Imágenes de páginas
PDF
EPUB

garder. De forte qu'il n'y a rien de fi propre à entretenir le mouvement dans toutes fortes de matieres, que la plus fubtile liqueur, c'eft-à-dire, celle qui n'eft compofée que des corps fimples, qui coulent les uns entre les autres, fans s'attacher. Ainfi, quand on ne veut point chercher au-delà des corps, quelle eft la première caufe de leur mouvement; & que l'on veut feulement fçavoir quelle est la matiere, qui excite toutes les autres, & qui entretient tout le mouvement de la nature, il faut affigner celle-là.

Je pense maintenant que ce que j'ay dit, pour expliquer les mouvemens de la Montre, ne fera pas difficile à admettre. Nous avons bien entendu celuy de l'aiguille par celuy d'une rouë, celuy de cette rouë par une autre, & de toutes par la corde; tant qu'enfin, parvenus à cette lame d'acier pliée, nous avons reconnu, que le mouvement qu'elle avoit, en se redressant, devant proceder de quelque corps, ne pouvoit provenir que de quelques corps affez dé liez pour traverfer fes pores, & affez émûs pour les élargir en celle de fes deux fuperficies, où l'effort, qu'on avoit fait pour la plier, les avoit contraints. Sur quoy il eft bon de remarquer, que ces petits corps tendent toûjours à continuer leur mouvement en ligne droite, & que la contraction de la lame en la fuperficie concave, interrompt cette ligne.

Il feroit inutile icy de montrer, que tout mouvement tend à continuer en ligne droite : car, outre que chacun en fçait les raifons, l'experience de tous les mouvemens des corps fenfibles nous convainc

de

de cette verité. La pierre, qui s'échape de la fronde, que l'on tourne en rond, & les parties qui s'échapent d'une rouë, qui tourne avec effort, le font affez voir. Mais il n'eft pas hors de propos de remarquer que, quand j'affigne le mouvement de la Montre à une matiere, dont les parties font tres-fubtiles, toûjours émûës, & tendantes en lignes droites, je ne dis rien, qui ne foit tres-intelligible, qui ne foit reconnu par experience, & même qui ne foit neceffairement vray.

[ocr errors]

Il eft bon auffi de faire encore une feconde remarque, qui eft que la Montre a tant de rapport à cette matiere fubtile, que, s'il étoit poffible de l'em, pêcher de couler dans les pores de la lame d'acier, il n'y auroit plus de reffort; & la Montre resteroit fans mouvement.

Voyons maintenant, s'il est ainsi des mouvemens de notre corps.

... Comme je fuppofe que l'on fçait quelle en eft la compofition, je ne m'arrêteray point à expliquer, comment les os, qui font d'une conftitution plus folide que le refte du corps, foûtiennent toutes les autres parties; pourquoy ils font diversement, articulez, quels en font les liens, & les enveloppes; de quelle chair ils font entourez; de quelle façon les muscles s'attachant à leurs extrémitez, fervent à les tirer en divers fens quelle communication ces mufcles ont avec le cerveau par les nerfs, qui ne font que des fuites & des alongemens du cerveau même; comment ces nerfs font quelquefois pleins, & quel

G

quefois vuides des efprits, qui y font coulez du cer veau; comment les efprits, qui ne font que les plus fubtiles parties du fang, & les plus échauffées, montent du cœur dans le cerveau par les arteres carotides; ni enfin, que c'eft dans le cœur que le fang s'échauffe, & qu'il est en l'homme ce que le reffort eft dans la Montre.

Mais il me semble que, comme on ne fçait pas communément quelle eft la caufe du reffort de la Montre, on ne fçait pas auffi fort communément, quelle eft la caufe de ce grand mouvement, qui arrive aux parties du fang, quand il eft dans le

cœur.

Pour moy, je penfe, que la même matiere, qui caufe le reffort de la Montre, caufe auffi le mou vement du cœur.

J'ay déja montré, ce me femble, que la matiere fubtile eft caufe de tous les mouvemens, que nous voyons dans les masses, ou dans les liqueurs sensibles.

Maintenant il faut remarquer, que cette matiere fubtile fe rencontre en deux fortes d'états. Ou elle fait corps à part, c'est-à-dire, qu'elle fe trouve en quelque quantité, fans mélange d'aucune matiere plus groffiere; ou bien elle fe trouve mêlée avec les parties des matieres groffieres.

Dans le premier état, elle eft caufe de cet éclat, que nous appellons lumiere; & en effet, nous voyons que toutes les manieres de produire la lumiere aux endroits où il n'en paroît point, ne consiste qu'à

trouver les moyens de féparer les matieres groffieres, & de faire, en les écartant les unes des autres, un foyer de la matiere la plus subtile. Ainfi, lors qu'à l'aide d'un miroir ardent, on affemble plufieurs rayons vers un même point, les parties qui les compofent,étant fort émûës, tendent fortement à fe chaffer de l'endroit où elles fe rencontrent; enforte qu'il se remplit de la matiere la plus fubtile, qui formant un petit tourbillon, pouffe toute la matière qui l'environne, & recontrant celles dont les parties peuvent émouvoir nos yeux, excite en nous par leur moyen le fentiment de la lumiere.

De même, lors qu'on frappe deux cailloux l'un contre l'autre, leurs parties étant fort roides, celles qui fe rencontrent en leur fuperficie à l'endroit du coup, fe rabattent avec effort fur celles qui font au deffous, d'où elles rejalliffent avec une telle violence, que fe féparant en petits éclats, & piroüettant en l'air, elles en écartent les parties; enforte que n'étant plus entourées que de la plus fubtile matière, toutes leurs extrémitez en font fi ébranlées, que rencontrant cette matiere, qui nous fait fentir la lumiere, elles la pouffent contre nos yeux d'une façon fi forte, qu'elle nous fait voir quelque chofe de plus rouge & de plus vif que la lumiere ordinaire. Et ces parties du caillou, ainfi excitées par la matiere fubtile qui les entoure, peuvent, en communiquant leur mouvement aux maffes, aufquelles elles font appli quées, caufer de grands embrafemens.

Que fi cette matiere fubtile coule dans les pores

de quelque maffe, qu'elle difcute en fi petites parties, que chacune d'elles n'ait pas affez de force, pour communiquer fon mouvement aux parties des masses voisines; mais feulement aux parties de la matiere, qui peut exciter les nerfs de nos yeux, elle pourra caufer de la lumiere, fans brûler: comme il arrive au bois pourri, dont les parties amenuifées par cette matiere fubtile, n'ont pas la force d'ébranler ·les corps aufquels elles s'appliquent, quoy qu'elles puiffent émouvoir les particules qui excitent le fentiment de lumiere en nous: d'où vient qu'elles ne brûlent pas, quoyque fouvent elles luisent.

Mais au contraire, il y a des feux qui confument fans briller; & c'eft l'effet de la matiere fubtile, confiderée dans le fecond état, c'est-à-dire, quand elle eft mêlée aux parties des matieres groffieres.

Quelquefois elle fait une fi grande difcuffion dans certaines masses, par exemple, dans des fruits, ou de la chair; que (quoyqu'en les touchant on ne les fente pas chaudes, parce que leurs parties font trop divifées, pour rendre leur mouvement fenfible) néanmoins on les voit fe quitter; & c'cft ce qu'on appelle gangrene, ou pourriture.

Quelquefois, en verfant certaines liqueurs fur certaines masses, elles s'infinuënt dans leurs pores: mais, comme elles ne les rempliffent pas exactement, & que les parties de l'air, ni des autres matieres environnantes, n'y peuvent couler avec elles ; il s'y coule de la matiere fubtile, qui les entourant de toutes pats,leur communique un fi grand mouvement,

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »