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QUAN

On pourroit demander ce qui eft cause de ce tranf port: mais ce feroit fortir de la question, dont le but n'eft pas d'expliquer les caufes du mouvement des corps, mais feulement d'en connoître la nature, c'est à dire, de trouver une définition, qui puisse convenir à toutes les manieres de fe mouvoir, que nous connoiffons dans les corps.

Je pense que l'on accordera aifément celle que j'ay apportée du Repos, & confequemment celle du Mouvement, puisqu'elle est tirée suivant une regle toûjours infaillible.

Il reste donc à faire voir que cette définition convient à tous les mouvemens, qui nous font connus.

Quelques perfonnes, en avoüant qu'elle eft tres propre à expliquer ce changement, auquel on donne le nom de mouvement local, difent qu'elle ne peut convenir qu'à celuy-là, & qu'elle ne peut s'appliquer à ces changemens de la quantité, qu'on appelle accroiffemens ou décroiffemens; à ceux de la qualité, qu'on appelle alterations; & à ceux de la forme, qu'on appelle generation, ou corruption. Mais, fi je montre que tous ces changemens n'arrivent que par le mouvement, auquel on avoue que ma définition convient, il s'enfuivra qu'elle convient à tous les mouvemens, qui nous font connus.

Quant aux changemens de la quantité, fi une masse TITE'. augmente, n'eft ce pas que de nouveaux corps se joignent à ceux qui composent déja la quantité de cette maffe? Si elle diminue, n'eft ce pas que quelques-uns de ces corps en sont séparez? Et peuvent-ils être ajoû

tez ou féparez fans ce mouvement local, que nôtre définition explique fi bien ?

Qu'un morceau de terre, qui étoit déja proche d'une pierre, foit tellement remué par la chaleur du foleil, ou par d'autres caufes, que ce qu'il y aura de plus humide, en exhale, & que ce qu'il y aura de parties plus folides, s'embaraffent de forte par leurs figures irregulieres, & fe ferrent tellement les unes contre les autres, qu'enfin il paroiffe dans un état tout à fait semblable au reste de cette pierre. Il est certain que cette exhalaifon de quelques parties, & ce rapprochement de quelques autres, n'eft qu'un mouvement local; & qu'ainfi cette augmentation de quantité, qui s'appelle communement Juxta-pofition, peut être expliquée par nôtre définition.

Pour cette autre augmentation, qui se fait par Intuffufception, elle ne differe en rien de l'autre, finon' qu'en la premiere les parties qui s'accumulent, font jointes par les extrémitez aux parties de la masse qui accroît; & dans la feconde efpece ces parties qui arrivent de nouveau, gliffent entre les moindres efpaces, que font entre elles les parties de cette maffe, jufqu'à ce qu'elles ayent trouvé des endroits un peu plus. étroits, qu'il ne faudroit pour les admettre. De forte que, faifant effort pour y paffer, elles font souvent dans un mouvement affez puiffant, pour s'y faire entrée. Mais, fouvent auffi ce mouvement n'étant affez fort pour les faire paffer outre, elles y demeurent engagées, & accroissent ainsi la masse.

pas

Comme il arriveroit à une fleche, qui feroit lan

cée dans un faisseau fait de plufieurs autres: on fçait que quelque étroite que fut leur union, il y auroit toûjours des efpaces entre elles, où cette fleche s'introduiroit; & qu'encore qu'elle eût affez de force,pour: les écarter un peu les unes des autres, elle pourroit auffi, aprés avoir perdu tout fon mouvement par cet effort, demeurer engagée entre les autres, & accroître ainfi le faiffeau, qui pourroit augmenter d'autant de fleches, qu'on en pourroit tirer entre celles qui le compofent.

Il en arrive de même aux Plantes, qui ne prennent de nourriture, que parce que la chaleur du foleil faifant mouvoir dans les entrailles de la terre dif ferens fucs (c'est à dire differentes petites particules, dont les figures font diverfes) il les éleve enfin, & les fait couler par une infinité de petits conduits, dans lefquels ces particules venant à rencontrer quelques grains de femences, dont les pores font approchans de leur figure, elles s'y donnent entrée, parce qu'il· leur eft plus commode de continuer ainfi leur mouvement en ligne droite; & ayant confommé une partie de leur impetuofité à s'en faire l'ouverture, elles demeurent engagées, pour en augmenter la subftance.

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Que fi elles confervent affez de mouvement pour paffer outre, elles ne fervent de rien à la nourriture. D'où vient que trop de chaleur, donnant trop de mouvement à ces particules, fait fecher les femences dans le fein d'une terre, qui les feroit germer, fi elle étoit moins échauffée. Et même un trop grand mou

vement peut être cause que des particules plus groffes que celles qui doivent fervir d'aliment à certaine plante, s'y frayent des paffages, qui ruïnant la figure & l'arrangement des pores de cette plante, la mettent en état de ne pouvoir plus retenir celles qui luy feroient propres. Comme au contraire, le défaut de mouvement peut faire qu'aucun fuc ne puiffe avoir affez de force, pour s'introduire dans les femences, qu'il pourroit augmenter; & qu'ainfi elles deviennent inutiles.

De là encore on peut conjecturer que tous les petits fucs n'ayant pas des figures femblables, tous ne font pas propres à s'infinuer dans toutes sortes de femences; mais que chacun, après avoir heurté vainement contre celles où il ne peut entrer, peut enfin être emporté en des endroits où il rencontre des femences, dont les pores foient affez ajustez à sa figure, pour l'arrêter. De forte que la mefme terre en peut contenir à la fois, & le même foleil en peut émouvoir en même temps affez de differens, pour nourrir une plante, dont le jus fera mortel, tout proche d'une autre, qui pourra fervir d'antidote à ce poison: étant certain que jamais l'une ne recevra ce qui fera propre à la nourriture de l'autre ; par la même raifon que deux cribles diversement percez, n'admettront jamais que les grains, qui feront proportionnez à la figure de leurs trous.

TE.

Quant aux changemens de qualité, qu'on appelle QUALI alterations, il eft facile de faire voir qu'ils arrivent tous par ce mouvement, auquel nôtre définition se raporte.

Pour cela, il faut d'abord examiner ce qu'on entend par le mot d'alteration.

On entend, fans doute par ce mot, tous les changemens qui peuvent arriver en un corps compofé de plufieurs parties, fans augmenter ou diminuer fa maffe, & fans détruire cette conftitution de parties, en laquelle on fait confifter fa nature particuliere; c'est à dire, ce qui le rend different des autres corps.

Je dis fans augmenter ni diminuer fa masse, parce que cette sorte de changement est de quantité, comme nous l'avons déja remarqué.

J'ajoûte que l'alteration ne doit poit détruire dans le corps, auquel elle arrive, cette conftitution particuliere de parties, qui fait toute fa nature, & le rend different des autres corps; parce que ce grand & dernier changement regarde la forme, dont nous devons parler dans l'article fuivant.

:

Cela pofé, je dis que l'alteration ne peut arriver fans mouvement local car un corps compofé de plufieurs parties, n'étant ce qu'il eft, que par la conftruction de fes parties, il ne peut recevoir de changement, que par ses parties.

Or il eft conftant que, fi les moindres de fes parties demeurent toûjours en même fituation, fans s'éloigner, fans s'approcher, fans paffer les unes dans les autres, & fans en admettre d'autres entr'elles; il est constant, dis-je, qu'il n'arrivera point de changement, & que tant que ce repos de toutes les parties d'un corps durera, on pourra affurer qu'il eft toûjours de même, c'est à dire, qu'il n'est point alteré,

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