Imágenes de páginas
PDF
EPUB

米粉

PREFACE

L n'y a prefque perfonne qui s'ar

rête à confiderer les merveilles du Corps & de l'Ame: neanmoins ce

font deux ouvrages, dont chacun à part eft admirable, & qui font un compofé furprenant. Il eft capable de ravir quiconque l'examine; & quand on n'auroit que la feule envie de se divertir, rien ne fçauroit donner tant de plaifir que cette étude.

Quelques emportez croyent qu'il ne faut que le Corps, pour goûter les plus grandes douceurs de la vie: mais je puis dire avec plus de raifon, qu'il ne faut que l'Ame. Elle renferme en foy tout ce qui la peut fatisfaire; & pour être dans une joye fans pareille, elle n'a qu'à faire réfléxion sur ce qu'elle eft. Elle n'a qu'à bien examiner les notions que Dieu luy donne, foit pour se connoître elle-même, foit pour connoître le Corps qu'elle anime, foit pour connoître quel eft ce merveilleux rapport qui fait toute leur union. Elle peut par le même moyen connoître (du moins autant qu'il luy

eft utile) toutes les autres pieces qui compofent cet Univers: enfin elle peut par ces lumieres connoître Dieu même, & le connoître affez, pour l'aimer plus que toutes choses.

Il me femble que toutes ces confiderations font affez puiffantes, pour obliger une personne raisonnable à rentrer en foy-même. Mais, quand la neceffité, que chacun a de se bien connoître, n'engageroit pas également tous les hommes à confiderer les differentes fonctions de l'Ame & du Corps; il faut avouer que c'est une étude, dont on ne fçauroit se passer dans la plûpart des profeffions, que l'on fuit le plus ordinairement, quand on fe fent un peu de talent & d'efprit. Ceux qui fe destinent à la Chaire, femblent en avoir neceffairement befoin; & les Medecins ne la peuvent negliger, fans s'exposer à mille fautes auffi honteuses pour eux, que funeftes aux autres.

Que ficeux qui font employez au maniment des affaires publiques ou particulieres, n'ont pas une necessité si abfoluë de l'approfondir; il est pourtant vray qu'il leur eft tres-utile d'y employer quelque temps. Car, encore que de fi belles connoiffances femblent être de peu d'ufage dans le commerce du monde, cependant la maniere dont il s'y faut prendre pour les acquerir, accoûtume fi bien l'efprit à dé

mêler les plus grandes difficultez, qu'il n'y en a prefque point dans les affaires les plus embaraffées, qu'il ne puisse facilement éclaircir, quand une fois il a pû vaincre celles-là.

En effet, il n'y a rien qui puiffe difpofer un homme à concevoir fi nettement chaque chose, & à démêler fi exactement celles qui paroiffent confuses, que les précifions qu'on eft obligé de faire, quand il veut bien distinguer tout ce qui luy appartient à cause du Corps, d'avec ce qui luy appartient à cause de l'Ame. Comme dans cette étude il n'examine que ce qui fe paffe en luy-même, & que son objet luy eft toûjours present, il ne fçauroit manquer d'attention en le confiderant. Et, lorfqu'un peu d'habitude en cette Physique, l'a rendu affez attentif, pour bien observer les particularitez de chaqne chose avant que d'en juger, & luy a bien fait connoître par ce moyen toutes celles qui luy font les plus intimes & les plus importantes, il peut bien plus feurement juger de celles du dehors, & qui n'importent qu'aux autres hommes. Il n'est plus si fujet à fe précipiter : il fe fouvient de fes anciennes erreurs; il en connoît les caufes; il fçait comment il s'en eft tiré; & ce qu'il a fait pour luy-même, le met en état de pouvoir aider à ceux qui l'écoutent, foit dans une ne

[ocr errors]

gociation, foit dans une action publique, ou dans une déliberation, à difcerner, & même à fuivre toûjours le meilleur party. Car enfin, tous les hommes étant fujets aux mêmes passions, & aux mêmes erreurs, celuy qui s'est affez étudié pour connoître les fiennes, & toutes les causes de tant de divers mouvemens qui l'agitent, fçait bien mieux les moyens, qu'il faut employer pour inftruire ou pour émouvoir les autres ; & c'eft en cela, fi je ne me trompe, que consiste la veritable éloquence.

Ce n'eft pas que de là je veüille conclure que le plus grand Philofophe foit toûjours le plus éloquent & le plus propre aux affaires. Je fçay qu'il y faut des talens naturels, & même de l'inclination, & que fans cela l'on n'y fçauroit bien réuffir. Mais je fçay auffi que celuy qui a tous ces avantages, les fait bien mieux valoir, quand il a le fecours de la Philofophie. C'eft fans doute par cette raison que tous les grands Orateurs y ont employé tant de temps; & je pense pouvoir dire que les deux plus illuftres de l'Antiquité en avoient tiré toutes ces belles lumieres, qui les ont tant. fait éclater entre les autres.

J'avoue pourtant qu'elle ne doit pas occuper toute nôtre vie, & qu'aprés y avoir passe quelques années avec attache, il eft bon de n'y

penfer plus que dans quelques heures,où il est permis de fe divertir. C'eft apparemment com

me Ciceron en avoit ufé; & la maniere dont il parle en quelques endroits, fait voir qu'il faut tâcher de la poffeder de forte que l'on s'en puiffe faire un divertiffement, (ce qui ne peut arriver, fi l'on ne s'y applique d'abord d'une maniere fort ferieufe): mais qu'il faut bien se garder de préferer ce divertiffement au service, que l'on peut rendre à fon païs, ou à sa famille dans des emplois confiderables, ou dans une profeffion particuliere.

Si ce grand homme, & tous ceux qni ont manié les plus difficiles affaires de Rome & de la Grece, fe font fi bien trouvez de cette methode, il eft évident qu'elle ne fçauroit mal réüffir à qui que ce foit, à quelque employ qu'on le deftine, & que pour fuivre les Anciens (du moins autant qu'il nous eft permis) la premiere démarche que nous avons à fai re, eft l'étude d'une Philofophie, qui nous rende capable de faire un jufte difcernement de chaque chofe, & de raisonner fur d'autres fondemens que fur nos préjugez, & fur les opinions vulgaires.

Ce n'est pas que je veuille dire qu'elles foient toutes mauvaises mais en verité l'on ne se doit fier à pas une, qu'aprés l'avoir bien

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »