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mûr. Nous avons donc cru bien mériter de tous les amis des lettres, en leur offrant une édition des OEuvres choisies de l'abbé de Vertot, édition plus complette que toutes celles qui l'ont précédée, puisqu'à la suite des Révolutions de Portugal, qui ne formoient jusqu'ici qu'un très mince volume, nous publions toutes les dissertations les plus piquantes de l'abbé de Vertot, dont les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres sont enrichis, et qu'on ne trouvoit que là. Les nombreux suffrages dont nous sommes honorés déjà, nous sont un garant presque assuré du succès de notre entreprise; et nous saisissons cette occasion pour remercier le public de sa bienveillance.

ÉLOGE

DE

M. L'ABBÉ DE VERTOT,

PRONONCÉ

A L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES,
DANS SA SÉANCE publique du 15 NOVEMBRE 1

1735.

RENÉ Auber de Vertot, second fils de François Auber, seigneur de Vertot, et de Louise de Hanyvel de Mannevillette, naquit au château de Bennetot, pays de Caux, diocèse de Rouen, le 25 novembre 1655.

La famille d'Auber passe pour être d'une bonne noblesse de la Haute-Normandie, où, depuis plus de deux siècles, elle n'a cessé de faire les meilleures alliances, comme avec les Mallet de Graville, les Houdetot, les Pellevé et les de Prie; le frère aîné de M. l'abbé de Vertot, mort jeune et sans alliance, étoit chambellan de Monsieur, frère unique de Louis XIV; et Marie de Mannevillette, leur tante, avoit épousé un Clermont-Tonnerre.

L'abbé de Vertot ne fut point élevé en cadet, ni

a.

destiné a l'état ecclésiastique par l'ordre de sa naissance; les jeux, les saillies de son enfance excitèrent l'attention de ses parens; et, dès qu'il fut à portée de recevoir les premiers principes de quelque éducation, on lui donna un bon précepteur, avec qui on l'envoya ensuite faire des études plus réglées au collège des Jésuites, à Rouen, où il soutint ses dernières thèses de philosophie, à l'âge de seize ans.

Alors il demanda, de lui-même, à prendre la tonsure, et sa famille y consentit, sans prévoir les suites de ce premier engagement, dont les vues ne pouvoient être en lui, ni plus pures, ni plus désintéressées; car, au sortir du séminaire, où il avoit fait une retraite, il disparut totalement ; et ce ne fut qu'après six mois de recherches, qu'on découvrit enfin qu'il étoit allé se jetter dans un couvent de Capucins à Argentan. Son père y accourut, et fit d'inutiles efforts pour le rappeller à lui. Le frère Zacharie, (c'étoit le nom du novice), persista, fit profession, et seroit probablement devenu un des plus grands ornemens de l'Ordre, sans un accident qui le mit en danger de la vie, et qui le livroit à une mort certaine, s'il eût continué les austérités de la règle.

Il avoit eu, pendant le cours de ses études à Rouen, un mal de jambe qui le retint, près d'un an, au lit;

et ce mal étoit un abcès si considérable, que l'on avoit été obligé de faire venir exprès des chirurgiens, le traiter. L'os se trouva carié; la cure

de Paris, pour en fut longue et difficile; et la cicatrice qui resta, étoit si étendue et si profonde, que l'on convint de la tenir toujours couverte et entourée d'un bandage. Rien assurément de plus opposé à cette sage précaution, que de se consacrer ensuite à être, toute sa vie, nu-jambes, sous une robe de laine rude et grossière,. qui les frotte et les bat, bien plus qu'elle ne les

couvre.

Aussi, peu de temps après la profession de frère Zacharie, son abcès se renouvella, devint très dangereux, et fut jugé presque incurable. Pour la dernière ressource, on le transporta à Fécamp, dans le voisinage de sa famille. Le mal y augmenta encore; les parens demandèrent enfin à se charger du malade; et le soin qu'ils en prirent fut si heureux, qu'il ranima toute leur tendresse. Ils se munirent des rapports des différens chirurgiens qui l'avoient traité; ils y joignirent des consultations de médecins et de docteurs de Sorbonne; ils obtinrent des brefs du Pape, le consentement des supérieurs, et celui du jeune profès, le plus difficile de tous, pour le faire, passer sous une règle plus douce.

Il choisit celle de Prémontré, et il en prit l'habit dans l'abbaye de Valséry, où il fit sa seconde profession religieuse à l'âge de vingt-deux ans, dont il en avoit passé quatre chez les Capucins.

Son esprit et ses talens y avoient tenu bon contre la maladie et les austérités; l'abbé Colbert, chef et général de l'Ordre de Prémontré, en entendit parler si avantageusement, qu'il le fit venir à Prémontré pour y enseigner la philosophie. Quand il l'eut connu par lui-même, il l'estima et le chérit davantage; il en fit son secrétaire; et cette distinction causa d'autant plus de jalousie, que, suivant les règles de la discipline monastique, des vœux faits dans un premier Ordre rendent incapable de posséder des bénéfices ou des dignités dans celui où l'on est transféré. Mais l'abbé Colbert l'avoit fait réhabiliter dans tous ses droits par un nouveau bref de la Cour de Rome, en vertu duquel il le nomma encore prieur du monastère de Joyenval.

A cette seconde faveur, les murmures éclatèrent. Il fut résolu, dans un Chapitre provincial, que l'on se pourvoiroit, au grand Conseil, contre tous les brefs obtenus au nom du père de Vertot; ils y furent attaqués juridiquement, et ils y auroient été déclarés nuls, si, dans le cours de l'instance, le roi n'avoit eu

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