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rifon, eût rappelé le fouvenir des vengeances, & fait rentrer l'homme dans le devoir.

Il eft donc hors de doute que les enfans de Noé eurent le même fyftême de Cofmogonie que leur pere. Or leur pere eut certainement le même que celui des Patriarches antérieurs au déluge, avec lefquels il avoit paffé la plus grande partie de fa vie. Ainfi on peut affurer que Sem & Affur portèrent avec eux les idées des premiers hommes en Affyrie; que Cham les porta en Arabie, en Phénicie & en Egypte; & Japhet, ou fon fils Javan, dans l'Afie mineure, & de-là dans la Grèce & dans l'Europe. La foi d'Adam, le culte d'Enos, l'époque de la création, & une bonne partie de ce qu'on avoit acquis d'expérience dans les fciences & dans les arts pendant quinze ou feize fiecles, fut donc femé à peu près également par-tout l'Univers.

Ce fut dans cette fource, commune à tout le genre humain, que Moïfe puifa

B

les faits & les idées qu'il nous a transinises. Il étoit à portée. Il touchoit à Abraham, comme Abraham touchoit à Noé. Lévi, fon aïeul, avoit vécu avec Ifaac. Il y avoit des dépôts des traditions antiques, confervés dans les familles patriarchales; des fastes qui contenoient les fuites des géné rations, les partages, les émigrations, les fondations de villes ou de colonies: on ne peut en douter; & ce fut de ces dépôts que Moïfe tira l'Hiftoire de la Génèse ou génération du Monde. Nous pouvons donc la présenter ici, comme la plus ancienne & la premiere de toutes celles qui ont eu cours parmi les nations. Nous ne lui donnons dans ce moment d'autre avantage fur les autres, que celui de la date: nous l'avons dit.

«Dans le commencement, Dieu créa (1) le ciel & la terre;

(1) Il y a des langues orientales où le mot bara, que la Vulgate rend par creavit, fignifie pondre; mot qui répond à

c'est-à-dire, les ma

celui de meraephet, qui eft rendu dans la même Vulgate par ferebatur, & qui, dans l'hébreu, fignifie couver. On verra ci

tériaux de toute efpece qui fervirent à formcr le ciel & la terre: c'étoit proprement le cahos. (1)

D

» La masse terreftre, vuide & nue, étoit

enveloppée d'eau, & ces eaux, environnées de ténebres, au-deffus defquelles fouffloit l'efprit de Dieu; » c'est-àdire, que les parties terreftres étoient au centre, comme le fédiment de la matie. re; que les parties aqueufes couvroient ce fédiment; qu'un espace ténébreux étoit répandu fur les eaux; & que dans cet efpace étoit un principe d'activité & de mouvement (2), qui travailloit fur les élémens jusques-là sans ordre & fans forme réglée. Il y a des Peres de l'Églife qui l'expliquent ainsi.

« Dieu dit : Que la lumiere foit : & la » lumiere fut; & il fépara la lumiere d'avec

après que l'œufa été, dans

toutes les fables cofmologiques, l'emblême du Monde naidant. Pline a

dit: Si omnes mundos na sura una incubaret. II. 1.

(1) S. Aug. de Civ. Deix

8.11.

(2) Rouach, dans toutes les langues orientales. fignifie principe produc

teur,

» les ténebres ». Pour que cette féparation eût lieu, il fallut que la lumiere fût raffemblée fur l'un des hémispheres du cahos, & les ténebres fur l'autre ; de maniere que la lumiere circulant & chaffant, pour ainfi dire, devant elle les ténebres, qui la chaffoient à leur tour, le foir succéda au matin & le matin au foir; ce qui faifoit un jour : & factum eft mane & vefpere dies unus. Le même effet eût été produit en faisant tourner la maffe entiere fur ellemême, présentant tour à tour ses deux hémispheres aux ténebres & à la lumiere, qui feroient reftées immobiles dans l'ef pace.

L'action de Dieu, ordonnant les parties de l'Univers, commença par le ciel, qui s'éleva comme une voûte, ou plutôt, qui fut tendu comme un pavillon: Extendens cælum ficut pellem. C'étoit l'ordre naturel & néceffaire. Il falloit dégager le Monde nouveau-né des langes qui l'enveloppoient.

Dieu travailla enfuite fur cet amas immense d'eaux qui couvroient la terre. Il

dit auffi-tôt la plus grande partie de ces eaux fe porta à une grande distance du centre, pour compofer le firmament, ou l'étendue fphérique qui enveloppe la terre: le refte des eaux s'enfuit dans les baffins & les cavités du Globe terreftre, où il fut reçu, comme dans autant de vafes: Congregans aquas quafi in utre.

Alors la Terre élevant de toutes parts fa large furface, fe montra prête à recevoir des habitans. Couverte des germes de tou. te efpece que le Créateur y avoit femés par fa parole féconde, elle n'attendoit que l'action d'un reffort univerfel pour devenir un jardin délicieux, émaillé de fleurs, rempli de fruits.

Le Soleil parut dans le firmament : & fut le flambeau du monde, le principe de la végétation & de la vie, la regle des faifons & des temps.

Encore une parole: Les animaux s'élancent du fein de la terre; l'air eft peuplé d'oifeaux; les mers font remplies de poif.. fons; chaque partie a fes habitans. L'ou

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