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trouvé, que de trouver ce qu'on n'avoit pas, & dont perfonne n'avoit aucune idée? Tubalcaïn a reconnu les métaux ; il les a fondus & rendus dociles fous le marteau. Noé a conftruit l'arche; il a connu les animaux, leurs efpeces, leurs nourritures, leurs mœurs. Énos a établi un culte public, & confacré par des fêtes & des facrifices folemnels les idées qu'on avoit de Dieu, de fon pouvoir, de fa bonté, de sa justice: tout cela pouvoit-il être fans un commencement de Philofophie?

Les hommes des premiers fiecles, nés avec un fens droit & libre des préjugés d'une éducation factice, qui prend quelquefois la molleffe pour des grâces, & les vaines fubtilités de l'efprit pour de la science, n'avoient pas jugé à propos de faire des recueils de leurs rêveries métaphyfiques, pour fervir d'inftruction à leur postérité. Ils apprenoient à leurs enfans des faits, & les inftruifoient par des exemples par les leurs, & par ceux de leurs

:

antiques aïeux, quelquefois encore fub

fiftans au milieu d'eux, comme des monumens de plufieurs âges, qui montroient aux jeunes ce qu'il falloit faire pour vivre heureux. Ceux qui s'étoient livrés à la vie pastorale, employoient leur grand loifir à étudier la nature, à réfléchir sur ses opérations, à parcourir fes richesses : ils remarquoient les temps, les faisons, les variétés, les progrès de chaque efpece : en un mot, ils obfervoient. Jouissant chaque jour des fruits de leur expérience, ils rendoient grâces à celui qui fait lever le foleil & qui répand la rofée. Dans la fuite des temps, les descendans de Noé, devenus princes & rois, de pères de famille qu'ils étoient, s'occupèrent à régler la fociété, à établir l'agriculture & les autres arts de premier befoin, fur des principes folides & une pratique fixe. Il y en eut qui ouvrirent les vaftes forêts, qui détournèrent le cours orageux des grands fleuves, qui defféchèrent les marais. D'autres affemblè rent des armées pour arrêter le brigandage, quelquefois pour aller reconnoître

les contrées lointaines, & y laiffer les arts capables de retirer les peuples de la barbarie où ils étoient tombés. Cependant on n'avoit point alors de Philofophie. On n'avoit point celle qui définit le plein & le vuide, qui calcule les forces centrales, qui feche fur les caufes de la pefanteur & du mouvement, qui creufe l'idée de l'unité & de la fubftance. Mais on avoit celle qui apprend aux hommes à ufer du monde, qui est fait, & à ne pas perdre leur vie à chercher comment ils auroient pu le faire, fi Dieu ne l'eût pas fait pour

eux.

Enfin, quand ils n'en auroient pas eu d'autre, il auroient eu du moins, celle des Caufes premières, fans laquelle ne peut pas être tout homme qui penfe, & qui penfe à foi. Cette Philofophie, dans fon commencement, n'étoit autre que la foi commune du genre humain. Mais cela ne l'empechera pas de faire partie de l'hiftoire que nous écrivons.

Nous remontons au travers des temps,

jusqu'aux plus anciens, & s'il eft poffible, jufqu'aux premiers dépôts des premières vérités; jufqu'à ce premier anneau où commence cette longue chaîne d'égaremens & d'erreurs de toute efpece, qui ont fatigué le genre humain pendant tant de fiecles. On fait bien, fans qu'on le dife, que ces dépôts ne peuvent être que ceux de Moïfe. Mais de quelque grande autorité qu'ils foient revêtus, (les vrais Savans n'en connoiffent point de plus grande) nous ne les regarderons ici que comme les dépofitions d'un témoin qui raconte ce qu'il a vu, ou qui rend littéralement ce qu'il a appris de fes peres.

ARTICLE II.

Cofmogonie de Moïfe.

ou DIEU SEUL CRÉATEUR DE TOUT.

QUAND

UAND Noé fortit de l'arche, fon premier foin fut de remercier le Dieu qui l'avoit fauvé des eaux. De tous ceux qui affiftèrent au facrifice, il n'y en eut pas un qui s'avifa de regarder l'inondation du globe, comme un événement purement naturel. Ceux qui avoient ri de la prévoyance du Patriarche, avoient été la victime de leur fécurité. Toute la famille de Noé, pénétrée des mêmes fentimens que ne refpiroit qu'une reconnoiffance mêlée de terreur.

lui ,

Ces mêmes fentimens accompagnèrent les enfans de Noé, lorsqu'ils fe répandirent dans les plaines de Sennaar. S'il fe fût élevé dans leur cœur une pensée trop hardie, le moindre nuage, montant fur l'ho

rison,

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