Imágenes de páginas
PDF
EPUB

choix que l'on fait dans les fautes vénielles eft donc infenfé & contraire à la raison? Dieu permet néanmoins ces fortes de fautes dans les plus juftes, pour les avertir que tant qu'ils font en cette vie, ils font encore bien avant engagés dans l'aveuglement; pour leur faire connoître combien leur raifon eft incapable de les tirer de l'état où ils font ; pour leur faire fentir la grandeur de la playe que le peché a faite à leur ame, & la néceffité de fa grace pour la guérir & la délivrer du malheureux état où elle eft.

SUR L'EPITRE

DU IV. DIMANCHE

D'A PRES

PASQUE.

M

EPITRE Jacque 1.17.

Es très-chers Freres : Toute grace excellente & tent don parfait vient d'en-haut, & defcend du Pere

aucune

des lumieres, qui ne peut recevoir ni de changement, ni d'ombre par révolution. C'est lui, qui par fa volomé nous a engendrés par la parole de la verité; afin que nous fuffions comme Les prémices de fes créatures. Ainfi, mes chers freres, que chacun de vous foit promt à écouter, lent à parler, & lent afe mettre en colere: car la colere de de l'homme n'accomplit point la justice de Dieu. C'efpourquoi renonçant à toutes productions impures & fuper flues de peché, recevez avec docilité la parole qui a été entée en vous, & qui peut fauver vos ames.

1.

EXPLICATION.

IL eft vrai géneralement que tous les

biens viennent de Dieu, non fe lement ceux qu'il nous fait par lui-même; mais ceux-mêmes qui ne nous viennent que par le miniftere des autres hom mes: car il y a de l'ingratitude à ne pas reconnoître que le fecours même & les affiftances que nous en recevons, viennent non feulement des tréfors de la puiffance de Dieu qui en eft la fource & qui les cou ferve; mais auffi des richeffes de fa bonté, qui veut fe fervir d'elles comme d'inf

trumens

trumens pour nous les donner. C'eft lui
qui nous affifte dans notre enfance par
nos peres, nos meres & nos nourrices.
Ceft lui qui nous inftruit par les maîtres;
qui nous guérit par les médecins, qui nous
procure toutes les commodités de la vie
humaine par les artifans & les ferviteurs;
rien de tout cela ne le fait
parceque
que Dieu n'ait une volonté particuliere
qu'il fe faffe, & qu'il n'applique ces créa-
tures à l'executer. Ces dons même font
infiniment plus excellens entant qu'ils
viennent de Dieu, qu'entant qu'ils paf-
fent par les créatures: car elles y ajoû-
tent leurs vûes & leurs intentions, qui
font fouvent injuftes & corrompues, au-
lieu que celles de Dieu font toujours juf-
tes & pleines d'équité & de bonté.

Cependant entre les dons de Dieu, l'A-
pôtre faint Jacque en diftingue de cer-
tains, qu'il appelle excellens & parfaits, v. 17.
& qu'il attribue particuliérement au Pere
des lumieres, par où il nous enfeigne que
nous ne les pouvons recevoir qu'immé-
diatement de lui, & fans le miniftere des
créatures. Et ces dons excellens & par-
faits font ceux de la grace, de la charité
& de la juftice. Dieu les verfe lui-même
dans notre cœur par l'infufion de fon
Efprit: & fans ces dons tous les autres
nous font inutiles.

[blocks in formation]
[ocr errors]

II. Non feulement il préfere les dom de la grace à tous les autres, mais il ne fait pas même mention de tous les talens naturels, ni de toutes les qualités humaines, comme fi ce n'étoient pas des dons de Dieu. C'est qu'en effet ce sont telleIment des dons de Dieu, que nous ne devons ni les defirer, ni les demander. Dieu nous oblige d'en bien ufer quand il nous les donne; mais nous ne devons point les defirer quand nous ne les avons pas ; parcequ'ils peuvent être auffi fouvent des inftrumens de notre perte que de notre falut. Il faut defirer les biens des juftes & des élus: mais pour ces talens naturels, il les donne fouvent avec plus d'abondance aux méchans & aux réprouvés C'eft de lui que dépend la félicité temporelle. C'eft lui qui donne les richesses, l'efprit, l'éloquence. Cependant il a comblé de ces fortes de dons ceux qui ne l'ont jamais connu, & qui ne s'en font fervis que pour l'offenfer & pour le perdre. les donne de même fouvent aux plus déreglés d'entre les Chrétiens. Ce font ceux qui en font fouvent le mieux partagés quoiqu'ils n'en faffent point d'autre ulage que celui qu'un furieux fait d'un poignard dont il fe perce le cœur. Qu'on falle réflexion fur l'état du monde, & l'on verra qu'il est très-rare qu'on se serve de

ce qu'on appelle talent, pour s'avancer dans la vertu, & qu'il eft très-ordinaire de s'en fervir pour le perdre. C'eftpourquoi quand un Chrétien, qui a quelque lumiere, reconnoît qu'il en a reçu quelqu'un, au-lieu de s'en réjouir il doit entrer dans des fentimens de crainte, & demander à Dieu avec inftance, ou qu'il lui ôte ces dons humains qui lui attirent l'eftime des hommes, ou qu'il lui donne la grace d'en bien ufer, en lui accordant ce don parfait dont parle faint Jacque. Mais le monde fait tout le contraire. Il eft infiniment plus touché des dons exterieurs que des graces interieures. Il en fait l'objet de fes louanges & de fes defirs. Et c'eft peut-être la raifon pour laquelle l'Apôtre faint Jacque n'en a pas même voulu parler, afin de nous apprendre mieux combien ils étoient peu confiderables devant Dieu.

III. Mais afin que ceux qui auroient reçu ces dons excellens & parfaits n'en conçoivent pas de l'orgueil, faint Jacque a foin de leur montrer la difference infinie qu'il y a toujours entre l'inconftance & la mutabilité des créatures, & l'immutabilité de Dieu. Il ne peut, dit-il, recevoir ni de changement ni d'ombre par aucune révolution. En effet il n'y a rien qui fasse mieux connoître aux créatures combien

V. 19%

« AnteriorContinuar »