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maniere que, T'attelier puiffe être confidéré comme une machine dont les parties font des hommes.

fans effort de tête,

Le fauvage avoit abattu des forêts avant de connoître l'ufage de la hache, & l'on avoit élevé de grands poids fans avoir les reffources de la méchanique. En tout genre, il y a plus de mérite à inventer qu'à exécuter; celui qui invente un outil ou qui fait s'en paffer, prouve bien plus d'habileté que l'ouvrier qui avec ce fecours produit un ouvrage plus parfait.

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Mais, fi dans la pratique de tout art, & dans le détail de tout département, il y a plufieurs parties qui n'exigent aucun talent, ou même qui font propres à retrécir & à borner l'esprit, il y en a d'autres qui menent à des réflexions générales, & agrandiffent le reffort de la penfée. En fait d'induftrie même, le manufa&urier peut avoir l'efprit cultivé, tandis que celui de l'ouvrier fubalterne refte en

friche. L'homme d'état peut avoir un génie vafte & une profond connoiffance des affaires, tandis que les inftrumens qu'il emploie, ignorent jusqu'au systême dans la combinaison duquel ils font compris eux mêmes. L'officier général peut être très-habile dans l'art de la guerre, tandis que tout le mérite du foldat fe borne à exécuter quelques mouvemens du pied & de la main. L'un peut avoir gagné ce que l'autre a perdu ; ayant à diriger les opérations d'une armée difciplinée, il pratique en grand les rufes & tous les moyens d'attaque & de défense que le fauvage emploie à la tête d'une petite troupe, ou feulement pour fa propre confervation.

Dans tous les arts, dans toutes les profeffions, les perfonnes vouées à la pratique fourniffent aux favans matiere à des fpéculations générales: & l'art de penfer, dans un période où tout eft féparé, peut lui-même former un métier particulier. Au miHieu de cette multiplicité d'objets &

d'occupations entre lefquels la fociété fe partage, les hommes se montrent fous une infinité de jours différens, & offrent une ample matiere à l'imagination & à l'efprit d'observation; la conversation en devient plus animée, plus intéreffante, & d'un reffort plus étendu. Les productions des talens font exposées en vente; on s'empreffe de payer tout ce qui tend à inftruire ou à amufer. Par ce moyen l'homme oifif, auffi-bien que l'homme laborieux, contribue à accélérer le progrès des arts & à donner aux nations policées cet air de fupériorité, avec lequel elles paroiffent avoir atteint aux fins après lefquelles couroit le fauvage dans fes forêts le favoir, l'ordre & la richeffe.

CHAPITRE II.

De la fubordination qui fuit de la féparation des arts & des profeffionss.

LA premiere cause defubordination

vient de la différence des talens & des difpofitions naturelles; la feconde, de l'inégalité dans le partage de la propriété ; & la troifieme qui n'eft pas moins fenfible, résulte des habitudes qui fe contractent par la pratique des différens arts.

Certaines occupations font libérales, d'autres font méchaniques. Elles exigent des talens & infpirent des fentimens différens; & foit que cela foit ou ne foit pas la raifon qui fait préférer les unes aux autres, il eft juste de proportionner l'eftime & le rang dûs à des hommes qui exercent certains emplois & certaines profeffions, à l'influence que leur genre de vie a réellement fur la culture de leur efprit & fur leur façon de penfer.

Il y a une élévation d'ame naturelle à l'homme qui lui fait defirer qu'on croye que, même dans l'état le plus groffier, & au milieu des instigations preffantes de la néceffité, il fait s'élever au-deffus des motifs de l'intérêt, & même au-deffus du befoin & du foin de sa subsistance. Dans les liaifons d'amitié, dans les oppofitions dans lesquelles il eft engagé, il veut paroître ne fuivre que les mouvemens de fon coeur; il voudroit ne fe montrer que dans les occafions difficiles & périlleuses, & laiffer les foins ordinaires aux ames foibles & ferviles.

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Dans toutes les fituations c'eft cette maniere d'envifager les chofes qui régle fes notions touchant la baffeffe ou la dignité. Dans la fociété policée, la crainte qu'il a d'être foupçonné d'inclinations fordides lui fait cacher le foin qu'il prend de tout ce qui n'a pour objet que fa confervation & fon entretien. Selon fes idées, le mendiant qui fe met à la merci

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