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Albains nommèrent chacun trois champions;

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on voit bien que je veux parler des Horaces et de Rome. des Curiaces. Je n'entrerai point dans le détail de ce combat: tout le monde sçait que les trois Curiaces et deux des Horaces périrent dans ce fameux duel, et que Rome triompha par le courage et l'adresse du dernier des Horaces. Le Romain rentrant, dans la ville, victorieux et chargé des armes et des dépouilles de ses ennemis, rencontra sa sœur qui devoit épouser un des Curiaces. Celle-ci, voyant son frère revêtu de la cotte d'armes de son amant, qu'elle avoit faite elle-même, ne put retenir sa douleur; elle répandit un torrent de larmes; elle s'arracha les cheveux, et dans les transports de son affliction, elle fit les plus violentes imprécations contre son frère.

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Horace, fier de sa victoire, et irrité de la douleur que sa sœur faisoit éclater mal-à-propos au milieu de la joie publique, dans le transport de sa colère lui passa son épée au travers du corps. «Va, lui dit-il, trouver ton

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amant, et porte-lui cette passion insensée, qui « te fait préférer un ennemi mort à la gloire de

« ta patrie. » Tout le monde détestoit une action si inhumaine et si cruelle. On arrêta aussitôt le meurtrier: il fut traduit devant les duumvirs, juges naturels de ces sortes de crimes:

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Horace fut condamné à perdre la vie, et le de Rome, jour même de son triomphe auroit été celui de son supplice, si, par le conseil de Tullus Hostilius, il n'eût appelé de ce jugement devant l'assemblée du peuple. Il y comparut avec le même courage et la même fermeté qu'il avoit fait paroître dans son combat contre les Curiaces. Le peuple crut qu'en faveur d'un si grand service, il pouvoit oublier un peu la rigueur de la loi. Horace fut renvoyé absous, plutôt, dit Tite-Live (1), « par admiration pour son cou<< rage, que par la justice de sa cause. »> Nous n'avons rapporté cet événement que pour faire voir (2), par le conseil que donna le roi de Rome à Horace d'en appeler au peuple, que l'autorité de cette assemblée étoit supérieure à celle du prince, et que ce n'étoit que dans le concours des suffrages du roi et des différens Ordres de l'État, que se trouvoit la véritable souveraineté de cette nation.

L'affaire d'Horace étant terminée, le roi de Rome songea à faire reconnoître son autorité dans la ville d'Albe, suivant les conditions du combat, qui avoit adjugé l'empire et la domination au victorieux. (3) Ce prince, en suivant

(1) Tit. Liv. lib. I, cap. 26. (2) Ci cero pro Milone cap. III. (3) Dionys. Halicarn. lib. III, pag. 172.

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l'esprit et les maximes de Romulus, ruina cette ville, dont il transféra les habitans à Rome: de Rome. ils y reçurent le droit de citoyens, et même les principaux furent admis dans le sénat (1): tels furent les Juliens, les Serviliens, les Quintiens, les Geganiens, les Curiaces, et les Cléliens, dont les descendans remplirent depuis les principales dignités de l'État, et rendirent de très grands services à la république, comme nous le verrons dans la suite. Tullus Hostilius, ayant fortifié Rome par cette augmentation d'habitans, tourna ses armes contre les Sabins.

Le détail de cette guerre n'est point de mon sujet; je me contenterai de dire que ce prince, après avoir remporté différens avantages contre les ennemis de Rome, mourut dans la ́trente-deuxième année de son règne ; qu'Ancus Martius, petit-fils de Numa, fut élu en la place d'Hostilius par l'assemblée du peuple, et que

le sénat confirma ensuite cette nouvelle élection.

Comme ce prince tiroit toute sa gloire de son aïeul, il s'appliqua à imiter ses vertus paisibles, et son attachement à la religion. Il institua des cérémonies sacrées, qui devoient précéder les déclarations de guerre: mais ces pieu

(1) Dionys. Halicarn. lib. III.

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ses institutions, plus propres à faire connoître de Rome. sa justice que son courage, le rendirent méprisable (1) aux peuples voisins. Rome vit bientôt ses frontières ravagées par les incursions des Latins, et Ancus reconnut par sa propre expérience que le trône exige encore d'autres vertus que la piété. Cependant, pour soutenir toujours son caractère, avant que de prendre les armes, il envoya aux ennemis un héraut, que les Romains appeloient fecialien; ce héraut portoit une javeline ferrée, comme la preuve de sa commission. Étant arrivé sur la frontière, il cria à haute voix: (2) « Écoutez Ju<< piter et vous Junon, écoutez Quirinus, écou<< tez dieux du ciel, de la terre, et des enfers, « je vous prends à témoin que le peuple la«tin est injuste; et comme ce peuple a outragé le peuple romain, le peuple romain et moi, du consentement du ́sénat, lui décla" rons la guerre. »

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On voit par cette formule, que nous a conservée Tite-Live, qu'il n'est fait aucune mention du roi, et que tout se fait au nom et par l'autorité du peuple, c'est-à-dire de tout le corps de la nation.

(1) Dionys. Halicarn. lib. III. —(2) Tit. Liv. Dec. 1, lib. 1, c. 32. Cic. 1. II, de Leg. Aul. Gel. 1. XVI, c. 4.

Cette guerre fut aussi heureuse qu'elle étoit An juste. Ancus battit les ennemis, ruina leurs de Rome. villes, en transporta les habitans à Rome, et réunit leur territoire à celui de cette capitale.

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Tarquin (1) premier ou l'ancien, quoique 138. étranger, parvint à la couronne après la mort d'Ancus, et il l'acheta par des secours gratuits qu'il avoit donnés auparavant aux principaux du peuple. Ce fut pour conserver leur affection et récompenser ses créatures qu'il en fit entrer cent dans le sénat; mais, pour ne pas confondre les différens Ordres de l'État, il les fit patriciens (2), au rapport de Denys d'Halicarnasse, avant que de les élever à la dignité de sénateurs, qui se trouvèrent jusqu'au nombre de trois cents, où il demeura fixé pendant plusieurs siècles. On sera peut-être étonné que dans un État gouverné par un roi, et assisté du sénat, les lois, les ordonnances, et le résultat de toutes les délibérations, se fissent toujours au nom du peuple, sans faire mention du prince qui régnoit; mais on doit se souvenir que ce peuple généreux s'étoit réservé la meilleure part dans le gouvernement. Il ne se prenoit aucune résolution, soit pour la guerre ou pour la paix, que dans ses assemblées: on les appeloit, en ce

(1) Dion. Hal. 1. III, p. 184. — (2) Idem, ibid, p. 199.

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