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le peuple n'en témoigna ni joie ni douleur; et peut-être qu'il ne fut pas fâché que les Volsques de Rome. l'eussent tiré de l'embarras de rappeller un pa

tricien qu'il ne craignoit plus, et qu'il haïssoit

encore.

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FIN DU SECOND LIVRE.

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LIVRE TROISIÈME.

Sp. Cassius Viscellinus, patricien, conçoit l'espérance de se faire couronner roi de Rome, à la faveur des divisions qui règnent dans la ville. Pour mettre le peuple dans ses intérêts, il propose, dans le sénat, de faire faire le dénombrement des terres conquises, afin de les partager également entre tous les citoyens. C'est ce qu'on a appellé la loi Agraire. Virginius, collègue de Cassius dans le consulat, et C. Rabuleius, tribuns du peuple, contribuent également à empêcher l'exécution de la proposition du consul. Arrêt du sénat qui autorise Q. Fabius et C. Cornelius, consuls désignés, à nommer des commissaires pour le partage des terres. Cassius condamné à mort. Menenius, fils d'Agrippa, et Sp. Servilius, sont mis en justice par les tribuns, pour s'être opposés, pendant leur consulat, à la nomination de ces commissaires. Le premier est condamné à une amende, et s'enferme dans sa maison, où il se laisse mourir de faim: le second dissipe le danger par sa fermeté. Volero. Loi qu'il propose pour les assemblées par tribus. Cette loi passe malgré Appius. Les tribuns, de concert avec les consuls, demandent l'exécution de l'arrêt du sénat pour le partage des terres conquises. Appius empêche l'effet de cette demande. La mort de ce consulaire donne moyen aux tribuns de poursuivre cette affaire, mais sans succès.

CETTE haine du peuple pour tout ce qui porde Rome. toit le nom de patricien, ne venoit que de la

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jalousie du gouvernement. Mais comme il n'en avoit encore coûté au sénat que l'établissement de Rome. des tribuns et l'exil d'un particulier, les républicains zélés n'étoient pas fâchés de cette opposition d'intérêt, qui, en balançant également le crédit des grands et l'autorité du peuple, ne servoit qu'à maintenir la liberté publique. Telle étoit la disposition des esprits, lorsqu'un patricien ambitieux crut qu'en poussant plus loin la division, et en se mettant à la tête d'un des partis, il pourroit les détruire tous deux, et jetter, sur leurs ruines, les fondemens de sa propre élévation.

Ce patricien s'appelloit Sp. Cassius Viscellinus; il avoit commandé les armées, obtenu l'honneur du triomphe, et étoit actuellement consul pour la troisième fois. Mais c'étoit un homme naturellement vain et plein d'ostentatation, qui exagéroit ses services, méprisoit ceux des autres, et rappelloit, à lui seul, toute la gloire des bons succès. Dévoré d'ambition, il osa aspirer à la royauté, si solennellement proscrite par les lois; et, dans le dessein secret qu'il avoit formé, depuis long-temps, de la rétablir en sa personne, il ne balança point sur le parti qu'il avoit à prendre. Il résolut de gagner d'abord l'affection du peuple, qui se livre toujours aveuglément à ceux qui le sçavent

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tromper, sous le prétexte spécieux de favoriser de Rome. ses intérêts.

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Sa partialité éclata ouvertement pendant son second consulat, dans le temps qu'il s'agissoit de l'établissement des tribuns. On pouvoit, à la vérité, attribuer ses ménagemens politiques au désir de voir le peuple réuni avec le sénat; mais la conduite équivoque qu'il venoit de tenir actuellement, tant à l'égard des Herniques que du peuple Romain, persuada entièrement le sénat qu'il avoit d'autres vues et d'autres intérêts que ceux de la république.

Les Herniques ou Herniciens étoient de ces petits peuples voisins de Rome, que nous avons dit qui habitoient proche du Latium. Depuis la mort de Coriolan, ils s'étoient ligués avec les Volsques contre les Romains. Aquilius, qui étoit alors consul avec T. Sicinius, les avoit défaits (1). Cassius, qui lui succéda dans le consulat et dans la conduite de cette guerre, les réduisit, par la seule terreur de ses armes, à demander la paix: ils s'adressèrent au sénat, qui renvoya l'affaire au consul. Cassius, se prévalant de cette commission, et sans communiquer au sénat les articles du traité, accorda

(1) Dionys. Halicarn. lib. VIII, pag. 536 et 537. — Tit. Liv. Dec. 1, 1. II, e. 41.

la paix aux Herniques, et leur laissa le tiers

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de leur territoire. Il leur donna, par le même de Rome. traité, le titre si recherché d'alliés et de citoyens de Rome; en sorte qu'il traita des vaincus aussi favorablement que s'ils avoient été victorieux. Pour se faire des partisans au-dedans et audehors de l'État, il destina aux Latins la moitié de ce qui restoit des terres des Herniques, et réserva le surplus pour des pauvres plébéiens de Rome. Il tenta même de retirer, des mains de quelques particuliers, des terres qu'il disoit appartenir au public, et qu'il vouloit encore distribuer à de pauvres citoyens. Il avoit demandé auparavant les honneurs du triomphe avec autant de confiance que s'il eût remporté une glorieuse victoire; et il avoit obtenu, par son crédit, un honneur qu'on n'accordoit jamais qu'à des généraux qui avoient remporté une victoire importante, et qui avoient laissé au moins cinq mille des ennemis sur la place.

Le lendemain de son triomphe, il rendit compte, suivant l'usage, dans une assemblée du peuple, dé ce qu'il avoit exécuté de glorieux et d'utile à la république, pendant la campagne (1). Comme ses exploits ne lui fournissoient rien d'assez brillant, il se jetta sur

(1) Dion. Halic. lib. VIII, pag. 538.

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