoyés par Philippe en cette occafion importante. Les Thébains pafsèrent un décret pour recevoir, avec gratitude, l'affiftance d'Athènes; & l'armée Athéniene étant bientôt après entrée en campagne, fut admise dans les murs de Thèbes, & traitée avec toutes les diftinctions flatteufes de l'ancienne hofpitalité 2.

Préparatifs

a

Pendant ce temps-là Philippe avançoit vers des deux cô- les frontières de là Béotie. Y étant arrivé, il tés pour la

bataille de envoya quelques détachemens qui furent battus,

Chéronée.

a Démosthènes, qui fournit les détails ci-deffus, évite de s'arrêter fur les triftes événemens qui fuivent, lefquels font rapportés par Diodore, l. 16. p. 475 & fuiv. Plut. in Alexand. Strabo, I. 9. p. 414. Juftin. I. 9. ch. 3. & Paufanias, Bæotic.

en

en deux rencontres, par les confédérés. Sans s'inquiéter de ces pertes, auxquelles peut-être il avoit donné lieu, pour attirer, par ce ftratagême, l'ennemi hors de ses murailles, il marcha, avec le principal corps de fon armée, forte de trente-deux mille hommes, vers la plaine de Chéronée. Philippe trouva ce lieu très-propre aux opérations de la Phalange Macédoniene, & il y choifit l'emplacement de fon camp, & enfuite le champ de bataille avec une égale fa gacité, ayant devant lui, d'un côté, un temple d'Hercule que les Macédoniens regardoient comme l'auteur de la famille de leurs rois & le grand protecteur de leurs armes ; &, de l'autre côté, les bords du Thermodon, petite rivière coulant dans le Céphife, & annoncée, par les oracles de la Grèce, comme un lieu qui devoit être fatal au deftin de cette contrée. Les généraux de l'armée confédérée des Grecs avoient été beaucoup moins attentifs à profiter des préjugés fi puissans de la fuperftition. Quoique les facrifices euffent paru d'un mauvais augure, les Athéniens avoient quitté leur ville par les exhortations de Démosthènes, qui regardoit la justice de leur caufe comme le présage le plus

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