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fe. Il n'a pas attendu pour cela le tems de fa mort. Ill'a donnée dès le moment de fon entrée au monde, comme on le voit dans ces paroles rapportées par le Heb. 10. grand Apôtre: Le Fils de Dieu entrant dans le monde, dit à fon Pere: Vous n'avez point voulu d'oblation. Alors j'ai dit: Me voici. Et après l'avoir donnée dès le commencement, il a toujours continué de la donner..

Il la donnoit dans fes prieres, en s'offrant à Dieu pour les hommes. Il la donnoit dans fes travaux, dans fes voyages, dans fes prédications, dans fes miracles; puifqu'il favoit bien que tout cela tendoit à la mort, & lui devoit procurer la mort. Et c'eftpourquoi Jefus-Chrift ne dit pas qu'il donnera fa vie pour les brebis, il di: qu'il la donne. C'étoit un don continuel qu'il faifoit de fa vie pour fes brebis, &c don étoit joint à toutes les actions. Quel amour approche de cet amour! Quelle bonté égale cette bonté! Donner fa vie continuellement pour ceux que l'on aime, c'est à quoi la foiblefle des hommes & l'imperfection de leur amitié ne fauroit afpirer. C'est ce qui étoit réservé à Jefus Chrift: & c'est ce que nous devons adorer en lui. Il eft le bon Pasteur par excel fence, & par des titres finguliers & incommunicables aux créatures.

III. Etant le bon Pafteur, il ne pouvoit pas avoir les qualités des mauvais. Mais afin de nous faire mieux remarquer & nous donner lieu de les éviter, il nous les décrit en trois manieres; en les appelant mercenaires, en difant qu'ils ne font pas Pafteurs, & qu'ils ne font pas propriétaires des brebis.

Les mercenaires ne s'appliquent à leurs brebis, qu'autant qu'ils y trouvent leur profit. Si ce profit manque, ils les quittent auffi tôt, & ils n'ont garde d'expofer leur vie pour elles, parcequ'ils les aiment bien moins que leur vie.

Ceux qui dans le foin des ames dont ils fe chargent, regardent principalement les avantages temporels, ne s'expofent point pour elles, parceque cela ne leur peut paroître avantageux temporelle ment. Ainfi ils cedent à la crainte ou à l'interêt, ou ils fuient les loups, ou ils fe rangent même du côté des loups.

IV. Ceux qui ne font pas Pafteurs, cherchent leur propre gloire, & non l'avantage de ceux qui leur font foumis. Ils fe contentent d'un foin fuperficiel qui les honore, & ne defcendent point à un détail qui les fatigueroit, & fans lequel néanmoins on ne fauroit remedier aux maladies des ames, ni pourvoir à leurs be foins.

Enfin, ceux qui ne font pas propriétaires des brebis ne regardent pas leur perte comme la leur propre. Leur vie & leur mort leur eft indifferente. La vue qu'ils ont qu'elles ne leur appartiennent pas, leur ore toute ardeur à les conferver. Ce font là les caracteres des mauvais Pafteurs. Jefus-Chrift les propofe, afin que les Pasteurs de fon Eglife les évitent, & que nous en reconnoiffions en lui de tout contraires. Il n'a recherché dans tout ce qu'il a fait pour nous, que notre falut.. Il s'eft appliqué à tous les befoins de fes brebis. Illes regarde comme étant à foi, & comme les ayant reçûes de la main de fon Pere pour les fauver. Il n'en veut perdre aucune de celles que fon Pere lui à données. Voilà ce qui le rend le bon Pal

teur.

V. L'efprit mercenaire n'eft jamais permis dans les actions même communes, parcequ'elles doivent toutes être faites par l'efprit de la charité qui eft toujours defintereffée. Il y en a néanmoins plu fieurs dont ileft permis d'exiger une récompenfe humaine, comme, par exem ple: tous les ouvrages des artifans, & beaucoup d'autres offices humains, tels que font ceux des Avocats & des Intendans: & dans ces fortes d'actions ce ne font point deux chofes contraires, qu'el

les foient faites par une charité definteref fée, & qu'on en tire néanmoins de ceux pour qui on les fait, le prix & la récompense; parceque tenant lieu à ceux qui les font, d'un moyen que Dieu leur donne pour le procurer leur fubfiftance temporelle, il leur permet après les lui avoir offertes, d'en recevoir encore des hommes une jufte récompenfe: Mais il n'en eft pas de même du foin des ames. C'est une chofe trop grande & trop précieuse pour y chercher autre chofe que Dieu même. Il en veut être lui-même la récompenfe mais il ne permet pas d'en chercher d'autres. L'Eglife nourrit fes miniftres pour leur donner moyen de travailler: mais elle ne prétend pas les récompenfer de leurs travaux. Que les « Miniftres de l'Eglife, dirun Concile après faint Auguftin, reçoivent du peuple ce.. qu'ils ont befoin pour les néceffités de « cette vie; mais qu'ils n'attendent leur récompenfe que de Dieu: Accipiant fuften- cone. tationem neceffitatis à populo, mercedem dif- quis penfationis à Domino. Dieu ayant affujetti anni Les ininiftres aux néceffités communes, il 8.6. M. faut bien que les peuples y fourniffent, ex Auge afin de donner moyen à ces miniftres de les fervir; mais ce n'eft point par maniere de récompenfe, n'y ayant aucune proportion entre les fervices qui ont pour

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gran.

I. C 12.

objet le falut des ames, & ces affiftances temporelles dont ils ont besoin.

VI. Il s'enfuit de là que tout miniftre de l'Eglife qui n'a pas cru fe devoir dépouiller de fon patrimoine, ne peut rien prendre du bien de l'Eglife; ni rien recevoir des peuples que pour le diftribuer en aumônes. La raifon en eft, que s'il l'appliquoit à foi-même, il marqueroit par là qu'il regarde ce qu'il reçoit des peuples comme une récompenfe de fon travail, & non comme un fecours de fa néceffité, puifqu'on fuppofe qu'il n'en a pas. Il feroit donc un vrai mercenaire, qui non feulement ne pourroit efperer de Dieu la récompenfe qu'il a promife aux ferviteurs fidelles, mais qui en devroit attendre un rigoureux châtiment. Car c'eft une espece de fimonie que d'exercer ces minifteres fi grans & fi relevés pour de viles récompenfes. Il feroit inutile de dire que fouvent l'Eglife offre ces récompen fes fans qu'on les exige, ni qu'on les recherche. Car il ne faut pas croire que l'E. glife veuille agir contre l'intention de l'Eglife. Or elle y agiroit, fi elle em ployoit les biens temporels dont elle eft dépofitaire, àun autre ufage qu'à l'entretien néceffaire de fes miniftres, ou à l'af fiftance des pauvres. Ainfi quand un collateur donne un bénefice à un homme

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