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rebelle, & détesté de fon peuple, quoi

liv. XII.

que plein de bonté, excitoit la com- HENRI II. paffion de fes fidèles ferviteurs. Ils 1588. étoient fachés de le voir continuelle- Pasquier, ment s'écarter des vrais principes qui let. VII & auroient dû diriger fa conduite dans VIII. les circonftances. Il étoit naturel que le roi cherchât de l'argent; mais, difoit Pafquier, le vrai fubfide, dont le prince devroit faire fonds, eft la bienveillance de fes fujets. Il dépend de lui de réformer tout le monde en fe réformant lui-même; qu'il refpecte les loix, & il fera refpecté. Honorer la nobleffe, la recompenfer felon fes degrés, ménager le peuple, foutenir le clergé, ne point perdre fon bien, employer fon temps, confulter la Justice & non lui commander; voilà fon devoir. S'il ne le fait pas, je publie dès à préfent à fon de trompe, par tous les cantons de la France, la ruine de lui & de fon Etat.

Telles étoient les triftes réflexions

Proceffion

Chartres.

que le zèle arrachoit aux Catholiques de la Ligue à éclairés, bien différentes de la ridicule amende honorable qu'une dévotion mal réglée faifoit imaginer aux CatholiquesLigueurs. Ils fe mirent en tête qu'une foumiffion relevée de quelqu'apareil de religion feroit oublier au roi ce qui

s'étoit paffé & le rappelleroit à Paris.

HENRI III. Dans cette perfuafion la fameufe con1588. frairie des Pénitens, autrefois fi chère à Henri, part à pied de la capitale, & va le trouver à Chartres. On avoit affecté que tout eût un air fingulier dans cette bifare proceffion : nous en prendrons la defcription dans l'historien de Thou, qui parle comme témoin oculaire.

» A la tête paroifloit un homme à » grande barbe fale & craffeufe, cou» vert d'un cilice, & par deffus un » large baudrier, d'où pendoit un sabre >> recourbé. D'une vieille trompette > rouillée il tiroit par intervalle des

fons aigres & difcordans. Après lui » marchoient fièrement trois autres » homines auffi malpropres, ayant cha» cun en tête une marmite graffe au lieu » de cafque, portant fur leurs cilices des

cottes de mailles, avec des braffarts » & des gantelets. Ils avoient pour ar» mes de vieilles hallebardes rouillées.

Ces trois rodomons rouloient des "yeux hagards & furibonds, & fe dé» menoient beaucoup, pour écarter la » foule accourue à ce fpectacle.

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Après eux venoit frère Ange de Joyeufe, ce courtifan, qui s'étoit

» fait capucin l'année dernière. On lui

» avoit perfuadé, pour attendrir Henri, HENRI ill. de représenter dans cette proceffion, 1588. »le Sauveur montant au Ĉalvaire. Il

» s'étoit laiffé lier, & peindre fur le

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vifage des goutes de fang, qui fem»bloient découler de fa tête couronnée d'épines. Il paroiffoit ne traîner qu'a» vec peine une longue croix de carton » peinte, & fe laiffoit tomber par inter» valles, pouffant des gémissemens la>> mentables.

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» A fes côtés inarchoient deux jeu»nes capucins, revêtus d'aubes, repré»fentant l'un la Vierge, l'autre la Mag» delaine. Ils tournoient dévotement » les yeux vers le ciel, faifant couler quelques fauffes larmes ; & toutes les » fois que frère Ange fe laiffoit tom»ber, ils fe profternoient devant lui en » cadence. Quatre fatellites fort reffem» blans aux trois premiers, renoient la » corde, dont frère Ange étoit garrotté, >> & le frappoient à coups de fouet, qui >> s'entendoient de très-loing. Une lon»gue fuite de pénitens fermoit cette » marche comique

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En voyant défiler devant la cour, dans la cathédrale de Chartres, cette pieufe mafcarade, Crillon, brave guer

rier, allié de Joyeufe, s'écria: Frappeź

HENRI III. tout de bon, fouettez, c'eft un lâche, 1588. qui a endoffé le froc, pour ne plus porter les armes. Le roi, au lieu de goûter ce fpectacle indécent, fit une grave réprimande à fon ancien favori, de ce que, par un zèle imprudent, il tournoit en farce le mystère facré de notre Rédemption. Il lui remontraauffi qu'on avoit abufé de fa crédulité, en l'engageant fous prétexte de religion, à fe mettre à la tête des rebelles, que je fais ajoûta Henri, en élevant le ton, être en grand nombre dans cette proceffion.

Avantage qu'elle en tire.

Henri le favoit, il étoit inftruit qu'entre plufieurs gens de bonne foi, fous le fac de pénitens étoient cachés nombre des plus ardens Ligueurs, qui venoient impudemment ranimer le courage de ceux de Chartres, & les engager à prêter ferment de fidélité au duc de Guife. Il les avoit fous fa main : il pouvoit les punir, & il les laiffa remplir leur miffion. Ainfi tolérés, ils jetèrent dans la ville des femences de révolte qui ne permirent point au roi d'y refter. Il fe retira à Vernon, & delà à Rouen, oùì il fixa fon féjour, pendant les négociations entamées par la reine mère.

La ridicule ambaffade des Ligueurs

De Thou,

livre IX.

fut fuivie d'une députation du Parle- HENRI III. ment de Paris, que le roi remercia, en 1588. exhortant les magiftrats à continuer de Négociation. le bien fervir. Vint après une autre dé-tiv. xcI. putation des officiers municipaux, au Davila, nom de la ville même. Henri les reçut favorablement, quoiqu'il n'approuvât pas les changemens faits dans ce corps par le duc de Guife. On voyoit qu'il n'auroit demandé qu'une réparation un peu fupportable, pour pardonner. Ces députations donnoient ordinairement Ouverture à des propofitions. Tantôt Henri s'adreffoit à tous en général. tantôt il s'abouchoit avec quelques uns en particulier. Il y eut ani des requêtes de la Ligue & des réponses du roi rendues publiques; mais quand on autoit fatisfait aux demandes les plus outrées des feize même, ce n'étoit rien fi on n'avoit le confentement du duc de Guife. Il fallut donc fe déterminer à traiter directement avec lui. On lui demanda fes prétentions. Il les fignifia auffi hautement que la veille des barricades, & le roi ne s'en choqua pas.

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On est toujours étonné de la tran- Edit d'union. quillité de Henri, du fang-froid avec

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