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parlons ne fe feront point obftinés à vouloir pénétrer dans l'intérieur de ces petites chimeres; qu'ils auront aifément confenti à ces petites réserves de l'amour-propre Egyptien; qu'ils auront même feint de les respecter, pour obtenir plus facilement des Ouvertures fur les objets importans, tels que l'origine du Monde & fon premier état, les révolutions arrivées dans le globe terreftre, la nature & le nombre des Dieux, leur providence & leur influence dans les chofes humaines, les lois & l'art de gouverner les peuples, &c. Et eft-il hors de doute que für ces articles les Egyptiens auront répondu ce qu'ils favoient, parcequ'il étoit de leur intérêt de paroître inftruits? D'où je conclus que Plutarque a pu, ainfi que d'autres Philofophes, connoître la vraie penfée des Egyptiens de fon temps, & que fon explication a rendu le fond & l'efprit de leur fyftême fur les Causes premieres.

En deux mots, voici le cercle des idées Egyptiennes. Les deux notions de Dieu &

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de la Matiere, identifiées avec Kneph & Athyr, ou la lumiere & les ténebres, ou le jour & la nuit, devinrent le soleil & la lune (1). On obferva dans la course annuelle du foleil, & dans les mois de la lune, les points de départ, les milieux, les divifions, qui eurent leurs rapports avec l'année rustique, civile & religieufe, & qui furent marquées par des annonces. Ces annonces furent exprimées par des images différentes, la plupart humaines, dont les noms devinrent peu à peu, dans l'efprit du peuple, des noms de personnages différens. Le foleil fut, felon fes différentes positions ou fes rapports, Ofiris, Ammon, Orus, Harpocrate, Hercule, Serapis, Mendès, Vulcain, &c. (2) La lune, de fon côté, fut Ifis, Bubaftis, Thermutis, Athyri, Io, Byto, ou Léto (3), felon fes degrés d'accroiffement & de décroissement. Chacun de ces noms forma fa notion, eut fes attributs,

(1) Diod. Sic. 1. p. 10. Eufeb. Prep. Ev. 3. 4. Sext. Emp. 5. adv. Mat.

(2) Macrob. Sat. 1. 18.

Porph. Epist, ad Anebon.
Procl. in Tim. 1. p. 33..
Vid. Jabl. L. 2.

(3) Vid. Jabl. L. 3.

fes rapports de paternité, de filiation, d'influence magique fur les peuples & fur les particuliers. Les Prêtres aiderent au fanatisme, qui étendoit leur crédit. Les Princes ne s'y opposferent pas, par la même raifon. Parmi les annonces des fêtes, il y avoit des animaux figurés, qu'on prit pour les types ou représentans de la Divinité. Le taureau repréfenta le foleil ; la vache, Ifis; l'épervier, Ofiris; le chat, Diane. Des types inanimés, on paffa aux types vivans; les animaux devinrent eux-mêmes des objets de vénération (1). Les Grecs & les Romains rioient. Cependant la ftupidité de leur culte descendoit encore plus bas au moins d'un degré, puifqu'ils adoroient la pierre & le bois.

Il vint un temps, un fiecle environ avant Alexandre, où la Philofophie commença à faire retourner les Egyptiens fur leurs pas. La divinité fur ôtée aux animaux >

(1) Il eft poffible encore que la figure de ces animaux fervît de banniere ou d'étendart aux diffé

rens nomes ou peuples de l'Egypte, lorfqu'ils fe réuniffoient, foit dans les fêtes, foit dans les armées.

qu'on réduifit à la fimple qualité de fymboles. Les annonces myftiques des fêtes ayant perdu leur fens primitif, ne furent plus que de vaines images, fans fignification & fans conféquence. Les différens noms du foleil & de la lune ne furent plus que les expreffions de leurs différens rapports. Les germes de cette révolution étoient restés au fond des idées antiques, où l'unité étoit dominante. Les étrangers devenus les maîtres, étant plus portés à rire des bifarreries du culte Egyptien qu'à les respecter, acheverent de déchirer le voile. Tout ce vafte édifice, de fables, d'allégories, de fymboles, s'évanouit comme un vain enchantement qu'il étoit ; & les prêtres, forcés par la vérité même & par l'unanimité des fuffrages réunis contre eux, n'eurent d'autre parti à prendre que d'aider eux-mêmes à la révolution, & d'aller au devant des réformes que la raifon & le bon fens leur propofoient.

SECTION II.

ĮDÉES DES ANCIENS GRECS SUR LES CAUSES, PREmieres.

ARTICLE I.

Idées des Grecs à l'arrivée des
Colonies.

Nous voici tranfportés fous un ciel nouveau, dans une terre fertile en génies vi goureux & inventifs, qui ont effayé leurs forces de toutes les manieres fur la nature & l'activité des premieres Caufes. Il feroic naturel d'attendre ici des choses neuves. Mais il en eft des penfées des hommes comme de leurs paffions. Dans tous les lieux du monde, chez tous les peuples, l'ambition, Pavarice, la vengeance, ont eu à peu près les mêmes refforts & les mêmes effets. Pour qui ne cherche ni les dates, ni les noms, l'histoire d'un fiecle est l'histoire de tous

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