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fe du trouble & produit de fâcheux ef féts, & que les Planetes ne peuvent jamais fe fouffrir dans un pareil degré d'élevation. L'orgueil d'un Ange qui vouJut s'élever au deffus de fon rang, & s'égaler à celui dont il venoit de recevoir la lumiere, fit naître la divifion dans le Ciel ; & l'ambition du premier homme, qui fe fata de devenir plus grand qu'il n'étoit, & d'être égal à fon Créateur même,fit le premier defordre fur la terre; & pour lors cette malheureuse ambition commença à verfer fon poifon cruel dans le cœur de fes defcendans, poifon qui eft aujourd'hui la fource fatale de tant de querelles & de guerres qui troublent le repos des familles & la tranquillité des Etats: C'eft ainfi qu'un Officier, pouffé par l'ambition & l'interêt propre, voulant s'élever au deffus de fon rang, & préceder un autre Officier, ils font naître l'un & l'autre dans le Corps dont ils font les membres, le trouble & la divifion: Ceft ainfi que l'on voit les Corps animez les uns contre les autres, auffi-bien que les articuliers qu'il s'engendre entr'eux des procès qui ruinent les familles, produifent des inimitiez immortelles, & préjudicient beaucoup au service de V. M. que l'on aban

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donne pour contenter fon ambition, pour fatisfaire à fon interêt, & fouvent pour exercer fa vengeance.

Les gens du commun, qui à la faveur de l'argent, ont trouvé l'entrée facile dans les Charges, particulierement dans celles des Finances, font caufe pour l'ordinaire de ces divifions qui troublent l'harmonie que la fubordination doit produire entre les Officiers: Entêtez du nouvel honneur qui les tire de la pouf fiere, & cherchant à fe diftinguer par une vaine fierté, ne le pouvant faire ni par leur naissance, ni par leur merite, ils s'abandonnent plus aveuglément à la vanité, & paroiffent beaucoup plus inquiets de la préfeance que ceux qui par leur naiffance honorent le caractere que rOffice leur imprime:Les femmes furtout, pour lesquelles l'ambition a toujours eu des charmes fi puiffans, plus jaloufes du rang de leurs maris que leurs maris mê me, donnent lieu, particulierement dans 'les Provinces, à mille querelles, où leurs maris avec trop de complaisance la pomme de difcorde qu'elles leur préfentent, n'hefitent pas à foutenir ces querelles au peril même de la ruine de Jeur maison; aveuglez dans le rang qu'ils occupent, fans fe foucier de remplir les

prenan

devoirs aufquels leurs emplois les enga gent, ils ne cherchent qu'à s'élever beau coup au deffus de ceux qu'ils ne voyenc leurs égaux qu'avec un chagrin fenfible. ou à s'égaler à ceux qu'ils ne regardent au deffus d'eux qu'avec une inquietude extrême; juftifiant en cela ce que dit un illuftre Ancien fur un femblable fujet, qu'il eft tres-difficile que les mouvemens de la vertu furmontent ceux de l'envie & de la vaine gloire, & de trouver quelques fentimens d'amitié parmi ceux qu' entête la jaloufe ambition du rang, tant il eft veritable que les mœurs corrome pues du fiecle ont fait de cette vaine pafhion, une vertu plus forte que les loix même, une vertu fainte, pour fe fervir des termes d'un fameux Poëte de l'an tiquité: Les Compagnies en ont fouffert des alterations étranges, auffi-bien que les particuliers qui les compofent il n'y a point de Province, SIRE, dans votre Royaume, point de Ville, qui n'en fourniffe des exemples, & dans les Cours fuperieures & dans les inferieures, les unes & les autres difputant entr'iles du rang & de la préfeance, tanté de Corps à Corps, tantôt de Particulier Particu lier, combien de querelles tous les jours dans les Affemblées publiques, dans les

Paroiffes, dans les Proceffions, dans les Ceremonies les plus auguftes de notre Religion? Combien de fcandales dans les Eglifes, d'emportemens, de violences à la face même de nos Autels, qui: profanent les lieux faints & confacrez au culte de Dieu, qui troublent le fervice Divin, & qui font gemir les ames fideles? Combien n'en voit-on pas naître de procès civils & criminels qui desho norent les Charges, ruinent les familles; des meilleurs amis, en font des adverfaires obftinez; & des parens les mieux unis, des ennemis irreconciliables?

Votre Confeil, SIRE, & vos Parlemens voyent tous les jours des preuves de cette verité par les procès que l'on y porte de tous les endroits de votre Royaume; mais ce qui entretien ce mał déplorable, & nourrit entre les Officiers une femence certaine de querelles & de procès, c'est la diverfité des jugemens rendus dans votre Confeil, & dans vos Cours fuperieures entre les Officiers, foit en Corps, foit en particulier des diverfes Provinces úi compofent vos Etats, en forte qu'i s'en trouve à peine dont le rang foi fi bien reglé, qu'on ne puiffe trouver des prétextes & des exemples pour le contefter.

Il eft vrai, SIRE, que les Coûtumes de vos Provinces font differentes entre elles, & même plufieurs entierement contraires; cependant ces contrarietez n'engendrent point de procès, ce font des loix municipales, des mœurs loca les & particulieres, dont les Rois ont bien voulu continuer l'ufage aux peuples, lorfque leur valeur en a fait la conquête, ou lorfque la douceur de leur domination, jointe à un droit legitime les a attachez à leur Couronne, comme on voit que votre valeur invincible, vos admirables vertus, & la douceur d'être fous votre Empire, en acquiert tous les jours à V. M. S'il arrive des Procès, ce n'eft que pour l'interpretation de quelques articles entre ceux qui plaident dans le Reffort d'une de ces Coûtumes; & l'on ne fe fert jamais de la contrarieté de deux Coûtumes differentes pour en faire le fujet d'un Procès : Mais il n'en eft pas de même, SIRE, des jugemens rendus pour regler le rang des Charges & la féance des Officiers; ceux qui ont un même caractere dans votre Royaume, quoyqu'ils ayent chacun dansion détroit les mêmes titres, quoyqu'ils portent les mêmes marques d'honneur, jouiffent des mêmes privileges, ayent la même auto

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