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Dieu. Car c'eft ce que S. Thomas crut, comme il paroît par ces paroles: Mon Dieu & mon Seigneur: DOMINUS meus

Deus meus, qui font une preuve invincible contre les héretiques & anciens & nouveaux qui ont attaqué la divinité de Jefus-Chrift.

VIII. Cette preuve eft d'autant plus forte, qu'elle en fuppofe néceffairement une autre qu'il est aifé de découvrir. Car la manifeftation que Jefus-Chrift fit de fon corps reffufcité à faint Thomas, ne prouvoit directement que la réfurrection de Jefus-Chrift: & cette réfurrection pouvoit être un effet de la puiflance de Dieu, fans qu'il s'enfuivît de là que JesusChrift fût Dieu lui-même. Dieu l'auroit pu reffusciter comme il a reffufcité plufieurs autres morts. D'où vient donc que faint Thomas en conclut que Jefus-Chrift étoit Dieu ? Dominus meus & Deus meus.

C'eft que Jefus - Chrift s'étoit attribué la divinité devant ses Apôtres, & leur avoit parlé de fa réfurrection, comme étant fon propre ouvrage. Ceft qu'il avoit parlé de tous les miracles, comme les operant par fa propre force, & qu'il s'étoit affocié à toutes les actions de fon Pere, felon qu'il nous le marque par ces paroles: Mon Pere Joan. Su depuis le commencement du monde 17. jufqu'à aujourd'hui ne cesse point d'agir, &

Tome XI.

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agis inceflamment comme lui. Ainfi ↳ réfurrection de Jefus-Chrift prouvant qu'il étoit croyable en tout ce qu'il avoit avancé, elle prouvoit qu'il falloit croire tout ce qu'il avoit dit de lui-même. Elle faifoit recevoir fon témoignage comme entiérement digne de foi; & par confe quent ce témoignage portant que Jefus Chrift étoit Dieu, la réfurrection obligea faint Thomas à en faire cette haute con feffion. La confeffion de Thomas prouve invinciblement que Jefus-Chrift avoit donné à fes Apôtres par fes difcours, l'idée qu'il étoit Dieu; la réfurrection de Jefus Chrift prouve qu'il faut s'attacherà cette idée; & la réponse de Jefus-Chrift à cette confeffion eft une confirmation authentique de la verité de cette confef fion.

IX. On ne doit pas conclure de ces pa 29. roles de Jefus-Chrift: Vous avez cru, Thomas, parceque vous avez vu: heureux ceux qui croient Jans avoir vu, que le com mun des Chrétiens qui n'ont jamais vu Jefus-Chrift, foit plus heureux que faint Thomas, & par confequent que leur foi foit plus excellente que la fienne. Il s'enfuit feulement de là, que toutes chofes étant égales, il y a plus de bonheur à croi re fans avoir eu des preuves fenfibles de ce que l'on croit, que de ne croire qu'a

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-près ces fortes de preuves. Mais il peut y avoir de grandes inégalités dans le reste, qui faffent que cette foi accompagnée de preuves fenfibles foit infiniment plus excellente qu'une autre foi deftituée de ces preuves; & c'eft ce qui se rencontre dans 1 celle de faint Thomas. Le moyen par lequel il arriva à la foi, n'étoit pas en foi le plus excellent; mais la foi qu'il reçut de Dieu étoit une foi très-excellente, qui le difpofoit à donner fa vie pour JesusChrift, & qui lui fit entreprendre de prêcher fon Evangile jufques aux extremités du monde, avec mille peines & mille dangers. Ce que Jefus-Chrift lui dit donc étoit pour lui un jufte fujet d'humiliation, & d'une humiliation fondée fur la verité. Mais cette humiliation ne donne nullement droit au commun des Chrétiens de préferer leur foi languiffante & prefque fans vie & fans action, à celle de S. Thomas pleine d'une ardeur & d'une charité apoftolique.

X. L'inftruction qu'on doit tirer de cette parole de Jefus-Christ, ne laisse pas d'être fort importante pour le réglement de nos mœurs. Car la pente que l'homme a aux chofes fenfibles, fait qu'il cherche de la sensibilité par tout, & dans la dévotion même. On voudroit en quelque forte jouir de fa recompenfe dès ce

monde,& goûter les chofes de Dieu d'une maniere qui laiffat quelque fatisfaction dans les fens. Ainsi on se décourage souvent quand on en eft réduit à la feule foi. Ceft ce qui rend la dévotion fi inconftantc,& fi dépendante de l'humeur qui nous domine. "Aujourd'hui l'on eft plein de courage, demain l'on eft dans l'abattement. On croit pouvoir tout entreprendre en certains tems; en d'autres on s'éloigne de tout par pufillanimité, l'ame prenant toutes ces differentes formes, felon les differentes impreffions dont l'imagination eft frappée. L'unique reme; de de ces inégalités eft de fe conduire par la foi, & non par fes fentimens & par fes humeurs; de marcher avec courage vers ce qu'elle nous propose, fans faire réflexion fi l'on eft confolé ou non confolé, fi l'on eft dans les tenebres ou dans la lumiefi l'on eft dans la trifteffe ou dans la joie. C'eft proprement là ce qu'on peut appeler une dévotion de foi, parceque la foi eft l'unique lumiere à laquelle elle s'attache, & qu'elle eft fondée uniquement fur une réfolution forte d'aller à Dieu juf qu'à la fin de fa vie, fans lui demander aucune récompenfe ni aucune affurance pour cette vie.

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XI. Ileft vrai que quelque forte réfolution que l'on ait de fervir Dieu avec

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une fermeté égale & uniforme, on ne fauroit appaifer toutes les agitations & les inégalités purement intérieures. On paffe toujours un peu par ces divers états, & l'on éprouve toujours quelques effets de l'humeur & du temperament. Mais ceux qui par une longue inortification fe font accoutumés à ne vivre pas felon leurs fentimens, mais felon la foi, empêchent au moins qu'il ne paffe rien de ces inégalités interieures dans les actions ni dans les paroles. Ils confervent le même vifage & le même ton dans les differens acciden's de la vie. On ne dit jamais qu'ils foient de mauvaise humeur, qu'ils foient triftes, chagrins, accablés, découragés ; qu'ils foient dominés pat l'impatience ou par

la colere. S'ils fentent ces monvement, ils ne s'y livrent pas, & l'accouïtumance même qu'ils ont à ne les point écouter, fait qu'ils les fentent moins; parceque toute l'attention de leur ame fe porte à rechercher tranquilement ce que Dieu veut d'eux. Une ame dans cette difpofition fe fert de la dévotion fenfible, quand Dieu permet qu'elle en foit touchée; mais elle ne s'y attache pas, & elle ne marche pas avec moins de fidelité quand elle en eft dépourvûe. Au lieu de fe lamenter inutilement, elle remedie aux caufes qui peuvent avoir attiré cette

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