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Ch

A

MONSEIGNEUR

LE NAIN,

INTENDANT DE POITIERS

ONSEIGNEUR,

Un Ouvrage annoncé fous le nom de Dictionnaire, & qui n'a pour objet que l'Orthographe Françoise, ne préviendroit pas en fa faveur, fi en permettant qu'il parût fous vos aufpices, vous ne lui aviez donné par-là une marque de votre approbation; heureux présage de celle du Public, qui

p'admire pas moins en Vous ce goût exquis pour fout genre de Litterature, qu'il applaudit à votre zéle pour ranimer les études en cette Province ? & pour y faire fleurir les fciences. Mais ces fentimens, taus juftes qu'ils font, doivent céder au jourd'hui à d'autres plus intéressans pour un Citoyen. Ce que vous venez de faire, MONSEIGNEUR pour prévenir la difette dont nous étions menacés, pour fuppléer à la stérilité par des fecours tirés de Létranger, & pour procurer des afyles à la mifere, demeureza éternellement gravé dans nos nous ne parlerons jamais des alarmes. dont nous avons été agités, fans parler en même temps avec amour & reconnoiffance de celui qui par la fageffe de fes confeils & par fes foins infa tigables a feu les calmer.

cœurs ;

J'ai l'honneur d'être avec un profond respect &

MONSEIGNEUR

Votre très-humble & très

obéiffant Serviteur **

PREFACE.

UOIQUE la Langue Françoife n'ait prefque pas varié depuis cinquante ans, & que les Auteurs du fiécle où nous fommes fe faflent honneur d'imiter ceux qui ont excellé fur la fin du dernier cependant l'Orthographe a reçu tant de différens changemens, qu'à peine trouve-t-on deux Livres où elle foit femblable, s'ils n'ont été corrigés par un feul & même Correcteur. Tout le monde reconnoît ce défaut, & perfonne n'y a encore apporté le véritable reméde, quoique plufieurs fçavans Ecrivains en ayent donné des Traités. Mais parce qu'ils fe font plus attachés à leur propre goût qu'à celui du Public & à la raifon, ils ont eu le defagrément de voir leurs travaux inutiles; & que ceux qui ont écrit depuis l'édition de leurs Livres, loin de les imiter, croient être en droit de jouir du même privilége; c'està-dire, de fuivre comme eux leur fentiment particulier. Ce n'est pas ce que je me propofe en cet Ouvrage : je fuivrai les régles générales autant qu'il me fera poffible: j'apporterai fur les mats dont l'Orthographe varie, les différens fentimens des meilleurs Auteurs, tant anciens que modernes ; & j'y joindrai le mien, dont je ferai connoître les raifons fondamentales au Public, à qui j'en છે laiffe la décifion.

DE L'ORTHOGRAPHE EN GENERAL,

L'Orthographe, fuivant l'étymologie du nom, est l'art ou la maniere d'écrire correctement; c'est-à-dire, d'expliquer aux yeux des Lecteurs ce qu'on veut leur apprendre. Meffieurs de Port Royal, dans leur Méthode, difent qu'elle doit fuivre la raison & l'autorité : la raison, lorfqu'on a égard à l'étymologie des mots; & l'autorité, lorfqu'on fuit la maniere d'écrire la plus ordinaire dans les bons Auteurs. Entrons préfentement en matiere,

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Les Écrivains du dernier fiécle, qui s'attachoient beaucoup plus à la raifon qu'à tout autre chofe, avoient une Orthographe plus uniforme, qu'on appelle aujourd'hui l'ancienne. Le P. Buffier n'a pu s'empêcher d'avouer dans fa Grammaire Françoife, nombre 208. qu'il paroît Judicieux de garder l'ancienne Orthogra», phe dans tous les mots où fans cela ils feroient confondus avec des mots qui ont déja le même fon, & qui ,, ont cependant une fignification toute différente. C'eft » pourquoi, bien que les lettres doubles qui ne fe pro,, noncent point, foient fupprimées dans la nouvelle Orthographe, on fait bien d'écrire encore Ville, urbs, ,, par deux ll, bien que ce mot ait le même fon que vile, vilis. De même on fait bien d'écrire poids, pondus, » poix, pix, & pois, cicer, bien que ces trois mots ,, ayent le même fon car leur fignification étant diffé,, rente, il femble affez à propos de la diftinguer du ,, moins aux yeux, puifqu'on ne peut par la prononcia,, tion la diftinguer à l'oreille,

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Voici ce qu'il ajoûte au nombre 196. On perdroit ,, en quittant l'ancienne Orthographe la connoiffance », des étymologies, qui font voir de quels mots, Latins ou Grecs, viennent certains mots François.

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Et au nombre zoo. L'on ne verroit plus le rapport » qui eft & qui doit être entre les mots dérivés l'un de l'autre. Par exemple, fi l'on écrit tems, au lieu de

35 temps, en ôtant le p, on ôtera le rapport de temps aux mots temporel, temporifer, & à fes autres dérivés. D'autres Auteurs ont ofé avancer qu'il faut écrire comme on parle.

Pour répondre à cette propofition, & en faire connoître la fauffeté & le ridicule, je dis & foûtiens que fi l'on écrivoit comme l'on prononce, il s'enfurvroit nécellairement qu'il n'y auroit que ceux qui parlent bien, qui écriviffent correctement. Les Gafcons écriroient wateau pour bateau, boiturier pour voiturier, & ainfi les autres les Limofins écriroient Setembre pour Septembre, Otobre pour Octobre, Doteur pour Docteur, & Beneditin pour Benedictin: les Picards, ennemis de la lettre h, fe croiroient pareillement en droit d'écrire un cat, un quen, la bouque, une monque, au lieu de chat, chien, bouche, mouche. De forte qu'il se trouveroit dans la langue Françoise autant d'Orthographes differentes qu'il y a de dialectes ou d'accens différens, ce qui feroit ridicule.

Mais, me dira-t-on, il n'y a que les gens du commun qui parlent de la forte. Il fe trouve dans les Provinces les plus reculées des perfonnes qui parlent parfaitement bien, je l'avouë; néanmoins il ne s'enfuit pas de-là qu'ils doivent écrire comme ils prononcent. L'usage général veut qu'on écrive Paon, Paon, Laon, Août, Saone, fceau, meur, Europe, à jeun, Eustache, œconomie, œuvres ail, &c. Cependant il faut prononcer, Pan, Fari, Lan Oût, Sone, fau, mur, Urope, à jun, Uftache, économie, euvre, euil, &c. il en eft de même avec une infinité d'autres mots dont la prononciation est différente de l'écriture, non feulement chez les François, mais encore chez toutes les Nations du monde.

DE L'ORTHOGRAPHE EN PARTICULIER

Des Accens.

L'on a introduit depuis quarante ans une fi grande

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