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On compte parmi les théologiens des temps fabuleux, Mufée, difciple d'Orphée, à qui on attribue l'hymne à Cérès, compofé pour les Lycomides, dont parle Paufanias (1), & à qui Onomacrite fuppofa des oracles qu'il avoit compofés lui-même, & qui le firent chaffer d'Athènes par le tyran Pififtrate. Mufée enfeignoit, felon Diogène Laerce, que tout avoit été formé d'un premier être, & que tout y rentroit. Il eut pour fils Eumolpe, autre théologien, dont la famille fut confacrée à la célébration des myfteres d'Eleufis. Thamyris de Thrace, Amphion de Thèbes, Melampus d'Argos, furent honorés du même titre, parcequ'ils s'étoient occupés de la nature & du culte des Dieux, des facrifices, des expiations, des myfteres, en un mot, de tout ce qui avoit rapport à la religion des peuples.

Aux Théologiens des temps fabuleux, on peut joindre les Légiflateurs & les Sages, qui fe font fait une fi grande réputa(1) Attic. pag, 47•

tion à peu près dans les mêmes temps. Occupés uniquement du bonheur des hommes dans la fociété civile, on fent bien que les Légiflateurs ne durent prendre de la question des Caufes, que ce qu'il leur en falloit pour donner à leurs lois le dégré de force dont ils avoient befoin. Ils les appuyèrent fur la providence des Dieux d'une part, & de l'autre, fur la vie de l'ame après la mort. Non qu'avant eux ces deux importantes vérités fuffent inconnues au genre humain, mais parcequ'elles l'étoient. L'œil ouvert fur les portes des temples en Égypte, la métempfycofe, les prieres des mourans, le culte des manes, la croyance des enfers, & mille autres monumens qu'on trouve par-tout dans l'antiquité, prouvent que ces deux vérités étoient expreffes dans la foi naturelle du genre humain. Mais les fages dont nous parlons la prononcerent encore avec plus de force. Zaleucus, Triptoleme, Dracon, Solon, Lycurgue, Minos, Rhadamante chez les Grecs, Numa, chez les Romains,

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fentoient vivement que les lois, fans la confcience, n'arrêtoient que la main. Il n'y eut aucun de ces grands hommes qui ne fît defcendre fes lois de Jupiter même ou de quelqu'autre Dieu, & qui n'ait ajouté la fanction de la religion à la force de l'état (1).

D'autres Sages, par leurs maximes & par leurs grands exemples, concouroient au même but. Pittacus à Mytilène, dans l'ifle de Lesbos, Bias à Priene, en Ionie, Cleobule dans l'ifle de Rhodes, Anacharfis chez les Scythes, tant d'autres dont les fentences étoient recueillies & citées comme des oracles, étoient autant de flambeaux qui éclairoient les nations & les fiecles. Pourquoi s'obstiner à ne voir dans ces temps reculés qu'ignorance, barbarie, ftupidité, en ce qui concerne les Causes; tandis qu'on ne peut leur refufer des lumieres, du goût, du génie, des vues dans tous les autres genres?

(1) Voyez Diod. Sic. 1. 48. C.

ARTICLE III.
Myfteres d'Eleufis.

&

LA doctrine d'un premier principe, unique, étoit connue également chez les Savans & parmi le peuple (1); avec cette différence, que les Savans, initiés aux myf. teres, reconnoiffoient une Divinité n'en reconnoiffoient qu'une ; & que le peuple, croyant cette Divinité fuprême, trembloit en même temps fous une multitude de Dieux fubalternes, que la superstition avoit adoptés, & peut être la politique, pour mieux affurer l'obéiffance des peuples, & les contenir par cette garde nombreuse, qui fembloit environner chaque homme en particulier, & répondre de lui, quand il eft feul.

Cette diverfité de croyance produisit deux cultes, l'un extérieur & public, pour le vulgaire & le corps des nations; l'autre (i) Voyez l'Article suivant.

intérieur & mystique, où l'on présentoit des idées plus faines & plus juftes, & où n'étoient admis dans les commencemens que les perfonnes diftinguées par leur naiffance, ou par leur mérite perfonnel: c'eft ce qui fit donner à ce culte le nom de myf-

teres.

Il y avoit des Mysteres établis chez toutes les nations, avec des traits fi reffemblans, qu'on ne peut douter qu'ils n'aient eu une origine commune. C'étoit par-tout les mêmes procedés à peu de chose près, les mêmes dogmes, les mêmes leçons de conduite, le même objet. Il n'y avoit guères de différence que dans les noms des Divinités qui y présidoient. En Égypte, c'étoient Ifis & Ofiris; c'étoit Mithras en Afie, la mere des Dieux en Samothrace, Bacchus en Béotie, Vénus dans l'ifle de Chypre, Jupiter en Crète, Castor & Pollux à Amphiffe, Vulcain à Lemnos, enfin Cérès & Proferpine dans l'Attique. Ceuxci établis dans un des bourgs d'Athè-· nes, environ quatorze fiecles avant Jefus

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