ment, & avec le deffein d'accumuler feulement les richeffes dans leur intérieur, il arrive qu'infenfiblement elles gagnent un afcendant prépondérant au' dehors.

Le caractere des peuples belliqueux & des peuples commerçans, eft combiné diversement: il eft formé dans fes différentes nuances, par l'influence de circonstances qui occafionnent des guerres plus ou moins fréquentes, & font naître le defir des conquêtes; de circonftances qui laiffent un peuple en paix, & lui donnent le loifir de perfectionner fes reffources domeftiques, ou d'acheter de l'étranger, avec les produits de for induftrie, les chofes que fon fol & fon climat lui refufent.

Les membres d'une communauté s'occupent plus ou moins des affaires de l'état, felon que la conftitution leur donne plus ou moins de part au gouvernement, & tourne leur attention du côté des objets publics. Les talens d'un peuple font

cultivés ou négligés à proportion que ces talens trouvent de l'emploi dans la pratique des arts & dans les affaires de la fociété : fes mœurs font épurées ou corrompues, felon qu'il eft encouragé ou forcé à agir d'après des maximes de juftice & de liberté, ou, felon qu'il eft dégradé par la fervitude & l'aviliffement. Mais quelque foit le partage des nations à ces divers égards; quelques avantages qu'elles poffedent; de quelques inconvéniens qu'elles foient exemptes, tout, en ce genre, eft regardé comme le pur effet du hafard: rarement ces confidérations importantes font-elles admifes au nombre des objets de police générale, & comptées parmi les raifons d'état.

C'eft s'exposer au ridicule, que 'd'exiger que les établiffemens politiques foient uniquement combinés dans la vue de cultiver les talens des individus, & de leur infpirer des fentimens honnêtes: il faut au commun des hommes quelque motif d'inté

rêt, & la perfpective de quelque avantage extérieur pour exciter fon activité, & diriger fes entreprises. On ne fe foucie d'être brave, industrieux, éloquent que pour le befoin feulement, ou pour en tirer du profit: on exalte l'utilité de la richeffe, de la population & des autres ressources qui ont rapport à la guerre; comme fi ces reffources étoient bien décifives par elles-mêmes, à moins qu'elles ne trouvent des mains habiles pour les diriger, & qu'elles ne foient foutenues par un caractere de vigueur dans la nation. Attendons-nous donc à voir par-tout la police particuliere des états, prendre fa direction dďaprès les motifs du falut public, de la liberté des perfonnes, de la sûreté des propriétés ; rarement d'après des confidérations relatives à ses effets moraux ou à fes conféquences fur le génie de l'efpece humaine.

CHAPITRE IV.

De la population & de la richesse.

LORSQU'ON fe représente la conster

nation des Romains, au moment où l'on vint leur annoncer que l'élite de l'état avoit péri à Cannes; lorfqu'on fe figure ce que l'orateur avoit dans l'efprit, quand il dit que « la

a

jeunesse eft au milieu d'un peuple, » ce qu'eft le printemps entre les fai» fons »; lorfqu'on nous raconte avec quelle joie, dans l'Amérique, on adopte le chaffeur & le guerrier pour foutenir l'honneur des familles & de la nation; nous fommes difpofés à concevoir la plus haute idée de la conservation & de la multiplication de nos concitoyens. L'intérêt, l'affection, les vues de la politique, tout fe réunit pour attacher à cet objet la plus grande importance. Il ne peut être indifférent qu'au ty

ran qui méconnoît fon propre intérêt, à des miniftres qui fe jouent des charges confiées à leurs foins, ou bien à un peuple affez corrompu pour que le citoyen ne voie dans fes femblaque des rivaux en matiere de lucre & des concurrens par rapport aux moyens de fortune.

bles

Dans les fociétés groffieres en général, & dans les petites communautés qui font expofées à des affauts & des traverses fréquentes, la confervation & l'augmentation de leurs membres, font le mobile le plus puiffant. Ce n'eft pas pour être refté maître du champ de bataille, ou pour avoir été délogé du lieu où l'action s'eft engagée, qu'un peuple de l'Amérique fe croit vi&orieux ou vaincu ; c'est le nombre des hommes qu'il a perdus ou des prifonniers qu'il a faits, qui conftitue à fes yeux la victoire ou la défaite. Un homme qu'il peut affocier à toutes fes entreprises, don il peut faire fon ami, en qui il trou un objet pour les affections, & un