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démêler la veritable nature & la jufte valeur de chaque chofe.

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Je ne puis m'empêcher de revenir à la charge fur cette matiere, quoyque j'en ai peut-être déja affez parlé au commencement de ces Propheties: j'ai toujours regardé les imaginations qui enfantent ces fortes de preftiges, comme le poifon de l'intelligence, quoyqu'ordinairement on n'ait rien moins que cette vûë: c'eft ce qui a fait dire autrefois à S. Auguftia: Quod intelligimus debemus rationi, quod opinamur amori. En effet opinari, dans le tems de Ciceron & des Philofophes Romains, ne fignifioit autre chofe que croire çavoir ce qu'on ne sçait pas. Enfin l'on doit regarder l'ignorance. comme le principe de toutes les fauffes opinions qui fe font accreditées parmi le peuple, & l'orgueil de l'homme comme l'unique fource de l'aveuglement & de l'ignorance répandus fur la terre: mais tout cela foit dit fans application à l'Abbé Joachim, un des objets de la veneration Catalane: c'eft fouvent un grand merite dans le XVIII. fiecle d'avoir écrit dans le XII, Major è longinquo

reverentia.

ARTICLE I V.

Orfque M. Abbadie publia fon Li

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vre intitulé l'Art de fe connoître un Philofophe de Paris y trouva tains principes qui lui parurent dangereax: il fit quelques extraits de cet Ouvrage, & parmi les propofitions qu'il en tira, il en mit quelques-unes qui contenoient plutôt les confequences qui lui paroiffoient fuivre des principes de l'Au teur. Il envoya ces extraits à un ami de M. Abbadie pour les lui communiquer & voici la réponse que M. Abbadie fit à e cet ami.

MONSIEUR.

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J'ai reçû avec beaucoup de plaifir & de reconnoiffance, votre Lettre avec les remarques de M. votre ami, ou plutôt avec la Table de fes reflexions qui eft trop abregée pour m'avoir permis de devine fa penfée comme je l'eus fouhaité dans la plupart des endroits qu'il a marquez. Je me flatte que fi j'avois l'honneur de l'entretenir, je pourrois ou les

défendre contre fa critique, ou profi ter de fes remarques; car naturellement je fuis affez docile, & j'ai fort bonne opinion des lumieres du Docteur votre ami. Il en dit affez pour me faire estimer fa penetration; mais non pas pour me donner envie d'en profiter: de forteque je n'ai qu'une réponse generale à faire à fes reflexions, qui eft que je demeu.. re d'accord que l'endroit de mon Livre fur lequel elles roulent prefque toutes, eft un peu trop abftrait & trop metaphyfique; & qu'affurement, je le fupprimerai tout entier,fi on en fait une feconde édition. Ce n'eft pas que je ne foye bien perfuadé que les principes en font vrais & qu'il faut monter jufques-là pour aller à la fource des chofés. Mais il fautgarder cela pour le Cabinet, & le Public: n'a que faire de ce qui le fatigue, qui l'entête fur tout dans des matieres de morale qui doivent être proportionnées à tout le monde. Je paffe condamnation là-deffus, fans laiffer neanmoins d'être perfuadé qu'on ne connoît rien dans la nature de 1homme qu'en fuivant ce fy-ftême & en adoptant le principe de Defcartes touchant fes fenfations: mais. le Peuple n'a que faire de cela, & les Sçavans eux-mêmes, & les Philofophes

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du premier ordre, ne laifferont point de fe perdre dans la fpeculation quand ils voudront les pouffer trop loin. Nous ne pouvons prétendre qu'à une certaine mefure de connoiffance bornée après laquelle on fait bien de reculer, de peur de fe perdre, ou s'abîmer dans les rafinemens d'une comtemplation fort fou-. vent fauffe & toujours fort inutile. Je confens de paffer pour Cartefien, & d'être mis au nombre de ces bienheureux contemplatifs dont vous parlez; mais.. je ne crois point qu'on me voye fouffrir le martyre pour Defcartes perfonnellement. Je m'en fert quand il me femble qu'il a raison; mais fans opiniâ-? treté, fans entêtement. Je ne veux point abufer plus longtems du tems que vous êtes en poffeffion de fi bien employer, je vous affurerai feulement que perfonne ne vous honore plus, Monfieur, que votre : très - humble & très - obéiffant ferviteur

ABBADIE.

A Londres, ce 20. Janvier 1694.

Au refte, je ne me fuis pas reconnu dans la plupart des remarques. Il faut neceffairement qu'on ait falfifié l'Ouvrage Jorfqu'on l'a contrefait, je verrai cela avec • le tems...

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Les remarques du Philofophe fur le Livre de M. Abbadie étoient principalement fur la maniere d'expliquer les fenfations felon les principes de M. Defcartes, & le P. Lami Benedictin de S. Denis l'ayant imité & fuivi dans un Livre femblable qu'il intitula de la connoiffance de foi-même, le Philofophe en fit des extraits conformes aux premieres remarques. Une autre perfonne de fes amis écrivant à M. Bayle les lui envoya : celuici qui ne gardoit pas tant de mefure que M. Abbadie avoüia toutes les confequences que le Philofophe avoit tirées de la doctrine contenue dans les deux Quvrager & en écrivant à celui qui les lui avoit communiquées, il lui fit cette réponse.

J

E vous dirai, Monfieur, qu'avant que M. Abbadie eût fongé au Livre qu'on a contrefait en France, javois eu une querelle avec M. Arnauld, qui n'eft qu'affoupie au fujet des fenfations. M. Arnauld a publié une belle Differtation contre moi, fur le prétendu bonheur du plaifir des Sens.

eft une réponse à l'Apologie que j'avois publiée d'un Article de mes Nouvelles de la République des Lettres, dans lequel

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