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lier dans fon imagination, résolut des trois de n'en faire qu'une.

Il se représenta la Divinité comme une fubftance unique & fimple, conftituant le lieu de l'Univers, le rempliffant par sa propre nature, le variant par fes formes.

D'après les phénomenes qui fe renou vellent chaque jour, il ne put fe dispenser de fuppofer dans cette fubftance unique, un principe productif de toutes les formes; & d'après les mêmes phénomenes, il réduifit ces formes à deux efpeces générales, l'étendue matérielle & la penfée; l'une formant le corps, & l'autre l'efprit.

Une fuite néceffaire de modifications naiffant les unes des autres de moment en moment, de fiecle en fiecle, tombent, & fe renouvellent fans ceffe, fur un fond de fubftance conftamment le même, qui est ici terre, là foleil, ici intelligence, là inftinct aveugle, ici plante, là rocher, par la feule différence des formes, qui femblent s'élever fur la fubftance, ou rentrer dans fon fein, comme les flots dans le fein de

l'Océan. En un mot, Dieu, felon Spinofa, n'eft qu'un cours éternel de nature, qui prenant toutes les formes qui font poffibles, fucceffivement, ou à la fois ; entraîne dans le paffé, par fa pente néceffaire, ou par fa force invincible, tous les inftans de l'avenir, & avec eux tous les êtres exiftans, à mesure qu'ils arrivent à l'existence; préparant fans ceffe par la deftruction de ceux qui exiftent, la naissance de ceux qui doivent le remplacer ; & le tout, fans connoiffance, fans volonté, fans liberté, fans activité, fans deffein; ou s'il connoît,. fon intelligence n'est que la glace d'un miroir qui feroit animé; s'il veut, fa volonté n'est qu'un acquiefcement de spontanéité; s'il est libre, fon choix n'est qu'un poids qui l'emporte; s'il agit, fon action n'eft qu'une fecouffe convulfive; s'il arrange, fes combinaifons ne font que des coups de dez. On voit affez où nous menent ces principes.

On a voulu les réfuter par le danger & l'abfurdité des conféquences. Mais il falloit commencer par réfuter d'abord les prin

cipes mêmes. Vous ne pouvez croire, auroit dit Spinofa, que votre ame, votre corps, votre vêtement, le pain que vous mangez, l'air que vous refpirez; que la fange eft la même fübftance effentielle que l'efprit qui raisonne; en un mot, vous ne pouvez croire que Dieu même foit le principe, la cause, l'instrument & le fujet de tout ce qui fe fait dans l'Univers, bien ou mal. Mais fi les principes que j'ai établis font vrais, & que les conféquences que j'ai tirées en foient bien déduites, ce n'est plus à moi qu'il faut vous en prendre.

Auffi eft-ce par les principes qu'on arrête l'auteur, comme tous les autres faiseurs de fyftêmes abfurdes. On lui demande de s'expliquer lui-même, s'il le peut. A-t-il une idée claire & diftincte de ce qu'on appelle fubstance? En connoît-il la nature, l'effence, les propriétés ? A-t-il compris ce que c'eft qu'une fubftance infinie & fimple, qui est tout, & qui eft une? Peut-il concilier dans fon efprit l'unité rigoureuse avec la multiplicité, avec les diftinctions &

les divifions réelles des êtres? S'il eft vrai que ces idées manquent abfolument à Spinofa, comme à tous les hommes, il est évident qu'il a conclu de l'inconnu au connu, & que par conféquent fon raisonnement fondamental eft nul. Qu'après cela on revienne aux conféquences d'un fyftême si mal prouvé, la réfutation eft complette.

Quelques Modernes ont prétendu que ce fyftême n'étoit que l'unité d'Orphée, ou celle des Éléatiques développée. Mais qui peut fe flatter de favoir quels étoient les développemens des opinions d'Orphée, ou des Philofophes d'Élée? On les imagine d'après ceux de Spinofa; & enfuite on dit que Spinofa reffemble à Orphée. C'est affez la méthode de ceux qui prétendent retrouver dans les Anciens tout ce qui a été dit par les Modernes : un mot leur fuffit & leur donne la clé de tous les détails. Timée a connu l'électricité; donc il en a fait un reffort univerfel. Pythagore a parlé des monades; c'étoit la Théodicée de Leibnitz. Il a fait des calculs aftronomiques : il

prévenoit Newton. Platon dit que les êtres fe formoient du néant, ou du rien: donc il a connu la création. Il a dit que dans la Matiere il y avoit un vice de nature, dont l'efpece humaine fe reffent : donc il a reconnu le péché originel.... Les Anciens ont fans doute fait beaucoup de découver tes dans la Métaphyfique & dans les autres parties qui ne demandent que du génie & de la fagacité; peut-être même ont-ils été plus loin que nous: mais pour ftatuer dans cette cause, il faudroit non-feulement avoir leurs véritables textes, mais encore être bien für de les entendre comme eux; fans cela il est très-prudent de s'abstenir de comparer & de juger.

Leibnitz, justement mécontent de tout ce qu'il avoit vu chez les Anciens & chez les Modernes, fit un effort de génie pour s'élever au deffus de toutes les productions de l'efprit humain fur cette matiere, & expliquer une bonne fois toutes les difficultés.

On avoit cru jufqu'à lui que ce qui

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