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de se tirer, tout d'un coup, de la misère dans laquelle l'avoit réduit l'avarice des patriciens; de Rome. qu'il n'y avoit, pour cela, qu'à faire une loi solennelle du partage des terres de conquêtes, et dont il leur avoit proposé, en partie, le modéle dans ce qu'il destinoit de faire des terres des Herniques; qu'il falloit même faire rendre, aux pauvres plébéiens, l'argent dont ils avoient payé le bled que le roi de Sicile avoit envoyé gratuitement à Rome; et que, par des lois si équitables, le peuple banniroit pour toujours la pauvreté, la jalousie, et la discorde.

Le peuple reçut d'abord ces propositions avec de grands applaudissemens; mais la plupart des tribuns, qui ne pouvoient voir sans jalousie qu'un patricien et un consul entreprit, à leur préjudice, de s'attirer la confiance de la multitude, gardoient un profond silence, qui empêchoit leurs partisans et les principaux de chaque tribu de se déclarer ouvertement pour la loi. Ce n'est pas que les uns et les autres n'en reconnussent tout l'avantage pour le parti du peuple, comme on le verra dans la suite; mais ils ne vouloient pas que le peuple en eût obligation à un patricien, ni qu'un consul fût reconnu pour auteur de la loi. Ainsi, sans l'approuver ni la combattre ouvertement, ils attendoient une autre conjoncture où ils pus

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sent avoir, aux yeux du peuple, le mérite de de Rome. l'avoir fait recevoir.

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Virginius, collègue de Cassius pour le consulat, ne l'attaqua pas directement; il feignit au contraire d'en reconnoître la justice en général; mais, pour en éluder la publication, il blâmoit hautement l'usage qu'en vouloit faire Cassius, qui, par ce partage infidèle, réduisoit les victorieux et les souverains à une égalité honteuse avec les sujets et les vaincus. Il laissoit échapper, en même temps, des soupçons contre son collègue, comme si, par cette disposition si extraordinaire et proposée en faveur d'anciens ennemis, il eût cherché à s'en faire des créatures, au préjudice même de l'Etat. Pourquoi, s'écrioit-il, rendre aux Herniques « la troisième partie d'un territoire si légitime«ment conquis? Quelle peut être sa vue en « voulant donner, aux Latins, la meilleure par<< tie de ce qui reste, si ce n'est de se frayer un « chemin à la tyrannie? Rome doit craindre «< que ces peuples, toujours jaloux de sa gran« deur, malgré leur nouvelle alliance, ne met«tent un jour à leur tête Cassius, comme un « autre Coriolan, et n'entreprennent, sous sa " conduite, de se rendre maîtres du gouverne

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Cette comparaison avec Coriolan, qui rappel

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loit, au peuple, le souvenir d'un patricien dont la mémoire lui étoit si odieuse, réfroidit cette de Rome première ardeur pour la réception de cette loi. Les tribuns même laissèrent entrevoir que l'auteur leur en étoit suspect. Cassius, s'apperçevant que son parti s'affoiblissoit, fit venir secret→ tement, à Rome, un grand nombre de Latins et d'Herniques, auxquels il fit dire qu'en qualité de citoyens Romains, ils avoient intérêt de se trouver aux premières assemblées, pour y défendre leurs droits, et faire passer la loi du partage des terres de conquêtes, qu'il avoit proposée en leur faveur.

On vit arriver aussitôt, à Rome, un grand nombre de ces peuples. Il étoit indifférent à Cassius qu'on reçût la loi, et il ne l'avoit proposée que dans le dessein d'exciter une sédition, et de se pouvoir mettre à la tête d'un parti qui le rendît maître du gouvernement. La froideur qu'avoient témoignée les tribuns, déconcertoit ses vues. Pour engager le peuple à se joindre à lui, il ne marchoit plus, dans la ville, qu'escorté d'une foule de Latins et d'Herniques. Virginius, voulant affoiblir ce parti, fit publier une ordonnance qui prescrivoit à tous les alliés qui n'étoient pas actuellement domiciliés dans Rome, d'en sortir incessamment. Cassius s'opposa à cet édit; et un hé

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raut, par son ordre, en publia un autre tout de Rome, contraire, qui permettoit d'y rester à tous ceux

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qui étoient censés citoyens. Cette opposition excita de nouveaux troubles dans la ville (1): les deux magistrats vouloient être également obéis ; leurs licteurs étoient, tous les jours, aux prises, et cette concurrence, entre deux partis qui se fortifioient continuellement, alloit dégénérer en une guerre civile, lorsqu'un des tribuns du peuple, appellé C. Rabuleïus, entreprit de rétablir le calme dans la république, et en tribun habile, d'en tirer tout l'avantage en faveur du peuple.

Il remontra, dans une assemblée publique, qu'il étoit aisé de concilier les avis des deux consuls; que l'un et l'autre convenoient de la justice du partage des terres des Herniques, en faveur du peuple Romain; que ces deux magistrats n'étoient opposés qu'en ce que Cassius vouloit admettre, dans ce même partage, les Herniques et les Latins alliés de la république ; ainsi, qu'il étoit d'avis de commencer par faire justice aux Romains, selon qu'ils en convenoient l'un et l'autre ; et qu'à l'égard de la proposition que Cassius faisoit en faveur des alliés, et à laquelle son collégue s'opposoit, il

(1) Dionys. Halicarn. lib. VIII, pag. 540.

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falloit en remettre la décision à un autre temps: que, pour toutes les autres terres de conquêtes, de Rome. et qui composoient la plus grande partie du territoire de Rome, le sénat et le peuple en délibéreroient à loisir, selon l'importance d'une si grande affaire, et comme il conviendroit au bien commun de la république.

Sous les apparences d'un avis si équitable et si modéré, le tribun cachoit le dessein de pousser plus vivement l'affaire du partage, quand il l'auroit tirée des mains de Cassius. Il fut cause que l'assemblée se sépara, sans qu'il y eût rien de statué au sujet du partage général de toutes les terres de conquêtes. Cassius, honteux du mauvais succès de ses desseins, se cacha dans sa maison, d'où il ne sortit plus, sous prétexte de maladie.

Cependant le sénat, qui avoit pénétré les desseins secrets de Rabuleïus, prévit bien que l'affaire du partage des terres n'étoit que différée. Il s'assembla extraordinairement, pour prévenir, de bonne heure, tout ce que les tribuns pourroient entreprendre à ce sujet. On ouvrit différens avis: celui d'Appius, ce défenseur intrépide des lois, fut que, pour empêcher les justes plaintes du peuple, le sénat devoit nommer dix commissaires, qui seroient chargés de faire une recherche exacte de ces terres,

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