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fait aux Princes, font de même nature.

LIV.

On accufe une perfonne artificieuse de tout ce qu'on trouve mál, quand on n'en connoît point les causes.

Charles IX. qui ne fçavoit pas ce qui retenoit le Duc d'Anjou en France, aprés avoir été élû Roy de de Pologne, & defirant avec paffion fon éloignement, crut que Catherine fa mere le retenoit. Il crut même qu'on faifoit quelque grande confpiration contre luyt fibien qu'un jour il dit à cette Princefse, en jurant, qu'il faloit que luy ou fon frere fortît du royaume; & trois jours aprés, comme il se presenta pour entrer dans fon cabinet, il luy en fit fermer la porte au nez.

LV.

Toutes les paroles des perfonnes, qui font en réputation d'ufer de toute forte de moyens pour se maintenir, font toûjours mal interpretées.

Lors que le Duc d'Anjou s'en alla en Pologne, Catherine fa mere luy dit (peut-être pour le confoler de la tristesse, où elle le voyoit ) Allez, mon fils, vous n'y demeurerez gueres. Ces paroles, qui furent auffi-tôt divulguées, firent croire à plufieurs que Charles IX. qui étoit tombé dans une maladie semblable en quelque chofe à celle de Charles V I. ne vivroit pas longtemps, & qu'elle fçavoit mieux que perfonne, les caufes de fon mal. Cependant ce mal, felon toutes les apparences,ne venoit que du violent exercice qu'il faifoit à la chaffe, ou à la paume, ou à battre, & å forger le fer.

LV I.

Les Princes Souverains fe doivent plaire, non aux chofes qui

font délicieuses, felon leur goût; mais à celles qui font utiles & agreables aux peuples qu'ils conduisent, autrement ils ne trouvent que des fujets de chagrin.

Tandis que Henry III. devenu Roy de Pologne, employa les grands talens, qu'il avoit naturellement pour le gouvernement, il fut aimé, & n'eut que du plaifir. Mais, fi tôt que l'impatience de regner en France, & d'autres vifions de plaifirs qu'il ne pouvoit goûter ailleurs, commencerent à exciter fa mé lancolie, il devint réveur. Il trouva les Polonois fâcheux, & ne fut plus capable, ni de faire aucun bien aux autres, ni d'en trouver pour luy-même en cet

état.

LVII.

Ceux qui cherchent des plaifirs par des enchantemens, font fouvent punis tres-feverement dés ce monde.

On trouva chez la Mole, favory du Duc d'Alençon, une image de cire, qu'un Charlatan luy avoit accommodée pour charmer une Demoifelle. Catherine de Medicis,qui le vouloit perdre, l'accusa d'avoir fait preparer cette tête, pour faire mourir Charles IX. Il le nia fortement; & nonobftant les dénegations, il fut condamné à perdre la tête.

LVIII.

Les perfonnes puiffantes, qui par ignorance font fujettes à croire à ceux qui ont l'impudence de fe dire magiciens, ne fe peuvent refondre à les punir, dans l'efperance qu'ils ont d'en tirer du fecours.

Vignier, qui avoit preparé la tête qu'on trouva chez la Mole, fut pris avec luy, & envoyé aux galeres. Catherine le retira des galeres quelque temps aprés, pour s'en fervir.

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LIX.

Les Princes font quelquefois châtiez dés ce monde, des maux qu'ils ont faits, affez fouvent leur mort a quelque chofe, qui marque cette punition.

Pendant les deux dernieres femaines de fa vie, Charles IX. fouffrit d'étranges violences. Il treffail-loit, & feroidiffoit à tous momens : le fang luy fortoit par tous les pores, & par tous les conduits de fon corps ; & cela dura jufqu'à fon dernier foupir.

LX.

Comme les punitions, que Dieu referve en l'autre vie, font les plus terribles, celles qui arrivent aux Princes en ce. monde, font fouvent des graces.

On peut le reconnoître par le mal de Charles IX. qui luy fit faire penitence de tout le mal qu'il avoit permis pendant fon regne, & ne l'empêcha pas de faire beaucoup de grandes chofes qui auroient fervi au foulagement de l'Etat, fi ceux qui le gouvernerent aprés luy, cuffent fuivi fes ordres.

LXI.

La mauvaife éducation eft ordinairement caufe, que les Princes, dont le naturel eft le plus excellent, font de grands maux.

Charles IX. étoit bien formé de corps. Il avoit le courage haut, l'efprit vif, & clair-voyant, le jugement bon, la memoire prompte, une activité incroyable, & une expreffion la plus heureufe & la plus energique du monde: en un mot, il avoit tous les ta lens d'un homme qui doit gouverner. Mais, parce que ceux qui l'avoient élevé, luy avoient laiffé dre l'habitude de jurer, il ne parloit presque jamais

pren

fans cela, même à Catherine fa mere. On luy avoit appris à maltraiter de parole les grands: on avoit tâché de luy faire aimer la chaffe & la paume pour le détourner du foin de fes affaires; on avoit même tâché de le jetter dans la débauche du vin, & des femmes. A quel mal n'eft pas expofé un jeune Prince, élevé de la forte? Plus il a de talens, & plus il est malheureux.

LXII.

Quelquefois aprés qu'une mauvaise éducation femble avoir corrompu un beau naturel, la raifon furvenant avec un pèu d'âge d'experience, fait que ce beau naturel furmonte la mauvaise éducation.

Cela paroît visiblement en Charles IX. qui pour s'être enyvré un jour, eut tant de honte d'avoir perdu la raifon par le vin, qu'il s'en abstint pendant tout le reste de la vie. Il reconnut que pour s'être laissé gouverner, il avoit permis, ou fait bien des maux; & cela luy fit prendre tellement le foin des affaires, que pendant quelque temps, sa mere, avec toute l'avidité qu'elle avoit de gouverner, n'y eut aucune part. Il avoit connu qu'on luy avoit fait tort de le divertir des études ; & cela fit qu'il eut fouvent des conferences avec des perfonnes de belles lettres. Il composa même affez bien des vers; & il voulut s'appliquer aux sciences dans les heures de fon loifir, lors que fon mal devint mortel. Cela doit faire avouer à tous les jeunes Princes, que le plus grand bien qu'on leur puiffe fare, eft de les bien élever,

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La France a perdu la plus fage Reine, & VÔTRE MAJESTE' l'Epouse la plus accomplie, qui fût jamais. Ainfi rien ne paroît fi jufte que vôtre douleur, & celle de toute la France. Cette Princeffe fe vovoit

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