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Ceft tout le contraire à Londres & à Paris, & il faut avouer que les Auteurs n'auroient guéres entendu leurs intérêts, ni connu leur auditoiré, s'ils n'avoient jamais fait parler les Oldéelds, ou les Duclos & les Lecouvreur, que d'ambition & de politique.

Le mal eft que l'amour n'eft fouvent chez nos Héros de Théâtre que de la galanterie, & que chez les vôtres il dégenere quelquefois en débauche.

Dans notre Alcibiade, Piéce très-fuivie, mais foiblement écrite, & ainfi peu eftimée, on a admiré long-tems ces mauvais vers que récitoit d'un ton féduifant l'Efopus du dernier fiécle.

Ah! lorfque pénétré d'un amour véritable,
Et gémiffant aux pieds d'un objet adorable,
J'ai connu dans fes yeux timides ou diftraits

Que mes foins de fon cœur ont pû troubler la paix,
Que par l'aveu fecret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle.
Dans ces momens fi doux j'ai cent fois éprouvé,
Qu'un mortel peut gouter un bonheur achevé.

Dans votre Venise fauvée, le vieux Renaud veut violer la femme de Jaffier, & elle s'en plaint en termes affez indécens, jufqu'à dire qu'il est venu à

elle unbutton'd.

Pour que l'amour foit digne du Théâtre Tragique, il faut qu'il foit le noeud néceffaire de la Piéce, & non qu'il foit amené par force pour remplir le vuide de vos Tragédies & des nôtres qui font toutes trop longues; il faut que ce foit une paffion véritablement Tragique, regardée comme une foibleffe, & combattue par des remords: Il faut ou que l'amour conduife aux malheurs & aux crimes, pour faire voir combien il eft dangereux, ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu'elle n'est pas invinci

ble; fans cela ce n'eft plus qu'un amour d'Eglogue ou de Comédie.

C'est à vous, MY LORD, à décider fi j'ai rempli quelques-unes de ces conditions; mais que vos Amis daignent furtout ne point juger du génie & du goût de notre Nation par ce Difcours, & par cette Tragédie que je vous envoye. Je fuis peutêtre un de ceux qui cultivent les Lettres en France avec moins de fuccès; & fi les fentimens que je foumets ici à votre cenfure, font défapprouvez, c'est à moi feul qu'en appartient le blâme.

Au refte, je dois vous dire que dans le grand nombre de fautes dont cette Tragédie eft pleine, il y en a quelques-unes contre l'exacte pureté de notre Langue. Je ne fuis point un Auteur affez confidérable pour qu'il me foit permis de paffer quelquefois pardeffus les régles féveres de la Grammaire. Il y a un endroit où Tullie dit,

Rome & moi dans un jour ont vû changer leur fort. Il falloit dire pour parler purement,

Rome & moi dans un jour avons changé de fort.

J'ai fait la même faute en deux ou trois endroits, & c'est beaucoup trop dans un Ouvrage dont les défauts font rachetez par fi peu de beautez.

ACTEUR S.

JUNIUS BRUTUS,

Confuls.

VALERIUS PUBLICOLA,

TITUS, fils de Brutus.

TULLIE, fille de Tarquin.

ALGINE, Confidente de Tullie.

ARONS, Ambaffadeur de Porsenna

MESSALA, Ami de Titus.

PROCULUS, Tribun Militaire.

ALBIN, Confident d'Arons.

SENATEURS.

LICTEURS.

BRUTUS.

BRUTU S.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

Le Theatre repréfente une partie de la Maifon des Confuls fur le Mont Tarpeien; le Temple du Capitole fe voit dans le fonds. Les Sénateurs font affemblés entre le Temple & la Maison, devant Autel de Mars. Brutus & Valerius Publicola, Confuls, préfident à cette affemblée; les Sénateurs font rangés en demi cercle. Des Licteurs avec leurs faifceaux font debout derriere les Sénateurs.

D

BRUTU S.

Eftructeurs des Tirans, vous qui n'avez pour
Rois

Que les Dieux de Numa, vos Vertus, & nos Loix;
Enfin notre Ennemi commence à nous connoître.
Ce fuperbe Toscan, qui ne parloit qu'en maître,

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