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Dien en fon nom avec une ferme efperance d'obtenir ce que nous lui demandons. L'une & l'autre de ces deux difpofitions manquent fouvent aux Chrétiens.ne font point affez humiliés devant Dieu, affez convaincus de leur néant & du peu de droit qu'ils ont aux graces de Dieu. Ils n'ont point une foi aflez vive de l'infinité des mérites de Jesus-Chrift, par lefquels ils les peuvent obtenir de Dieu, nonobftant toute leur indignité, & ne conçoivent point affez la bonté de Dieu & l'inclination qu'il a à donner fes graces à ceux qui les lui demandent humblement au nom de fon Fils; ce font des vûes qu'il ne faut ja mais féparer dans fon efprit. L'homme n'a rien en lui qui mérite les graces de Dieu; mais Dieu à en lui une bonté infinie pour les lui accorder par les mérites de fon Fils.

III. Ce ne feroit pas s'appuyer fur Jefus Chrift dans fes prieres, que de demander à Dieu au nom de Jefus-Chrift des chofes qui font indignes d'être demandées en fon nom, comme font toutes celles qu'on defire par cupidité: car Jefus-Chrift ne peut autorifer ni appuyer que les prieres dignes de lui. Or il eft indigne de lui de fe rendre miniftre de nos cupidités & de nos caprices: & comme il n'a jamais eu en vue que la volonté de

!

Dieu, il ne peut pas interceder pour nous, afin que nous fassions la nôtre. fi faut donc que toutes nos prieres tendent uniquement à l'execution des volontés de Dieu, & à nous y rendre conformes. Jefus-Chrift de même ne fauroit offrir à Dieu des prieres lâches & tiedes, des prieres chancelantes & pleines de défiance, des prieres defavouées par les autres actions, & par le fond de notre cœur. Il faut donc s'appliquer à retrancher tous ces défauts, afin de rendre nos prieres efficaces; & ne fe pas étonner fi elles ne le font pas quand on n'a pas foin de s'y appliquer.

IV. Mais il y a fur ce point une verité importante qui nous doit empêcher de nous décourager dans la priere; & nous doit fortifier à prier toujours, quoique nous n'en voiyons point de fuccès. Ceft que fi nos imperfections font des marques que nous ne prions pas parfaitement, on n'en fauroit néanmoins conclure que nous prions inutilement, & que nous ne foyons exaucés en rien. Car nous fommes toujours exaucés en ce que Dieu nous préferve de toutes les fautes que nous ne commettons pas, ce qui peut être regardé comme un effet de nos prieres. Que favons-nous de plus s'il ne pous eft point utile d'être fijets à beaucoup d'imperfections,

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fections, & de ne voir rien en nous qui foit capable de nous flatter? Que favonsnous fi notre orgueil n'a point befoin de ce contrepoids, & fi nous avons aflez d'humilité pour voir en nous des vertus fans nous en élever, & en tirer vanité ?

Il y a des perfonnes que Dieu exauce en ne les exauçant point en apparence: car en ne les exauçant point à l'égard de leurs imperfections particulieres, dont ils demandent d'être délivrés, il les exauce en les confervant dans l'humilité, qui est le fond de la vie chrétienne, & le but principal de nos prieres. Anfi il n'y a qu'à prier fans relâche & fans découragement jufqu'à la mort, en tâchant de corriger fidellement les défauts que l'on remarque dans fes prieres; mais en laiffant à Dieu le difcernement de la maniere dont il lui plaira de nous exaucer, foit en nous corrigeant de nos défauts, foit en nous humiliant par nos défauts.

V. Rien n'eft plus difficile dans la vie chrétienne, que l'alliance qu'il y faut faire de la patience dans fes propres défauts avec le defir fincere de s'en corriger: car il femble que l'un foit contraire à l'autre, & que l'on ne haïffe pas affez ce que l'on fouffre fi tranquilement. Cependant il n'en eft pas ainfi. Ce n'eft pas au contraire bien hair fes défauts que de s'en impatienTome XIL G

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ter: car c'eft fuppofer que nous avons beaucoup de force, & qu'il y a lieu de s'étonner de ce que nous fommes tombés dans ces foiblefles. Or c'eft l'orgueil qui produit cet étonnement. Il n'eft pas étrange que la foiblefle fuccombe, & qu'une racine corrompue produife des fruits corrompus. Nous devons même reconnoître que nous pouvions aller beaucoup plus avant, que c'eft la grace de Dieu qui nous en a prefervés, & que nous l'en devons remercier. Mais comment hair le peché avec cette difpofition tranquile? Il le fait hair, parceque nous ne laiffons pas d'être coupables.Il le faut hair, parceque cette foibleffe & cette corruption étant volontaires,elles ne nous excufent point. Il le faut hair, parceque le peché eft contraire à la justice de Dieu &à fa fainteté,& qu'il renferme une injustice & une ingra titude infinie. Et avec cela néanmoins il faut fe refondre à le combattre tout de nouveau, fans fe décourager jamais; & être refolu d'avoir toujours recours à Dieu avec la même confiance, & de ne ceffer jamais d'efperer qu'il nous en délivrera.

VI. Le folide fondement de l'efperance du falut doit être toujours à l'égard de chaque ame, l'amour éternel qu'elle doit croire que Dieu lui porte, qui eft ce que Jefus Chrift marque dans cet Evangile

par ces paroles: Ipfe enim Pater amat vos: v. 24,
CAR mon Pere vous aime. Ceft par cet
amour qu'il nous réveille de notre affou-
piffement; qu'il nous foutient dans nos
foibleffes; qu'il nous releve dans nos
chutes; qu'il nous fait éviter mille dan-
gers & mille pieges, fans même que nous
nous en appercevions. Sans cet amour
nos affoupiffemens deviendroient éter-
nels, & nos chutes fans remede. Il faut à
la verité feconder cet amour par fes foins,
Les efforts, fa vigilance, fes prieres, mais
c'eft cet amour même qui excite ces foins,
ces efforts, cette vigilance, ces prieres,
&qui fupplée aux défauts infinis que nous
y mêlons. Sans cela tout feroit bien-tôt
diffipé. Si le Seigneur n'édifie la maison, c'est
en vain que travaillent ceux qui la veulent
bâtir. Mettons donc notre unique con-
flance dans cet amour de Dieu pour nous:
Ipfe enim Pater amat vos; & dans les preu-
ves que nous en avons par les féparations
qu'il a faites de nous du nombre des mé-
chans, en nous donnant le defir de le fer-
vir, & de l'horreur pour les vices.

Voilà ce qui nous peut affermir quand nous fommes agités d'inquiétudes.Si nous regardions uniquement nos foibleffes, nos lâchetés, nos imperfections, nous aurions en quelque forte fujet de defefpeer: mais en regardant cet amour éternel

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I.

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