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ARTICLE IV.

L'unité d'un Dieu fuprême, connue de tous les peuples policés de l'Antiquité.

Il est question ici, non des fages ni des philofophes, mais de ce qu'on appelle peu ple, par oppofition aux fages. J'entends toutefois les peuples civilifés, qui ayant, comme tels, des arts, des lois, des mœurs, étoient dans le cas d'ufer quelquefois de leur raifon, & de réfléchir jufqu'à un certain point fur l'intérêt de leur propre exiftence & fur leur état d'homme. En un mot, les Chaldéens ont paru reconnoître deux Dieux, les Perfes trois, les fables d'Egypte en nomment cinq ou fix grands, fans compter ceux d'un ordre inférieur, les Grecs & les Romains en avoient des milliers: il m'a femblé qu'on pouvoit établir que ces peuples, malgré tant d'erreurs &

d'extravagances, ont connu un Dieu fuprême, & qu'ils n'en ont connu qu'un (1). C'est l'objet de cet article.

On pourroit aisément écrire sur ce problême plusieurs volumes; le raisonnement & l'érudition fourniroient également de quoi les remplir. Il fuffira ici d'indiquer les principales preuves, fans les développer.

Ces preuves feront de deux fortes: les unes tirées de l'hiftoire fainte, à caufe des rapports que le peuple de Dieu a eus nécessairement avec les païens; les autres tirées de l'histoire profane, foit par des inductions qui paroiffent fondées, foit par 'des textes formels.

Pour ne point nous égarer dans un efpace qui comprend tant de fiecles, nous diftinguerons trois époques : la prémiere, depuis le déluge jufqu'au paffage de la Mer rouge: la feconde, depuis la fortie d'Egypte jusqu'à Alexandre : la troifieme, depuis Alexandre jufqu'à l'établiffement du Christianifine.

(1) Voyez la Def, chron. de M. Freret, 298.

Quand le genre humain defcendit de l'arche, & qu'il se répandit dans les plaines de Sennaar, il n'y avoit qu'une même penfée dans tous les efprits : nous l'avons dit. Il n'y avoit auffi qu'un feul langage, qui étoit celui de la crainte & de la reconnoiffance pour celui qui avoit puni le crime & confervé l'innocence. Cela ne demande point de preuve.

Noé, felon l'Écriture, vécut encore long-temps après le déluge, tenant fous fes yeux une partie confidérable de fes enfans. Sem fon fils lui furvécut de 150 ans, & aida, comme son pere avoit fait, par fa présence & par fon exemple, à maintenir fes defcendans dans la foi primitive.

Il y a apparence que Cham & Japhet ne vécurent pas moins que Sem, chacun dans la partie du monde où ils fe portè-. rent; qu'ils y furent autant de témoins vivans de la tradition, & que les gens raifonnables au moins réglèrent fur eux leur conduite & leurs penfées. Se portant alors par une progreffion parfaitement libre,

dans des terres ouvertes au premier occupant, ils ne furent point dans le cas de s'abrutir, comme s'ils euffent été dispersés par la violence, & forcés de fe cacher dans des antres fauvages, où ils auroient tout oublié, pour ne s'occuper que du foin de fe nourrir, ou de fe défendre contre les bêtes féroces. Quelle révolution dans ces premiers fiecles de paix auroit pu effacer fubitement & pour jamais, dans des familles entieres, une idée nécessaire & naturelle, qui fe reconnoiffoit par la fimple attention, qui fe développoit par l'éducation, qui fe renouveloit à tout moment, par le témoignage des yeux au-dehors, & par celui du cœur au-dedans? Qui des patriarches pouvoit s'entretenir avec ses enfans, fans leur raconter les origines & les faits, fans leur expliquer les monumens les tombeaux, les pierres huilées, les autels, les puits de ferment & de témoignage? Il n'en falloit pas tant : la crainte seule, que quelques athées ont faite la mere des Dieux, auroit fuffi pour conferver le

dépôt antique & rendre l'oubli impoffible.

Abraham vint au monde 427 ans après le déluge, lorfque Sem vivoit encore, felon l'Écriture. Dieu l'appelle dans la terre de Chanaan. Voyageons avec lui, & voyons fi fur fes pas nous ne rencontrerons point quelques veftiges de la vérité qui fait notre objet.

Abraham forti de la Chaldée, vient d'abord à Haran, & de-là dans le pays de Chanaan. Ce voyage affez long, fait par un étranger chargé de troupeaux, espece de richeffe difficile à tranfporter, fans avoir été attaqué par aucun ennemi, montre

bien que le pays n'étoit pas encore fort

habité, puisqu'on lui laissa à difcrétion les pâturages, qui devoient être absorbés par un bétail nombreux; mais il prouve encore que ceux qui l'habitoient n'étoient rien moins que féroces ou sauvages, qu'ils avoient quelques principes d'humanité & de loi naturelle, puifqu'ils ne formèrent aucune entreprise contre l'inconnu. On ne donne ceci que comme une conjecture.

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