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par nature, au moins aux êtres intelligens, les modeles & les deffeins de leur conduite. Timée & Platon restant en-deçà de certains détails, pouvoient croire & laiffer croire que Dieu étoit réellement Caufe; qu'il voyoit, qu'il agiffoit : la Providence confervoit fes droits. Ariftote au contraire, voulant pénétrer jusqu'au fond des Causes, fe perd lui-même dans fes principes, & nous laisse voir le Monde fait, conservé, gouverné par un certain accord de Nature, qui rend tout indépendant de Dieu, pour être, pour se mouvoir, & pour agir.

En général, la difficulté insoluble pour tous les Philofophes, étoit de placer le principe du mouvement. Dans une Intelligence pure, comment agira-t-elle fur les corps? Dans la Matiere? Celle-ci paroît indifférente au mouvement & au repos. Ils imaginerent un milieu, qui fut d'attacher à une matiere infiniment déliée tous les attributs de l'efprit. Mais cette idée employée & retournée de mille manieres pendant quarante fiecles, & toujours pleine

de contradictions & d'embarras, a ramené enfin la Philofophie aux deux fubftances, efprit & corps, conftatées par leurs effets, quoiqu'incompréhenfibles en elles-mêmes & dans leur maniere d'agir l'une fur l'autre. On s'est enfin souvenu qu'on pouvoit être encore philofophe en s'arrêtant où le jour s'éteint, & qu'on ceffe de l'être en voulant s'avancer au-delà.

***

ARTICLE II.

Straton de Lampfaque,

OU LES ÉLÉMENS ANIMÉ SI

ARISTOTE ayant donné une direction fixe au mouvement des élémens qu'il employoit dans la composition du Monde, & les portant conftamment ou de bas en haut, ou de haut en bas, ou circulairement autour du centre, avoit dans fon hypothese une preuve de l'éternité du Monde ; mais les variations irrégulieres des êtres naiffans & mourans fans ceffe, étoient une preuve contre fon hypothefe. Pourquoi les matieres fublunaires, le feu, l'air, l'eau, la terre étant arrivés une fois à leur lieu naturel, n'y reftoient-elles pas éternellement comme les matieres céleftes dans les leurs? Ce fut fans doute ce qui détermina Straton à changer les principes de fon maître. Il ôta au mouvement des élémens cette direction fixe, pour leur en donner une plus vague,

par laquelle on pût expliquer les variations fur-tout du Monde fublunaire : mais alors il fallut renoncer à l'éternité du Monde.

Peut-être auffi qu'Ariftote, dans des circonftances plus délicates, n'avoit pas jugé à propos de dire nettement toute fa penfée. Car après tout, ces natures actives, ou entelechies, qu'il attachoit à chaque individu, ne pouvoient être qu'un résultat des deux natures élémentaires dont l'individu étoit compofé. Straton, vivant dans un fiecle où les dogmes les plus hardis ne faifoient plus qu'autant de fenfation qu'il en falloit pour produire la célébrité des auteurs, parla plus clairement que lui. Il ofa dire, fans détour & sans mystere, qu'il n'avoit pas besoin d'aucune Cause intelligente, pour former, mouvoir, conduire l'Univers & chacune de fes parties: qu'un principe spontanée, inhérent à chaque parcelle élémentaire, lui fuffifoit pour exécuter tout, felon certaines combinaifons, formées par la diverfité des poids, celle des mouvemens, & par le hafard

par

des

des rencontres : & à ce principe il donnoit le nom de Nature. « Straton, difciple de Théophrafte, celui qu'on appelle le Phy→ficien, penfe que toute la puiffance divi> ne réfide dans la Naturé, qui renferme en elle les caufes de la génération, de » l'accroiffement, de la nutrition des êtres, » & qui n'a aucune espece de fentiment. (1) » Et ailleurs : « Straton de Lampfaque » déclare qu'il n'a pas befoin du fecours » des Dieux pour faire le Monde. Il pré»tend que tout ce qui eft eft l'ouvrage de » la Nature. Entrant dans les détails des » parties, il montre que tout ce qui est, ou » qui le fait, se fait, ou a été fait, par les » poids & par les mouvemens naturels (2) ». Deux choses à remarquer foigneufement:

D

(1) Theophrafti auditor Strato, is qui Phyficus appellatur, omnem vim divinam in Naturâ fitam effe cenfet, que caufas gignendi, augendi, nutriendi habeat, fed careat omni fenju. Cic. de Nat. Deor. r. 13. (2)Strato Lampfacenus

negat operâ Deorum fe uti ad fabricandum Mundum; Quæcumque fint, docet omnia effecta effe Natura. Ipfe autem fingulas Mundi partes perfequens, quidquid fit aut fiat, naturalibus fieri, aut fadum effe docet ponderibus & motibus. Lucul. 38.

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