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couvrent à d'autres. Ceft que l'on aime plus la fatisfaction de fon amour-propre, que la fureté de fa confcience. La confiance nous flatte, parceque c'eft une marque qu'on nous croit prudens & fidelles; & l'on aime mieux cette vaine répu tation que d'être exemt du danger effectif où l'on s'expofe en prenant part aux affaires d'autrui. Il eft vrai que les Payens ont cru que quand on avoit un ami, il lui falloit tout dire. Mais c'étoit une fuite de l'idée fauffe & chimerique d'amitié qu'il leur avoit plu de fe former. L'amitié ne nous doit point aveugler fur le fujet de nos amis, ni nous porter à prétendre qu'ils fe doivent aveugler à notre égard. Ils peuvent connoître nos défauts, comme nous pouvons connoître les leurs ; & c'est même un des principaux devoirs de l'amitié de travailler réciproquement à s'en corriger l'un l'autre après les avoir connus. On pent donc connoître que quelque fecret eft dangeteux à un ami, & qu'il eft capable d'en abuser par indif cretion ou autrement. Et en ce cas il eft certain que la raifon nous oblige de le lui cacher, & qu'il ne doit point s'en offenfer comme d'un défaut d'amitié. On cache aux malades felon le corps quantité de chofes qui les peuvent inquiéter, de crainte de nuire à leur fanté. Et pourquoi

ne cacherions nous pas de même à nos amis tout ce que nous jugeons leur pou voir nuire felon l'ame? Il eft vrai qu'on le peut tromper en croyant les amis ou indifcrets ou imprudens. Mais tandis que cette pensée qu'on a d'eux ne fe termine qu'à leur cacher des chofes inutiles, elle ne leur fait point de tort; & c'est être trop délicat fur foi-même, que de ne pou voir fouffrir d'être foupçonné d'un défaut que l'on n'a pas.

VI. Jefus-Chrift ne voulut pas répon dre, comme il a été dit, à la queftion qu'il voyoit que fes Apôtres avoient deffein de lui faire. Mais au lien de cet éclairciffement qui leur auroit été inntile alors, & qu'ils tirerent de l'évenement, il leur donna une inftruction importante, & par eux à tous les Chrétiens. Ceft que pendant un certain tems, ils feroient dans les pleurs & dans les gémiflemens, & que le monde feroit dans la joie. Ce tems fut court à l'égard des Apôtres, parcequ'il ne comprend à leur égard que celui de la mort de Jefus Chrift. Mais il comprend à l'égard des Chrétiens, tour le tems que Dieu emploie à les faire mourir au monde, & à les dépouiller des affections charnelles, en quoi confifte la mort du vieil homme reprefentée par la mort de Jefus-Chrift. Tout ce tems eft pour

les Chrétiens un temas de gémiffemens & de larmes. On ne meurt point au monde fans douleur & fans violence, puifque c'eft par cette douleur que l'on y meurt. Dieu renverse pendant ce tems tout le lit fur lequel leur infirmité fe repose: Univerfum ftratum ejus verfafti in infirmitate Pf. 40% ejus. Il les prive tantôt d'un objet de leurs ** attaches, & tantôt d'un autre. Il ne permet pas qu'ils trouvent aucun repos ni aucune fatisfaction dans les créatures. Voila le partage ordinaire des Chrétiens: & celui du monde eft aucontraire de fe réjouir. C'eft fur quoi on devroit compter, & fur quoi néanmoins on ne compte point. On eft toujours furpris quand les maux arrivent, faute de s'être bien mis dans l'efprit cette parole de Jefus-. Chaft dans cet Evangile : Vous pleurerez vous gémirez, & le monde fera dans là v. 200 joie.

VII. Ceft tellement la conduite ordinaire de Dieu fur les ames, que quoique cela n'arrive pas toujours, parceque Dieu ne veut pas qu'il y ait aucune regle fixe & Eniforme dans le monde, ni que les hommes ayent lieu de croire que leur fidelité envers Dieu foit toujours fuivie de maux temporels; néanmoins quand cela n'arrive pas, il veut que nous regardions alors fa conduite comme extraordinaire

& il fupplée aux afflictions dont il nous délivre par d'autres fortes de peines interieures on exterieures. Cependant il y a dans l'homme une telle pente pour les biens du monde, qu'il y en a peu qui ne foient ébranlés par la félicité des méchans, & qui puiffent fouffrir une longue humiliation. Et c'eft ce qui a fait que Jefus Chrift & fes Apôtres ont pris tant de foin de nous fortifier fur ce point, & de ne nous faire point efperer un repos tempo. rel en cette vie. Rien n'eft fi repeté dans l'Evangile ni dans les écrits des Apôtres, tant ils ont jugé néceffaire pour nous fou tenir dans les maux de cette vie, de nous bien graver cette verité dans l'esprit.

VIII. Jefus Chrift compare les tems de l'affliction & de la purification des jul tes, à l'enfantement d'une femme qui eft toujours accompagnée de douleur & de ,. trifteffe. Mulier cum parit, triftitiam ha bet. Car ce tems eft en effet pour eux un véritable enfantement, puisqu'il s'agit de former en eux le nouvel homme, & de fe revêtir de fes difpofitions. Or Dieu ne veut pas que cela fe faffe fans peine; & ce qu'il dit à la premiere femme après Genef. fon peché, qu'elle enfanteroit avec douleur, eft vrai de l'un & de l'autre enfantement, tant de l'homme charnel que de l'hom me fpirituel. L'homme s'étant livré à l'a

16.

mour du monde, ne fauroit s'en féparer
fans douleur. Les peines que Dieu lui a
impofées s'étendent jufque-là. Il eft dit à
l'homme qu'il mangeroit fon pain à la
fueur de fon corps, & cela s'entend, se--
lon faint Auguftin, tant dur pain corpo-
rel, que du pain de la verité & de la pa-
role de Dieu, que l'homme ne pénetre
plus fans travail & fans une application
pénible. Il en eft de même de l'amour de
Dieu qui forme le nouvel homme. On ne
le conçoit & on ne s'en remplit qu'avec
douleur; parcequ'il faut pour lui faire
place bannir de notre cœur l'amour du
monde qui n'en fort guere qu'avec vio-
lence, c'est-à-dire, par des maux tempo
rels qui nous dégoûtent du monde, &
qui nous en font connoître le néant & la
vanité. Toutes les comparaisons dont l'E
criture ou l'Eglife expriment la vie chré,
tienne, tendent à nous en donner cette
idée. S'il eft dit, par exemple, que les
Chrétiens font des pierres vivantes édifiées 1. Pr
fur la pierre angulaire, qui eft Jefus-Chrift, 26.
comme S. Pierre nous en aflure, l'Eglife
nous avertit que ces Pierres fe préparent par
des coups de marteau & par les afflictions. Hymni
Tunfionibus, prefjuris expoliti lapides. En- Dedic
fin rien n'eft plus précis fur cela que cet
avertiffement de Jefus-Chrift: Vous aurez Foan.`
des afflictions dans le monde: IN mundo 16.33 ·

de la

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