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mouvement, & que ce que je dis de chaque corps, s'accorde tout-à-fait bien avec cette idée.

Le troifiéme inconvenient, que je remarque en cette opinion, eft que fi l'on croit qu'un corps,étant une portion de matiere, fe doive divifer, dés que fes extrémitez feront mûës en divers fens, il s'enfuivra que quand des corps environnans le pousseront par differens endroits, & fuivant des lignes oppofées, ils le diviferont en autant de façons qu'il fera pouffe. Si bien que les parties, qui s'en fepareront, étant diversement repouffées contre celles qui luy restent, les fépareront jufqu'à l'indéfini (pour parler felon cette doctrine ) c'est à dire, que si ce n'est infiniment, du moins ce fera tant, que l'on ne pourra concevoir de bornes à cette divifion, qui continuera toûjours, fans que jamais on puiffe fixer, pour un seul moment, la grandeur d'un corps en mouvement: moins encore le pourra-t-on faire, fi l'on fuppofe que ce corps tourne fur fon propre centre, & qu'il foit quarré. Car fi l'un des angles tend vers le haut, l'autre tendra de neceffité vers le bas ; & tandis que celuy de deffus fera dirigé à droit, celuy de deffous fera dirigé à gauche : ainfi voilà dés le premier moment, le corps, que fes angles quitteront, en cinq piéces. Et, fi fon mouvement continuë, on voit qu'il ne fera pas un inftant fous la même figure, ni fous la même grandeur.

Que, fi pour éviter cette fâcheufe conclufion, l'on répond qu'il se rallie des parties, autant qu'il s'en divise, il est facile de voir qu'on retombe dans l'inconvenient,

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ET DE LA MATIERE. convenient, que l'on veut éviter: car, s'il eft vray qu'à tous momens des parties fe féparent, & se rallient, il n'y a pas un inftant, dans lequel aucun corps puiffe demeurer de même grandeur, ou de même figure. Ainfi cette opinion, qui n'est pas claire, quand on la propofe, ne peut fervir de rien en Physique, quand on la fuppofe, puis qu'elle ne peut expliquer ni le repos, ni le mouvement des corps, dont on fçait que dépend toute la Phyfique.

J'avoue ingenuement toutefois, que je n'ay jamais oüi mieux parler des sciences naturelles, qu'à ceux qui foûtiennent cette opinion. Mais il faut auffi qu'ils demeurent d'accord, que quand ils difent de si belles choses, ils ne la suivent pas ; & qu'aprés avoir bien foûtenu que tout corps eft divifible, ils fuppofent enfin que plusieurs ne se divisent point ac◄ tuellement durant certain temps. Ce qui ne peut être, fuivant leur principe : de forte qu'ils l'abandonnent, & font obligez de faire une fuppofition toute contraire, quand ils veulent rendre raifon de quelque chofe.

Or il me femble que, pour parler auffi intelligiblement dés les commencemens de la Physique, qu'ils font dans la fuite, ils n'auroient qu'à fuivre les principes que je propofe. Ils font intelligibles : on en peut déduire toutes les conclufions admirables, qui m'ont fait fuivre leur doctrine avec tant d'attache & de plaifir. D'ailleurs, ces principes ne font point nouveaux: auffi je ne pretends pas avoir rien trouvé de particulier. J'ay feulement fait un peu de

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réfléxion fur les notions, qu'on a des corps & de la matiere; & j'ay reconnu qu'on ne sçauroit concevoir les corps que comme des substances indivifibles, & la matiere que comme un amas de ces mêmes fub ftances: ce qui me femble n'avoir point été bien expliqué jusqu'icy, & fatisfaire tellement à tout, que je ne crois pas que l'on puiffe propofer aucune difficulté, que cela ne refolve, ni que l'on puisse jamais parler clairement en Phyfique fans cela.

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Pour derniere obfervation fur les notions, que nous avons des corps & de la matiere, j'ay remarqué que naturellement nous fommes portez à appeller Corps, ce qui nous femble indivifible, & Matiere ce qui fe peut divifer, fans rien détruire. Ainfi ce que nous nommons nôtre corps, eft en effet l'amas de cent millions de corps; en un mot c'est de la matiere; & cependant nous regardons cet affemblage de tant de corps, comme fi ce n'en étoit qu'un, parce que fes parties concourant toutes à mefme fin, font rangées entr'elles d'une maniere fi convenable à cette fin, qu'on ne les fçauroit diviser, fans rompre toute l'economie qui les y rend propres. Par la même raifon les Jurifconfultes appellent Corps dans le droit tout ce qui ne fe peut divifer, fans être détruit, con me un cheval, un efclave; & ils appellent quantité tout ce qui n'eft qu'un amas de chofes qui fubfiftent, fans dépendance les unes des autres, comme le bled, le vin, l'huile, &c. Enfin dans toutes les rencontres où l'on voit de la matiere, dont l'arrangement doit necessairement produire un certain effet, qui feroit

détruit, fi cet arrangement l'étoit par la divifion des parties de cette matiere, on luy donne le nom de Corps, parce qu'on la regarde comme indivisible. Au lieu que, quand on voit la matiere fimplement cntaffée, liquide, ou en maffe, & qu'elle fe peut divifer en plufieurs portions femblables les unes aux fans détruire aucun effet réfultant de leur arrangement, on luy laiffe le nom de matiere. Tant il eft vray que naturellement l'idée, que chacun a du corps, luy reprefente une chofe indivisible, & que l'idée de la matiere reprefente une chose sujette à être divifée.

autres,

Ainfi nous avons des preuves, & par les lumieres naturelles, & par les confequences, que les corps ne font pas divifibles. Par les lumieres naturelles; puifque chaque corps eft une même substance, il faut qu'il foit indivifible; & il ne faut point dire que l'on en peut concevoir le haut, fans en concevoir le bas : car encore que vous puiffiez penfer à une de fes extrémitez, fans penfer aux autres vous ne sçauriez concevoir qu'elle n'en ait qu'une, dés que vous la concevez étendue. Et bien loin de conclure qu'un corps foit divisible, parce qu'il a differentes extrémitez, vous conclurez que toutes ses extrémitez differentes font infeparables, parce qu'elles font les extrémitez d'une même étendue, & pour tout dire, d'une même fubftance.

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Quant aux confequences, j'ay fait voir que fi chaque corps est divisible, il est impossible de concevoir un corps en repos entre d'autres corps, & moins en

core de concevoir son mouvement, c'est à dire qu'il eft impoffible de concevoir rien en la nature. Au lieu que l'on rend raifon de tout, fi l'on pose chaque corps comme une substance indivifible: car, outre qu'on fatisfait à l'idée naturelle qu'on a de chaque fubftance, par ce moyen on explique parfaitement le mouvement & le repos de chaque corps.

Cependant il est évident que fi l'une de ces opinions n'eft vraye, l'autre l'eft neceffairement. Car enfin, il faut que chaque corps foit divifible, ou qu'il ne le foit pas. S'il est divisible, la nature ne peut fubfifter comme elle eft; & j'ay montré qu'on ne peut expliquer ni le mouvement, ni le repos : au lieu que s'il ne l'eft pas, on explique tres-commodement ce que l'on apperçoit du repos & du mouvement. Je ne penfe pas qu'il puiffe fe trouver une preuve plus con

vaincante d'aucune verité.

6. Le plus ou le moins de corps, dont les tas, les liqueurs, & les maffes font compofez, s'appelle leur quantité: & leur grandeur ou leur petitesse vient du plus grand ou du moindre nombre de corps, qui s'y rencontrent.

Ainfi chaque corps n'eft point une quantité, quoy qu'il foit une partie de la quantité, comme l'unité n'est pas un nombre, quoy qu'elle faffe partie du nombre. Tellement que la quantité & l'étenduë font deux chofes, dont l'une convient proprement au corps, & l'autre convient proprement à la matiere.

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