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demain matin, mais fi bien accompaHENRI III. gné, qu'il étoit plus en état de donner 1588. la loi que de la recevoir.

Entrevue de On avoit paffé la nuit au Louvre à Phôtel de Soif- raifonner fur ce qu'on auroit dû faire,

Lons.

& à prendre de fauffes mefures pour
la fuite. A l'hôtel de Guife, fitué dans
le quartier faint Antoine, on s'occupa
à combiner les moyens & à prévenir les
inconvéniens des deux côtés. On fit pro-
vifion d'armes, & on plaça des fenti-
nelles comme contre des ennemis en
préfence. Après fa vifite au Louvre, le
duc de Guife alla l'après midi à l'hôtel
de Soiffons chez la reine mère, où le
roi se rendit auffi. Ils y eurent une lon-
gue conférence dans le jardin. Guife,
qui delà entendoit le murmure du peu-
ple attroupé autour des murailles, en
devint plus hardi. Après quelques lé-
gères excufes fur fon arrivée qu'il pré-,
tendoit ne pouvoir être blâmée, il fi-
gnifia ses intentions en termes polis,
mais fermes. C'étoit que le roi le dé-
terminât fans détour à faire une guerre
à toute outrance aux Huguenots; &
pour que les Catholiques puffent fe fier
à lui, qu'il chaffat de la Cour Epernon,
Lavallette fon frère, en un mot tous
les
gens fufpects.

Le foible monarque, au lieu d'éclat

les étrangers

ter contre un fujet infolent qui venoit HENRI III. le braver dans fa capitale, s'étendit en 1588. apologies. Elles ne reftèrent point fans, Ordre à tous réponses. Toutes ces répliques condui- de fortide firent à la promeffe que fit le roi d'ac- Paris. quiefcer aux propofitions, fi de concert avec le monarque, le duc vouloit interpofer fon crédit pour chaffer fans tumulte les étrangers, foldats & gens fans aveu, dont la ville étoit pleine. Guife y confentit, fachant bien qu'il n'en arriveroit que ce qu'il voudroit; & dans le moment il fe fit une proclamation, portant injonction à tous ceux qui n'auroient pas des raisons valables de demeurer à Paris, d'en fortir fur le champ. Il y eut auffi des Commiffaires nommés pour en faire la recherche.

Ils y travaillèrent avec ardeur toute Les Parifiens la journée du Mercredi, mais fans fuc- mécontens de cès. Les bourgeois cachèrent ces étran- cet ordre, gers le peuple murmuroit de voir fouiller fes maifons, & n'épargnoit pas les injures aux Commiffaires. Ils en firent leur rapport au roi qui fentit bien d'où partoit le coup, & qui prit enfin une réfolution décifive.

Murmure de

Les feize s'en apperçurent au mouve- ce que le roi ment qu'ils virent du côté du Louvre. fe met fur la

défenfive,

Le roi y raffembloit fa noblesse : on

HENRI III. favoit qu'il avoit mandé des troupes; 1588. il faifoit mettre fous les armes les compagnies des bourgeois opulens, ennemis du trouble qui ne pouvoit que leur caufer des pertes, & il leur affignoit des poftes. A la vue de ces préparatifs, Guile tremble, mais il ne défespère

Le roi intro

fes.

Pafquier,

liv. XII,

pas.

De fon côté il envoie des émiffaires

dans les quartiers les mieux fournis de populace, tels que ceux de l'Univerfité, de la place Maubert, de la Grève, des Halles. Il fait dire à fes affidés de fe tenir fur leurs gardes, prêts à fe raffembler au premier fignal, qu'il fe trame un grand complot, que le roi a réfolu la mort de cent vingt Catholiques. En même temps on répand des liftes de ces prétendus profcrits, à la tête defquels étoient le duc de Guise, les curés, les prédicateurs & tous ceux que le peuple affectionnoit.

Le Jeudi douze mai, fur les trois duit des Suif- heures du matin, un fort détachement de quatre mille Suiffes qui étoient à Lagny, entra par la porte S. Honoré. Le roi alla le recevoir lui-même, reDe Serres commanda aux foldats la modération, 2. I. & marqua les poftes, où ils fe rendirent tambour battant & les armes hau

lett. XXI.

Cayet,

liv.

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S. Michel,

1588.

Soulevement général : bar

tes. Le peuple les voyoit paffer en filence, inquiet & étonné, mais fans au- HENRI III. cun figue de rébellion. Ils s'emparèrent des principales places, & y posèrent des corps de gardes. Tout réuffiffoit à fouhait, lorfque fur les dix heures du matin, un rodomont de cour comme l'appelle Pasquier, fier de ce fuccès, s'avifa de dire qu'il n'y avoit femme de bien qu'il ne paffât par la difcretion d'un Suiffe. Ceci fut dit fur le pont voifin de la place Maubert, dont les ricades. troupes du roi avoient négligé de s'emparer, parce que la voyant pleine d'une multitude d'ouvriers, artifans, bouchers, mariniers, elles appréhendoient d'être forcées à employer la violence, ce qu'elles avoient ordre d'éviter. En un instant cette parole indifcrete paffant de bouche en bouche, fe répète dans la place. Auffi promptement cette multitude, comme engourdie auparavant, commence à fe remuer. Les uns courent aux armes, les autres dépavent les rues, garniffent les fenêtres de pierres, tendent les chaînes, les foutiennent de tonneaux qu'ils empliffent de terre, & qu'ils appuient de planches, de folives, de meubles, & de

tout ce qu'ils rencontrent fous la main.

HENRI III. On fonne le tocfin; les barricades fe 1588. pouffent : les troupes qui ne reçoivent point d'ordres fe laissent investir, & en moins de quatre heures toute cette grande ville fe trouve comme fermée, & les mutins plantent infolemment leur dernière barricade devant le Louvre.

Les troupes

Au premier bruit le duc de Guife fe
tient dans fon hôtel, clos & couvert,
maître des derrières de fa maison oc-

cupés par quelques gens de main pro-
pres à favorifer fa fuite, s'il étoit nécef-
faire. Quand il apprend que les barrica-
des réuffiffent, il-fort & fe promène
dans la rue, donnant fes ordres aux ex-
près que les factieux dépêchoient à cha-
que inftant. Le roi lui envoie, à
plufieurs reprises, commandement &
prières de faire ceffer les defordres.
Ce font taureaux échappés, répond-il
froidement, je ne puis les retenir.

Enfin il fe lève un cri général, cri
du roi atta- de tumulte & d'horreur. Entre les voix
quées.
confuses, on diftingue des coups de fu-
fil, des hurlemens plaintifs comme de
gens qu'on égorge : c'étoient les Suiffes
du roi que la populace du marché neuf
maffacroit impitoyablement. Ces mal-
heureux foldats, intrépides par tout

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