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criminelles, pourvu qu'on lui accorde l'empire du cœur, & qu'on l'y laifle dominer en regardant toujours les chofes du monde comme fon bien & la felicité ayant toujours l'efprit & le cœur occupé du monde, & en ne donnant à Dieu, ou plutôt à la crainte de fe danner, que l'abftinence de certaines actions dont on se pafle aifément, pourvu qu'on jouiffe avec liberté des autres plaifirs du monde. Il ne faut, pour le détromper de cette illufion, qu'avoir recours à la lumiere de ce pallage: Tous ceux qui font nés de Dien, font victorieux du monde, & en conclure, que fi le monde n'eft point vaincu en nous, nous n'avons point de part à cette renaiffance divine, qui ne s'établit dans le cœur qu'en banniffant l'empire de l'amour du monde.

VII. Et la victoire par laquelle le monde eft vaincu, eft l'effet de notre foi. v. 4.

La marque qu'on eft né de Dieu est donc, comme on a dit, que l'amour du monde foit vaincu en nous: mais cette victoire, felon faint Jean, ne s'obtient que par la foi: Et hæc eft victoria que vincit mundum fides noftra. Et comme la foi ne regarde que les chofes invifibles, la victoire de la foi confifte dans la préference des biens invifibles que nous ne pouyons montrer, aux biens groffiers & fen

fibles que l'on montre. Ceft en quoi Dieu a établi la voie du falut. Il n'y a nul= le proportion entre les uns & les autres felon la raifon même. Car quelle proportion y a-t-il des biens éternels avec des biens paffagers, des biens immenfes & infinis avec des biens fi frivoles, qu'il vaut mieux s'en paffer que d'en jouir? Cependant cette difference que les uns font préfens & vifibles, & les autres abfens & invifibles, fait une telle impreffion fur l'efprit, que fans une force furnaturelle que la foi donne, & que l'on n'a point fans elle, on ne préfere jamais ce qui eft invifible à ce qui eft vifible; ce qui eft abfent à ce qui eft préfent.

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L'homme en ne fuivant que les mouvemens de la nature, veut voir fon objet & fon bien, & en jouir durant cette vie: & la ftupidité où il eft tombé par le peché, lui donne de la défiance de tout ce dont il n'eft pas affuré par les fens. Il a toutes les peines du monde à donner quelque réalité à ce qu'il ne voit pas : & l'attache que le peché lui donne pour les chofes fenfibles eft fi forte & fi violente, qu'il a fallu même plufieurs fiecles pour lui donner quelque idée d'un objet fpirituel. Geftpourquoi des Auteurs judicieux ont remarqué, que dans les premiers livres de l'antiquité payenne où l'on a voulu re

Pf. 41.

4.

prefenter des heros, on ne leur a jamais attribué aucune paffion pour des objets fpirituels, tant ces objets étoient éloignés de leur penfée. Cependant c'eft dans la préference de ces objets aux objets vifibles qu'il a plu à Dieu d'établir le falut des hommes.

VIII. Ce qui augmente la difficulté de cette préference, eft que l'on connoît prefque dans tous ceux qui nous environnent, un amour des chofes du monde accompagné d'un fecret mépris pour ceux qui ne les aiment pas & ne les recherchent pas. On fait qu'ils regardent les objets fpirituels comme des idées fans réalité, & qu'ils font confifter la fageffe à s'attacher au préfent. Quoique ces jugemens ne s'expriment pas en termes formels, ils fe font fort bien fentir par toutes les actions, & prefque par toutes les paroles des hommes. Or c'eft une foibleffe naturelle à l'efprit humain d'avoir peine à s'attacher à un objet, lorfqu'il voit dans l'efprit des autres des fentimens de mépris & de défiance pour cet objet.

Mes larmes ont été mon pain le jour & la nuit, difoit David, en entendant dire tous les jours Où eft votre Dieu ? La caufe de fa trifteffe étoit qu'il ne pouvoit montrer le Dieu qu'il adoroit, parcequ'il eft invifible. Et l'on tombe dans ce même dé

couragement, quand on apperçoit dans l'efprit des autres l'eftime qu'ils ont pour les biens fenfibles. Car par cette estime ils demandent en quelque forte à ceux qui fe proposent d'autres objets: Où eft votre bien? Ubi eft bonum tuum? Et ils le demandent même avec infulte; parceque l'on fent qu'ils n'ont que du mépris pour ceux qui cherchent des biens qu'ils eftiment & qui font fans folidité. L'amet eft incapable de fe foutenir contre ce torE rent des jugemens des homines, quand elle n'eft pas fortifiée par l'efprit de foi & de charité. Car il est ici parlé de la foi quiopere par la charité: & l'effet de cette foi eft de nous donner la force d'aimer des biens méprifés & décriés par les autres, & de les préferer à ceux que le monde estime.

IX. Qui eft celui qui eft victorieux du monde, finon celui qui croit que Jesus-Chrift eft le Fils de Dieu v.5.

Nous avons besoin de la foi, non feulement pour nous découvrir les biens invifibles & fpirituels, mais auffi pour nous apprendre de qui nous pouvons tirer le fecours qui nous eft néceflaire pour vaincre le monde. Or ce qu'elle nous apprend, c'est qu'on ne l'obtient que par Jefus-Chrift. Nous aurions beau connoître Dieu en lui-même: fi nous ne con

noiffions avec cela le liberateur, nous demeurerions affujettis à l'amour du monde & fans pouvoir nous délivrer de fa fervitude. C'eft Jefus Chrift feul qui nous peut procurer cette délivrance; & c'eftpourquoi faint Jean ajoûte: Qui eft celui qui eft victorieux du monde, finon celui qui croit que Jesus-Chrift eft le Fils de Dieu ? Car pour avoir recours à lui comme auteur de la grace & liberateur des hommes, il faut le croire Fils de Dieu. Il n'y a que cette qualité qui lui donne le pouvoir de nous faire vaincre le monde par fa grace. Le don de la grace n'appartient qu'au médiateur; & il ne feroit pas médiateur s'il n'étoit Dieu & homme; Dieu comme Fils de Dieu; homme entant que Fils de l'homme: ce qui le rend capable: de réunir & de reconcilier les hommes avec Dieu,

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