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qui s'obstinent à croire que les prêtres intéreffés cachèrent foigneufement la vérité, de crainte que le facerdoce ne tombât avec les facrifices.

Mais n'étoit-il pas aifé aux prêtres de concilier leur intérêt, même avec le systême d'Evhémere? Ne pouvoient-ils pas dire qu'Ofiris étant vraiment un Dieu, & Ifis une Déeffe, on avoit dans l'antiquité, donné leurs noms à des rois fages & à des rei. nes vertueufes, pour honorer leurs vertus; & qu'ainfi la mort de ces rois & de ces reines n'étoit pas un préjugé contre la divinité des êtres dont ils portoient les noms? Ne pouvoient-ils pas dire que ces rois étoient les divinités mêmes des cieux, def. cendues dans des corps mortels, qu'elles avoient animés pendant un certain temps, après quoi elles étoient retournées dans le féjour célefte: ferus in cælum redeas? (1) Falloit-il même de l'art pour établir dans, l'efprit des peuples, naturellement portés à la fuperftition, la néceffité d'un culte, (1) Voyez Varburt. diff. 13.

qui,

reçu.

qui, quel qu'il fût, auroit toujours fuffi aux prêtres pour affurer leur état? Tous les autres peuples en avoient un: bêtes, bois, pierres, taillées ou brutes, tout avoit été Les prêtres Egyptiens auroient donc pu avouer que les Dieux qu'on adoroit avoient été des hommes, fans perdre leurs avantages. Qu'il y ait eu de l'hiftorique dans la Mythologie Egyptienne, qu'il y ait eu du physique, du moral; bien loin de nous en défendre, nous croyons que cela n'a pas befoin de preuve. Mais nous croyons en même-temps que fi le récit Egyptien s'adapte plus naturellement aux idées cofmologiques qu'à toutes les autres, on doit en conclure que les fymboles ont été inventés pour elles dans l'origine, & qu'ils n'ont été enfuite appliqués aux autres objets que par analogie. Venons aux autres explications.

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EXPLIC.

Platon, Pythagore, Xenocrate & Chryfippe ont pensé, d'après les anciens Théo- 360, D. logiens, que les récits touchant Ofiris, Ifis & Typhon ne regardoient ni les Dieux, ni E

III. EXPLIC. 863. D.

I V. EXPLIC. 864. A.

les hommes, mais les Démons, qui font des fubftances intermédiaires entre les Dieux

& les hommes, & dont les uns, comme Ofiris & Ifis, font bons; & les autres, comme Typhon, font mauvais.

Il y a une troisieme explication encore plus fimple: c'est de dire que comme chez les Grecs Saturne eft le temps, Junon l'air, Vulcain le feu; de même, chez les Egyptiens, Ofiris eft le Nil, qui a commerce avec la Terre; & que Typhon eft la Mer, dans laquelle le Nil fe jette & fe perd.

Il y en a une quatrieme, donnée par les prêtres les plus favans, & qui n'eft qu'une extenfion de la troifieme. Ils entendent par Ofiris, non-feulement le fleuve du Nil, mais en général toute vertu ou principe d'humidité; parcequ'ils prétendent que l'eau eft le principe matériel de toute génération; que c'eft ce même principe qu'Homere a appelé Océan, & que Thalès a regardé enfuite comme le principe univerfel; que par oppofition, Typhon est

tout principe de féchereffe & de ftérilité, contraire au principe de fécondité.

EXPLIC.

Enfin il y en a qui croient que tout ce V: récit fabuleux ne défigne que les éclip-368. D. fes.

VI. EXPLIC

Après toutes ces explications, Plutarque arrive à la fienne, qui contient le dévelop- 369. 4. pement des Caufes, telles qu'elles ont été connues des Sages, chez toutes les Nations. « Il ne faut pas, dit-il, s'imaginer que les principes de l'Univers foient des corps inanimés, comme l'ont penfé Démocrite & Epicure; ni qu'une matiere fans qualité foit ordonnée & organifée par une feule Raifon ou Providence, maîtreffe de toutes chofes, comme l'ont dit les Stoïciens. Car il n'eft pas poffible qu'un feul être, bon ou mauvais, foit la caufe de tout, Dieu ne pouvant être la caufe d'aucun mal. L'harmonie de ce Monde eft une combinaifon de, contraires, comme les cordes d'une lyre, ou la corde d'un arc, qui fe tend & fe détend: Jamais, à dit le poëte Euripide, le bien du mal n'eft féparé

L'un eft toujours par l'autre tempéré, Afin qué tout au Monde en aille mieux. Am. Or cette opinion des deux principes eft, dit toujours Plutarque, de toute antiquité. Elle a paffé des Théologiens & des Légiflateurs aux Poëtes & aux Philofophe. L'Auteur n'en eft point connu ; mais l'opinion elle-même eft conftatée par les traditions du genre humain : elle eft confacrée par les mysteres & par les facrifices, chez les Grecs & chez les Barbares: tellement qu'on ne peut dire ni que l'Univers flotte au hafard, fans intelligence & fans guide; ni qu'il y ait en lui une Raison unique qui tienne les rênes & dirige le timon; mais qu'il y a plufieurs principes, & que de leur contrariété naît le mêlange du bien & du mal. Car la Nature ne produit rien ici bas qui foit fans ce mêlange. On ne peut pas dire que c'eft un feul difpenfateur qui puise les événemens, comme une liqueur, dans deux tonneaux, pour les mêler enfemble & nous en faire boire la mixtion. Il faut donc que ce foient deux caufes con

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