s'il n'existe une force fuffifante pour faire exécuter ce qui eft reconnu pour un droit, un fimple titre, une intention fans foutien, ne font pas d'un grand fecours.

Souvent une populace foulevée par l'oppreffion, ou bien un ordre particulier de citoyens, profitant de l'avantage d'un moment, ont extorqué des chartes, des ftipulations, des conceffions favorables à leurs prétentions; mais toutes les fois que les chofes n'avoient pas été préalablement difpofées de maniere à en assurer la ftabilité, ces titres écrits font tombés dans l'oubli avec les conjonctures qui les avoient produits.

L'histoire d'Angleterre & celle de tout pays libre font remplies d'exemples de ftatuts portés durant l'affemblée du peuple ou de fes repréfentans, qui font reftés fans effet, auffi-tôt que la couronne ou la puiffance exécutrice ont été rendues à elles-mêmes. Les loix les plus équitables fur le papier, n'excluent pas le defpotifme

le plus abfolu dans l'administration: la jurifdiction des jurés fubfista en Angleterre dnrant le tems même que les cours de juftice furent arbitraires & oppreffives.

La vraie base de la liberté civile, c'est le statut qui force le fecret de toutes les prisons, qui ordonne de révéler le fujet de tout emprisonnement & de produire la perfonne de l'accufé pour qu'il puiffe, dans un temps préfix, obtenir fon élargiffement ou fon jugement. Jamais on n'imagina de formalité plus fage pour prévenir les abus du pouvoir; mais pour que l'effet en foit affuré, il ne faut pas moins qu'un édifice tel que l'ensemble de la conftitution Britannique, & un efprit national, tel que l'amour inquiet & turbulent de ce peuple fortuné pour fa liberté.

S'il faut la vigueur & la jaloufie d'un peuple libre; s'il faut que chaordre de l'état jouisse d'un certain degré de confidération, pour affurer la fécurité des personnes & la stabi

que

lité des propriétés, quoiqu'il foit fi facile de bien définir ces deux points dans les termes d'un ftatut; à plus forte raison eft-il impoffible que ce que nous appellons liberté politique ou le droit de l'individu d'agir dans fon pofte, pour lui & pour le public, fubfifte fans ce même fondement. Les formes de la procédure civile peuvent mettre hors d'atteinte les perfonnes & les biens; mais les droits de l'efprit & de l'ame, il n'y a que les forces de l'efprit & de l'ame qui puiffent les défendre.

CHAPITRE VII.

De l'hiftoire des arts.

Nous avons déja obfervé

que l'art

eft naturel à l'homme, & que tout ce qu'il acquiert d'habileté dans l'efpace de plufieurs fiecles, n'eft que le dévelopement du talent qu'il poffédoit dès les premiers temps. La hutte d'un Scythe offre aux yeux de Vitruve les élémens de l'architecture; l'arc, la fronde & le cannot du fauvage préfentent à l'armurier & au conftructeur les productions originales de leurs métiers. L'hiftorien même & le poëte pourroient trouver les premiers effais de leurs arts dans les légendes & les chansons où font célébrés les guerres, les amours & les aventures des hommes dans l'état de fociété le plus gróffier.

Deftiné à cultiver fa propre nature & à améliorer sa situation, l'hom

me a un objet continuel d'applica tion, d'induftrie & de travail. Même dans les choses où il ne fe propose en aucune maniere de perfectionner fon être, fes facultés fe fortifient par les exercices mêmes dans lefquels il femble s'oublier. Les affaires de la fociété occupent ainfi d'une façon profitable fa raison & ses affections; le befoin de fe procurer fa fubfistance & fes commodités, aiguillonne & développe fon invention & fon adreffe ; fes occupations particulieres lui font prefcrites par les circonftances du temps & du pays où il vit: dans telle fituation, c'eft la guerre & les délibérations politiques; dans telle autre, c'eft le foin de fon intérêt, de fes commodités, de fon bienêtre perfonnel qui attirent toute fon attention. Il affortit fes moyens aux fins auxquelles il tend,& à force de tentatives, il parvient par degrés à la perfection des arts. A chaque pas qu'il fait, fi fon habileté s'accroft, fes defirs ont auffi tout le