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qu'un de fes plus fideles difciples, & qui ayant écrit en profe, a pu rendre les idées du Philofophe plus littéralement que les Poëtes: « Dieu eft un. Il n'eft point, com

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me quelques-uns le croient, hors du Monde, mais dans le Monde même, & tout entier dans le globe entier. Il a l'œil ouvert fur tout ce qui naît : c'eft lui qui forme tous les êtres immortels, qui eft l'auteur de leurs puiffances & de leurs œuvres : il eft l'origine de toutes chofes, le flambeau du ciel, le pere, l'efprit, l'ame de tous les êtres, le moteur de toutes les fpheres. » Ainfi parle Pythagore (1).

Dieu eft un, c'eft-à-dire, felon le fens de la Philofophie ancienne, une fubftance unique, dont toutes les parties continues s'étendent dans tout l'Univers, fans partage, fans différence, fans inégalité, comme l'ame dans le corps humain.

Dieu n'eft pas hors du Monde : Apparemment qu'il y avoit eu déja avant Pythagore des Philofophes qui avoient prétendu qu'il (1) Cohort. ad Gent, 18. Ed. Par.

ne convenoit ni à la majesté, ni au repos de Dieu, d'habiter dans un Monde où regne la mort auffi-bien que la vie. Pythagore veut au contraire que Dieu foit tout entier dans le globe du Monde, afin que le Monde & toutes fes parties foient dans Dieu. Pour concevoir nettement cette idée, il faut toujours comparer Dieu avec l'ame dans le corps humain : les Philofophes anciens font rarement fortis de-là, en parlant de l'action de Dieu dans l'Univers.

Dieu a l'ail ouvert fur tout ce qui fe fait.; mais il agit en même-temps qu'il voit comme l'ame humaine dans l'homme. Il est le lien & le nœud intérieur, le reffort actif de toutes les parties.

Il est l'auteur des Êtres immortels, de leurs puiffances & de leurs œuvres. Par les Étres immortels, Pythagore entend les Aftres, ou Dieux du fecond ordre, les Démons, les Héros, les Ames de toute efpece, dont il a rempli toutes les fpheres plus qu'aucun autre Philofophe. Si Dieu eft l'auteur de ces êtres, qui font des Caufes fubalternes,

il est donc auffi la caufe des effets qu'elles produifent; il eft caufe des causes: par conféquent caufe de tout.

Il eft le principe & l'origine : c'est à lui que tout commence, & par lui.

Enfin fi on partage l'Univers en fphères concentriques, felon les différens aftres ou élémens qui regnent dans ces fphères, c'est Dieu feul qui les meut toutes fans excep¬ tion, & qui les gouverne.

On demande quel eft le vrai fens du mot Animus dans le texte de Cicéron; s'il fignifie un Esprit pur, ou feulement une Matiere penfante, plus déliée plus déliée que celle des corps? Il n'eft pas aifé de fatisfaire à cette question. Les textes qu'on a cités représentent Dieu comme une substance étendue, diftribuée dans toute la Nature, qu'elle anime. C'étoit d'ailleurs le dogme prefque univerfel des Écoles Grecques. Toutefois il n'eft pas aifé de croire qu'ayant parcouru tant de nations instruites, le Philofophe n'ait apperçu nulle part la notion de l'Esprit pur, & que l'ayant

apperçue, il n'y ait pas il n'y ait pas fait attention. Pourquoi tant d'efforts pour s'abstenir des termes empruntés des chofes corporelles? Il n'a pas voulu dire de Dieu, qu'il fût up Air, un Souffle, ni même que ce fût du Feu, de l'Éther. Il a dit que c'étoit un Nombre, ou plutôt une Unité toute intellectuelle, fans parties, parcequ'elle eft unité, & par conféquent, à ce qui nous femble, fans étendue. Sa philofophie n'avoit pour objet que de dégager l'ame des fens, de la fixer dans le pur intelligible. Ces idées approchent bien de celles de l'immatérialité. Il a dit que Dieu pénetre par-tout; nous le difons auffi, quoique bien éloignés de donner à Dieu l'étendue corporelle. C'eft de lui que viennent toutes les ames. Sans doute: mais font-elles lui-même ? Pourquoi toute l'École Pythagoricienne a-t-elle dit que l'homme feul avoit une parcelle de la Divinité? Il y avoit donc quelque folution que nous ne favons pas, ou les Pythagoriciens étoient en contradiction avec eux-mêmes. Le parti le plus fage pour nous, ici comme

dans beaucoup d'autre cas, eft de nous abftenir de prononcer.

'Il s'agit maintenant de revêtir la doctrine qu'on vient de voir, du langage arithmétique que Pythagore avoit introduit dans fon École.

Ce Philofophe avoit remarqué que dans la Nature, comme dans les nombres, tout eft un & plufieurs, fous divers afpects; que dans la Nature, comme dans les nombres toutes les opérations fe font par compofition, ou par résolution; que dans l'un comme dans l'autre, il y a des rapports de toute espece, résultans de combinaisons, poffibles à l'infini (1). En conféquence, pour donner un nouveau relief à la science de la Nature, peut être auffi, croyant faire, comme nous l'avons dit, un pas de plus vers les effences des chofes, il entreprit de la préfenter avec cet appareil mathématique, propre à écarter le vulgaire profane, & à fixer l'efprit des initiés dans les abstractions.

(1) Voyez Arist. Metaph, 1, 5.

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