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le fouhaite, il arrive que ce qui mouvoit déja ce corps, vient à le mouvoir du côté vers lequel cette ame veut qu'il foit mû. Et il faut avouer que c'eft une façon commode de s'expliquer dans l'ordinaire, que de dire qu'une ame meut un corps, & qu'un corps en meut un autre; parce que, comme on ne cherche pas toûjours l'origine des choses, il est souvent plus raifonnable, fuivant ce qui a déja été remarqué, d'alleguer l'occafion, que la cause d'un tel effet.

Aprés avoir tâché de répondre à ceux, qui difent; que nos efprits peuvent mouvoir nos corps par leur feule volonté, je dois répondre à ceux qui, paffant d'une extrémité à l'autre, doutent qu'il y ait aucun efprit, qui puiffe mouvoir les fa feule vo

lonté.

corps par

Cette erreur vient, à mon avis, de ce que souvent nous voulons plus que nous ne pouvons ; &, comme nous ne faisons rien, que par le fecours d'une puiffance qui n'est point de nous, nous panchons toûjours à croire que toute volonté est impuissante d'elle-même, ou (ce qui eft la même chose) que que tout esprit, outre fa volonté, a besoin de quelque puiffance, pour. operer ce qu'il desire.

Ainfi, la coûtume que nous avons de juger de tout par ce que nous éprouvons en nous-mêmes, fait qu'encore que nous reconnoiffions par des raisons évidentes, qu'un efprit doit faire mouvoir les corps; néanmoins, quand nous venons à conclure que c'cft par fa feule volonté, & à confiderer combien

la nôtre nous paroît foible en tout, nous ne pouvons croire, quel que foit cet efprit, que la sienne soit affez puiffante pour cela.

Mais, fi nous confiderons que ce défaut perpetuel de nôtre esprit ne vient que de ce qu'il n'est pas par luy-même, & que s'il étoit par luy-même, rien ne luy manqueroit, en forte que tout ce qu'il voudroit, feroit; nous connoîtrions aisément, qu'il y a un premier Esprit, qui étant par soy-même, n'a besoin que de fa volonté pour tout faire; & que rien ne luy manquant, dés qu'il veut que ce qui eft capable d'être mû, foit en mouvement, cela doit neceffairement arriver.

Nous nous perfuaderons affez aisément cette verité, fi nous faifons un peu de réfléxion fur les chofes, dont nous fommes déja convaincus. Premierement, nous fommes affurez en general que quelque efprit doit faire tout ce que le corps ne peut operer. En fecond lieu, nous fçavons, au fujet particulier du mouvement, qu'encore que le corps foit feul capable d'en recevoir l'effet, il n'en peut toutefois être la cause. Enfin, nôtre foibleffe nous apprend que ce n'est point nôtre efprit qui fait mouvoir. Que reftet-il donc? qu'un autre Efprit, à qui rien ne manque, le faffe, & qu'il le fasse par ía volonté.

Mais, dira quelqu'un, encore que nos efprits ne puiffent caufer le mouvement, s'enfuit-il qu'il faillerecourir au premier Efprit, pour en trouver la cause? Et ne pourroit-il pas y avoir un efprit entre ce premier & les nôtres, qui le pût caufer ?

Je répons que, fi cet efprit, de quelque ordre qu'on le veüille feindre, n'eft pas le premier, il n'est pas par luy-méme; & s'il n'eft pas par luy-méme,il n'a rien qui ne luy vienne d'ailleurs : de forte qu'il n'eft la veritable caufe de quoy que ce foit. Nous pourrions bien concevoir qu'un efprit auroit la direction de tous les mouvemens de cet Univers, comme nous l'avons de quelques-uns des mouvemens de nos corps: ce qui arrive feulement parce que la premiere puiffance les difpofe felon nos volontez. Cet efprit néanmoins, quelque excellent qu'il fût, ne produiroit aucuns mouvemens; & ce qui le rendroit d'un ordre fuperieur au nôtre, c'eft que la premiere puiffance difpoferoit plus de chofes felon la volonté de cet efprit, qu'elle n'en difpose selon la nôtre. Mais aucune de ces chofes ne feroit produite par luy; & fi l'on en vouloit trouver la veritable cause, il faudroit toûjours remonter à Dieu.

On a bien dit, quand on a dit qu'il s'étoit tellement enchassé dans les ouvrages, qu'on ne les peut confiderer, fans le connoître. En effet, on ne peut connoître la nature, fans avoir connu le mouvement; & vous voyez que nous n'avons pû connoître le mou vement, que nous n'ayons reconnu la divine puiffance qui le cause,

Nos fens nous faifoient affez voir que les corps pouvoient être mûs: mais nos raisonnemens nous ont appris qu'ils ne le pouvoient être par d'autres corps, ni par des ames foibles comme les nôtres ni même par aucun efprit créé, pour excellent qu'il

fût. Ainsi, nous fommes parvenus à ce premier Ef prit; & nous avons été obligez, non feulement d'avouer qu'il a commencé le mouvement, mais nous avons évidemment reconnu qu'il le continuë. Nous avons appris que fa feule puiffance en eft capable; & nous la devons admirer, fur tout en ce point, qu'ayant pofé des loix entre les corps, fuivant lefquelles elle les meut diversement, à cause de la diverfité de leurs rencontres, elle a auffi pofé entre nos ames & nos corps, des loix qu'elle ne viole jamais. Et tandis que ces corps.font conftituez d'une certaine façon, elle en dirige toûjours certains mouvemens felon nos defirs: ce qu'elle fait avec tant de promptitude, & fi conformément à nos volontez, que ceux qui précipitent leurs jugemens, croyent qu'ils ont opere d'eux-mêmes ce qu'ils ont fimplement defiré, parce que cette premiere puiffance l'a fait, dés l'inftant même qu'ils l'ont defiré.

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DE

L'UNION

DE L'ESPRIT

ET DU CORPS.

Et de la maniere, dont ils agiffent l'un
fur l'autre.

V. DISCOURS.

E merveilleux rapport de nos mouvemens & de nos pensées, me donne occafion de parler de l'union de nôtre corps & de nôtre ame, & de la maniere dont ils agullent l'un fur l'autre. Ce font deux choses, que l'on a toûjours admirées, fans les expliquer. Je n'ofe dire que j'en aye découvert le fecret: mais il me femble n'avoir plus rien à defirer sur ce point ; & quelques-uns de mes amis, à qui j'ay communiqué pluficurs fois mes pensées fur ce fujet, depuis fept ou

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