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leurs fyftêmes abftraits comme de fimples conjectures, comme des spéculations ingénieufes, qui pouvoient aiguifer l'efprit dans leurs entretiens philosophiques, mais fur lefquels il ne falloit point appuyer la conduite de l'état, ni celle du citoyen. Ils convenoient tous que la nature intérieure des êtres étoit impénétrable, que la fcience avoit fes bornes très près de nous, & qu'ainfi les difputes fur les Causes ne pouvoient être regardées que comme des amusemens ou des jeux philofophiques, dans lefquels les efprits pouvoient s'exercer à l'ombre de la vérité, fans tirer à conféquence pour la conduite.

ARTICLE II

AME UNIVERSELLE DU MONDE

§. I.

Raifons Spécieufes de cette opinion.

AVANT que de parler de la maniere dont quelques Pythagoriciens ont préten→ du expliquer l'action d'une Ame du Monde, répandue dans toutes fes parties, nous ne pouvons guères nous difpenfer de dire un mot de l'origine & des progrès de cette opinion. Nous la regardons aujourd'hui comme une des plus bifarres & des plus rifibles qui aient pu tomber dans les têtes humaines: effet de l'habitude! les peuples & les Sages la regardoient autrefois comme la feule fenfée. La progreffion leur pa→ roiffoit descendre, comme d'elle-même, des hommes aux bêtes, qui ont le sentiment comme nous; des bêtes aux plantes,

qui croiffent & qui végetent comme les bêtes, qui ont des fexes, des œufs ou graines comme elles ; des plantes aux métaux, aux fels, aux foffiles, qui ont leur organifation comme les plantes; enfin aux élémens, comme le feu, l'eau, l'air, la terre, &c. qui agissent & qui pâtissent, qui. fe décompofent & fe recompofent, qui fe meuvent, & varient par leurs mouvemens les formes dont la terre eft couverte ou environnée. Si la chevre a une ame, parceque le rameau vert l'attire, pourquoi le fer, attiré par l'aimant, n'en auroit-il point une auffi à fæ maniere? pourquoi la pierre qui tombé n'en auroit-elle pas de même, au moins pour la mouvoir ? Car il n'eft pas néceffaire que toutes les ames foient de la même espece, ni du même rang, ni qu'elles aient les mêmes facultés & en même nombre. Qui fommes-nous, pour marquer les limites, & dire, C'eft ici que la chaîne commence, ou qu'elle finit (1)?

(1) Principio cœlum ac terras campofque liquentes, Lucentemque globum luna, titaniaque aftra

L'homme quitte fa demeure, s'éloigne de fes foyers, & après un certain temps il y revient. Pourquoi ? Parcequ'il a une ame qui penfe & qui fe fouvient. Un vaiffeau fait de même, parcequ'il a un pilote qui lui tient lieu d'intelligence & de mémoire. Les aftres, qui font des routes immenfes, & qui ne s'égarent jamais dans l'efpace, ne font-ils pas nécessairement, ou comme l'homme, ou comme le vaiffeau? S'ils ne fe conduifent point eux-mêmes, il faut donc qu'ils foient conduits par d'autres. Lequel eft le plus fimple, d'attacher au corps du foleil, pere du jour & des faisons, une ame, que la Nature n'a point refusée au plus vil des infectes, ou de lui donner un char & un cocher?

On peut se paffer, dira-t-on, & de l'un & de l'autre, & dire que le foleil, ainfi que tous les aftres, n'eft dans fon espece

Spiritus intus alit, totamque infufa per artus,
Mens agitat molem & magno fe corpore mifcet.
Inde hominum pecudumque genus, vitæque volantum,.
Et quæ marmoreo fert monftra fub æquore pontus.

Æn. 6.

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qu'une machine à reffort, fortie de la main d'un ouvrier infiniment habile & puiffant.

L'idée de ces refforts eft-elle plus philofophique, ou moins incompréhensible que celle des ames? Le calcul auquel on les foumet n'en démontre point l'existence; parcequ'on n'en calcule que les effets, & qu'il eft telle ame poffible, dont les actes toujours uniformes, pourroient être calculés comme ceux d'une machine. D'ailleurs pour concevoir, par exemple, que la terre tourne par reffort autour du foleil, il faudroit concevoir dans ce reffort une force pour la tenir fufpendue toujours à la même diftance du centre; une autre pour la tenir en équilibre fur fes deux poles, une autre pour fon mouvement diurne, une autre pour fon mouvement annuel, &c. Point du tout il n'en faut que deux, & même qu'une : le mouvement de projection une fois imprimé, la force attractive fuffit. Soit. Mais fi on ne peut concevoir la durée du mouvement de projection fans le vuide, ni l'attraction fans le plein, ou l interven

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