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brillantes qualitez ne valent-elles pas la peine qu'on pardonne à ce Philofophe quelques défauts de jufteffe qu'on trouve de tems à autre dans fes Ouvrages ?

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Sa Métaphyfique, il faut en convenir, lui a valu une bonne partie de fa réputation. & l'a accredité au point qu'elle lui a donné pour partifans, fecrets ou déclarez, prefque tous les Peres de l'Eglife. Faut-il s'en étonner? l'objet de cette fcience eft grand, & il flate admirablement l'audace de l'efprit humain : mais en même tems, ne craignons pas de l'avouer, il décele fon ignorance. Les principes des êtres que la Métaphyfique confidere, nous font abfolument inconnus, & il ne faut pas efperer que la nature toujours myfterieufe dans fa conduite, & qui ne nous les a pas cachez fans raifon fe laiffe toucher par notre curiofité, & qu'elle nous les découvre quelque jour. Ainfi on verra toujours cette nature intraitable fur ce point, & les hommes toujours auffi entêtez de la manie de découvrir les principes des premiers êtres. Mais cette manie toute finguliere qu'elle eft peut avoir fon utilité. La re cherche des veritez qu'on ne trouvera jamais, a cela de commun avec les plaifurs, qu'elle amufe. Enfin, la Métaphy

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fique de Platon prouve l'élevation de fon efprit; je dis plus, ce qu'il y a même de chimerique lui fait honneur.

Sa Morale merite encore de plus grands éloges, & fi elle ne montre pas T'homme tel qu'il eft, elle apprend du moins ce qu'il doit être : loüange qu'on રે a donnée, il n'y a pas longtems, à un celebre Poëte tragique; je veux dire au grand Corneille. On y entend toujours parler de vertu, dans cette excellente Morale, de celles même qui ont plus d'affinité avec le Chriftianifme; auffi M. Dacier en met-il l'Auteur presque dans l'Eglife, quoyque S. Cyrille d'Alexandrie le taxe, fans aucun ménagement, d'herefie, parce qu'il femble multiplier dans la divinité les natures auffi-bien que les perfonnes, & mettre, à l'exemple des Ariens, trois Dieux dans la Trinité. Mais queyqu'il en foit de la doctrine de Platon fur ce point, on peut dire que de tous les Payens, c'eft celui qui a enfeigné la Morale la plus pure & la plus conforme aux interêts de la focieté civile ; & s'il efe certain, comme on l'a toujours •prétendu, que le langage des Auteurs réponde ordinairement de leurs mœurs, on peut affurer que Platon avoit encore le cœur meilleur que refprit.

Il arrive fouvent à ce, Philofophe de ne point fe fouvenir dans certains Dialogues de ce qu'il a avancé dans d'autres, & de dire fucceffivement le pour & le contre, ou du moins de tomber dans de facheufes inductions. Ces fortes de contradictions foulevent avec raifon les LeEteurs à qui la Geometrie donne l'habitude de raifonner confequemment, & de ne faire aucun quartier à tout ce qui s'appelle vice philosophique.

Il faut l'avouer, les Anciens s'emba

raffoient peu de cette jufteffe & de cette précifion qui caracterifent les nouveaux Philofophes; ils ne fe piquoient point pour aller à la verité, de prendre les routes les plus courtes & les plus fimples; ils fe ménageoient même comme un plaifir, la neceffiré de la chercher longtems: il faut encore l'avouer, Platon eft le Philofophe le plus diffus qu'ait produit l'antiquité; u..e legere idée, fouvent tresmediocre, lui fournit quelquefois la matiere d'un tres-long Dialogue ; & on paye ordinairement bien cher le plaifir d'apprendre quelque chofe dans cet Auteur.

Achevons le caractere de Platon; il étoit galant, & il n'étoit même pas faché qu'on le crût tel; il ne parle jamais de l'amour, que fon ftile n'en falle

faffe l'éloge, & l'imagination échauffée par le cœur, en étoit toujours plus brillante chez lui. Quand fon fujet le fait tomber fur celui de la beauté, il paroît plein de tous les tranfports qu'elle caufe. Ce ne font que de grands mots, mais qui par ce qu'ils ont de confus, peignent admirablement bien le defordre de la paffion. Rien au refte ne découvre mieux felon moi, le fond de galanterie qu'il y avoit dans fon cœur, que l'endroit de fon Phedre, où après avoir établi la métempficofe, il diftribue les ames dans les corps des hommes. Là, il établit neuf differens états humains, qu'il deftine aux hommes, fuivant leurs vertus & leurs vices, & il ne manque pas de mettre dans le premier rang les Amants parfaits. Auffi Dicearque, Geographe qui vivoit du tems d'Augufte, s'éleve fort dans fes Ecrits contre ce dernier Dialogue (le Phedre) de Platon, où ce Philofophe entreprend de juftifier les faillies de l'amour. Dicearque dit, & il a raifon, , que c'est le premier Ouvrage d'un jeune homme qui commence à fentir les atteintes de cette paffion. On y trouve en effet avec un débordement impetueux d'imagination, des faillies qui fentent bien le jeune homme.

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Pieces Fug. Tom. II.

D

Cet ancien Philofophe, qu'on regarde avec juftice comme le chef de tous les autres, fournit une preuve que la Philofophie n'a pas toujours été fauvage; & comme il a aimé fans en rougir, aufli ne fait-il pas façon de l'avouer.

L'exemple de Platon détermina tous les Auteurs de fon tems; & il accredita fi fort le dialogue, que ce genre d'écrire fut bientôt préferé à tous les autres. C'eft des Grecs que les Latins, qui faifoient gloire de les imiter, le prirent. Ciceron, Orateur de profeffion, & ainfi accoutumé à ne faire que des difcours fuivis, cut la forme du dialogue plus propre qu'aucune autre à traiter les matieres philofophiques; c'eft pourquoi il y réduifit tous les Ouvrages qu'il a faits fur la Philofophie.

C'est une fuite d'un ancien préjugé, mais qui n'en eft pas moins injufte, de ne regarder Ciceron que comme un grand Orateur, & d'oublier prefque qu'il étoit un excellent Philofophe. Je m'ima gine que c'est parce que l'antiquité ne l'a loué que du côté de l'éloquence, &. que jufqu'à prefent il n'a été permis de rien louer qu'après elle. J'avoue fans peine, que les Plaidoyers & les Oraifons de Ciceron font d'une grande beauté, &

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