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❤mêmes raifons, cette enceinte lumineuse

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qu'on appelle ciel, s'étendit autour de » nous, & forma ensuite, dans elle-même, tous les aftres. Ces corpufcules fubtils, » donnant par leur mouvement continuel ≫ vers la circonférence, à l'air qu'ils tra→ verfoient une forte impulfion, en firent » un courant rapide. Ce courant embrassa les aftres, les emporta, fans leur faire quitter leur fphere, & détermina ces >>cours périodiques, qui confervent en» core aujourd'hui leur premiere détermi"nation. Ainfi la Terre & l'Eau furent for» mées des parties groffieres; le Feu & le » Ciel, des parties fubtiles ». Tel eft le précis que Plutarque nous a donné de la Cofmogonie des anciens Atomiftes (1). On peut voir les paroles d'Épicure même dans fa Lettre à Hérodote, que nous avons traduite en partie dans la Morale d'Épicure (2).

Lorsqu'il étoit question de renverser un

(1) De Plac. 1.

(2) Chez Saillant, Li- Beauvais,

braire, rue S. Jean-de

A T

est

pareil édifice, on sent bien qu'il n'étoit pas befoin de grands efforts: il fuffifoit de faire quelques questions aux Epicuriens: de leur demander, par exemple, fi la pesanteur par elle-même une caufe fuffifante de mouvement dans un vide infini: s'ils concevoient aucun mouvement fans direction; & s'il pouvoit y avoir aucune direction dans un vide infini, où il n'y a ni centre naturel, ni centre ordonné; en un mot, pourquoi les atomes fe mouvoient vers le haut, plutôt que vers le bas, ou autrement.

On pouvoit leur demander en fecond lieu, comment s'étoit pû former aucun amas d'atomes, fans qu'il y eût des rencontres; comment il pouvoit y avoir eu des rencontres, fans qu'il y eût inégalité de mouvement; & quelle inégalité de mouvement il pouvoit y avoir dans un efpace qui cédoit également à tout ce qui fe mouvoit?

On pouvoit leur demander encore, pourquoi ces atomes s'étoient arrêtés à la cir

conférence d'un Monde, & qu'ils n'avoient pas poursuivi leur route dans l'infini, &c.

On ne parle point de quantité d'autres abfurdités palpables dans les détails. Comment pouvoient-ils faire croire au genre humain que les yeux n'ont point été faits pour voir, ni les oreilles pour entendre, ni les dents pour broyer les alimens? que deux atomes, qui ne vivent ni ne fentent, pouvoient commencer à vivre & à fentir par leur contact réciproque? Straton du moins avoit des atomes vivans, doués d'un mouvement fpontanée, d'une forte de fentiment fourd, dont on pouvoit tirer quelque parti pour les efpeces animées : mais Epicure a eu peur même de cette vitalité. N'ayant pour objet unique que d'afsurer à fes difciples une tranquillité abfolue dans tous les états poffibles de l'homme, il a craint qu'ils n'entreviffent quelque fujet d'allarme dans des atomes dont la vie auroit été indestructible. Qui fait fi à cette vie il n'auroit point tenu quelque dégré de fenfibilité? Il étoit plus für & plut net

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de rendre purement méchanique la com pofition du Monde & de fes parties, malgré l'absurdité qu'il y avoit de tirer du hafard & du méchanifme feul la raison, la fageffe, le fentiment & la vie.

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ARTICLE II.

Anaxagore de Clazomene.

OU LES ATOMES REVÊTUS DE QUALITÉS, ET MUS PAR UNE INTELLIGENCE INFINIE.

Nous plaçons ici Anaxagore, tout ancien qu'il eft par rapport à presque tous les autres Philofophes dont nous nous fommes occupés jufqu'ici, parceque fon fyftême femble être une correction des leurs. On y verra beaucoup de leurs idées, mais avec un arrangement fi différent, qu'il paroîtra un édifice régulier en comparaifon des autres, qui ne font que des ébauches ou des deffeins informes.

Il est le premier qui ait prononcé nettement que l'Intelligence étoit féparée de

toute matiere, & qui, laiffant à celle-ci une inertie complette, ait placé dans l'au tre le principe non-feulement de l'ordre, mais de tout mouvement (1). Athenes frap pée d'admiration, éleva deux autels en fon honneur, l'un à l'Intelligence, l'autre à la Vérité (2) mais le dogme du philofophe n'étoit pas encore mûr pour la Philofophie : celle-ci ne pouvoit y revenir qu'après de longs efforts & de longues erreurs.

Voici le premier raisonnement que fit Ana xagore, & qui servit de base à son systême. La Nature refte conftamment la même dans chacune de fes efpeces fondamentales : donc elle eft conftamment la même dans fes élémens fondamentaux, Car fi fes élémens étoient corruptibles, le temps, qui détruit tout, les détruiroit peu à peu, & les efpeces difparoîtroient. Les efpeces se confervent, le feu, l'eau, &c; donc le feu, l'eau, l'air, la terre, l'éther, les fels, les huiles, les métaux, &c, font ce qu'ils font

(1) Arift. de An. 1. 2. (2) Elian. 1. cap. ule 620. D.

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