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ARONS.

Pourra-t-il nous livrer la Porte Quirinale ?

MESSALA.

Titus feul y commande, & fa vertu fatale
N'a que trop arrété le cours de vos deftins;
C'est un Dieu qui préfide au falut des Romains.
Gardez de hazarder cette attaque foudaine,
Sûre avec fon appui, fans lui trop incertaine.

ARONS.

Mais fi du Confulat il a brigué l'honneur,
Pourroit-il dédaigner fa fuprème grandeur
Du Trône avec Tullie un affûré partage?

MESSAL A.

Le Trône eft un affront a fa vertu fauvage.

ARONS.

Mais il aime Tullie.

MESSAL A.

Il l'adore, Seigneur;

Il aime d'autant plus qu'il combat fon ardeur.
Il brûle pour la Fille, en détestant le Peres
Il craint de lui parler, il gémit de fe taire;
Il la cherche, il la fuit, il dévore fes pleurs;
Et de l'amour encor il n'a que les fureurs.
Dans l'agitation d'un fi cruel orage,

Un moment quelquefois renverfe un grand courage;

Je fçai quel eft Titus: ardent, impétueux;
S'il fe rend, il ira plus loin que je ne veux.
La fiere ambition qu'il renferme dans l'ame,
Au flambeau de l'amour peut rallumer fa flâme.
Avec plaifir fans doute il verroit à fes pieds
Des Sénateurs tremblans les fronts humiliés;
Mais je vous tromperois, fi j'ofois vous promettre
Qu'à cet amour fatal il veuille fe foumettre.
Je peu parler encor, & je vais aujourd'hui.

ARONS.

Puifqu'il eft amoureux, je compte encor fur lui. Un regard du Tullie, un feul mot de fa bouche, Peut plus pour amollir cette vertu farouche, Que les fubtils détours, & tout l'art féducteur D'un Chef de Conjurés, & d'un Ambaffadeur. N'efpérons des humains rien que par leur foibleffe. L'ambition de l'un, de l'autre la tendreffe, Voilà les Conjurés qui ferviront mon Roy; C'eft d'eux que j'attens tout; ils font plus forts que moi. Tullie entre. Messala se retire.

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MAda

ARONS.

Adame, en ce moment je reçois cette Lettre,

Qu'en vos auguftes mains mon ordre eft de remettre, Et que jufqu'en la mienne a fait paffer Tarquin...

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Dieux! protegez mon Pere, & changez fon deftin.

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Elle lit :

" Le Trône des Romains peut fortir de fa cendre, Le Vainqueur de fon Roy peut en être l'appui.

» Titus eft un Héros; c'eft à lui de défendre

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Un Sceptre que je veux partager avec lui. Vous, fongez que Tarquin vous a donné la vie, »Songez que mon deftin va dépendre de vous... »Vous pourriez, refufer le Roy de Ligurie, »Si Titus vous eft cher, il fera votre époux. Ai-je bien lû ...Titus?... Seigneur.... eft-il possible? Tarquin dans fes malheurs jufqu'alors infléxible, Pourroit? mais, d'où fçait-il?... & comment? Ah! Seigneur,

Neveut-on qu'arracher les fecrers de mon cœur ?
Epargnez les chagrins d'une trifte Princeffe;
Ne tendez point de piége à ma foible jeunesse.

ARONS.

Non Madame, à Tarquin je ne fçais qu'obéir.
Ecouter mon devoir, me taire, & vous fervir.
Il ne m'appartient point de chercher à comprendre
Des fecrets qu'en mon fein vous craignez de répandre.
Je ne veux point lever un œil prefomptueux
Vers le voile facré que vous jettez fur eux;
Mon devoir feulement m'ordonne de vous dire
Que le Ciel veut par vous relever cet Empire;
Que ce Trône eft un prix qu'il met à vos vertus.

TULLIE.

Je fervitois mon Pere, & ferois à Titus!
Seigneur, il fe pourroit...

....

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ARONS..

N'en doutez point Princeffey

Pour le fang de les Rois ce Héros s'intereffe:
De ces Républicains la trifte aufterité,
De fon coeur généreux révolte la fierté ;
Les refus du Sénat ont aigri fon courage,
Il penche vers fon Prince; achevez cet ouvrage.
Je n'ai point dans fon coeur prétendu pénétrer;
Mais, puifqu'il vous connoît, il vous doit adorer.
Quel'oeil, fans s'éblouir, peut voir un Diademe,
Préfenté par vos mains, embelli par vous-même?
Parlez lui feulement, vous pourrez tout fur lui;
De l'Ennemi des Rois triomphez aujourd'hui.
Arrachez au Sénat, rendez à votre Pere
Ce grand appui de Rome, & fon Dieu tutelaire,
Et méritez l'honneur d'avoir entre vos mains
Et la caufe d'un Pere, & le fort des Romains.

SCENE IV.
TULLIE. ALGINE.

TULLIE.

CIEL ! que je dois d'encens à ta bonté propice!

Mes pleurs t'ont défarmè, tout change; & ta justice, Aux feux dont j'ai rougi rendant la pureté,,'

En les récompenfant, les met en liberté.
A Álgine:

Vale chercher, va cours; Dieux! il m'évite encore
Faut-il quil foit heureux, hélas! & qu'il l'ignoré?
Mais... n'écoutai-je point un espoir trop flatteur ?
Titus, pour le Sénat, a-t-il donc tant d'horreur?
Que dis-je! hélas! devrois je au dépit qui le preffe
Ce que j'aurois voulu devoir à fa tendreffe?

ALGINES

Je fçat que le Sénat alluma fon courroux,
Qu'il eft ambitieux, & qu'il brûle pour vous.
TULLIE

10

Il fera tout pour moi, n'en doute point, il m'aime,

Va dis-je

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Algine fort.
Cependant ce changement extrème..?

Ce Billet!... De quels foins mon cœur est combattu
Eclatez mon amour, ainfi que ma vertu ;

La gloire, la raifon, le devoir, tout l'ordonne."
Quoi! mon Pere à mes feux va devoir fa Couronne!
De Titus & de lui je ferois le lien!

Le bonheur de l'Etat va donc naître du mien? Toi que je peux aimer, quand pourrai-je t'apprendre Ce changement du fort où nous n'ofions prétendre? Quand pourrai-je, Titus, dans mes juftes transports, T'entendré fans regrets, te parler fans remords? Tous mes maux font finis, Rome je te pardonne; Rome tu vas fervir a Titas t'abandonne;

Séniat tu vas tomber fi Titus eft à moi;

Ton Héros m'aime; tremble, & reconnois ton Rof.

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