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mé une feule maffe, dans laquelle elles auroient trouvé leur repos, ou dont il auroit réfulté un feul mouvement général compofé de toutes les forces mouvantes particulieres. Car il n'y a point de raison dans son systême pour former un nombre infini de concrétions différentes plutôt qu'une feule.

On auroit pu lui demander encore comment les lois qui tendent à l'organisation fpécifique, & à la symmétrie universelle fe font trouvées dans la Nature. Répondre, comme dans le paffage de Plutarque, que cela s'eft fait par le hafard, c'étoit rentrer dans les fonges de Démocrite, & se charger de tout ce qu'on lui a oppofé sur ce point de fa doctrine, fomnia Democriti, non docentis fed optantis. (Lucul. 38.) Ce n'étoit plus être philofophe, ni raisonner par les causes, puifque le hafard n'eft rien, & qu'il n'offre aucune idée à l'efprit. Il falloit donc qu'on accordât gratuitement à Straton, non-feulement le principe qui fervoit de bafe à fon fyftême, mais encore d'autres:

fuppofitions indépendantes de ce principe.

En fuppofant les élémens animés & vivans par eux-mêmes, Straton avoit encore befoin, comme les autres Philosophes, de diftinguer, d'après ces phénomenes, deux fortes de matiere; l'une plus fubtile, l'au tre plus groffiere, qu'il partageoit en autant de dégrés qu'il lui en falloit pour éta blir la continuité de la Nature depuis le plus haut des cieux jusqu'au centre de la terre, dans fes différentes efpeces.

Avec la matiere fubtile, il formoit les aftres, & donnoit à peu près la premiere raifon de leurs mouvemens, par la nature, le nombre & l'arrangement de leurs élémens compofans, qu'il pouvoit imaginer & combiner à fon gré. Il donnoit de même les raisons des efpeces terreftres, en eftimant les dofes & la nature des pieces compofantes, par les fins, les propriétés, les facultés qu'il voyoit dans les especes compofées. Par exemple, la plante étoit plus parfaite que la pierre, parcequ'il entroit dans fa compofition, artiftement or

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ganifée, une plus forte dofe de matiere active. L'animal étoit plus parfait que la plante, par une dofe plus grande & par une organisation plus favante. L'homme à fon tour étoit plus ingénieux que l'âne ou le cheval, par un triage de parties plus excellentes, & parcequ'il a outre les yeux & les oreilles, la main fendue en cinq doigts, qui lui rendent le tact plus fin, & les perceptions plus diftinctes. Au-deffus de l'homme, il mettoit, felon toute apparence, d'autres efpeces encore plus parfaites. Qui pouvoit lui fixer des limites? Ceux qui font placés au plus haut dégré, étoient apparemment ce qu'il appeloit les Dieux. Mais circonfcrits comme les autres êtres, dans leurs effences & leurs facultés naturelles, ils n'étoient, comme tout le refte, que des parties, & non les maîtres du Monde.

On voit les conféquences d'un pareil fyftême, qui ramene tout au hafard des rencontres & à la spontanéité des mouvemens, fans Cause intelligente universelle.

Tout va où il peut aller, & y va nécessairement. Il n'y a dans le Monde, ni centre, ni principe d'union. Que tout foit enfemble ou difperfé, par gradation, ou par saut, bien ou mal, cela ne fait rien à la Nature, qui fe plaît également dans l'ordre ou dans le défordre: fe confervant, s'il le faut; fe détruifant, s'il le faut encore; toujours entiere, toujours également bien, soit dans fes organisations, foit dans fes ruines.

Mais nous devons dire ici que ce fyftême, comme tous les autres faits par les anciens Philofophes, pourroit être corrigé, & devenir moins choquant. On pourroit dire qu'il a plu à Dieu d'attacher aux différentes parcelles de la Matiere cette vitalité vague qui cherche à s'unir à d'autres parties, & à s'organifer, felon des plans tracés dans la nature même des élémens. Cette idée reviendroit à peu près aux natures plastiques que quelques Modernes ont cru pouvoir admettre, & concilier avec le dogme'de la Providence (1).

(1) Voyez troisieme Époque, art. Cudworth,

SECTION IV.

LES MECHANICIEN S.

ARTICLE I.

Leucippe & Epicure.

OU LES ATOMES SE MOUVANT DANS LE VUIDE.

LEUCIPPE d'Élée, ou, felon quelquesautres, d'Abdere, difciple des Éléatiques, & en particulier du fophifte Zénon, excédé des fubtilités de fes maîtres, dont on a vu un échantillon ci-dessus (1), ne fe contenta pas de les abandonner; il prit par-tout le contre-pied de leurs idées. Ils avoient paru anéantir la Matiere, pour ne laiffer l'existence qu'aux chofes intelligibles; il anéantit les chofes intelligibles, pour ne laiffer fubfifter que la Matiere. Ils ne reconnoiffoient qu'un Être; il en voulut (1) Pag, 231,

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