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roi lui-même, s'il étoit néceffaire. Il HENRI III. conjura le maréchal de le feconder dans 1588. ce louable deffein, & lui promit en récompense le gouvernement de Normandie. Voyant d'Aumont froid à cette propofition, Guife tire un poignard, Te dépouille le bras jufqu'au coude, & veut s'ouvrir la veine pour figner fa promeffe de fon fang. Le maréchal l'é coute & finit la converfation en fe retranchant fur des politeffes générales.

Les amis de

lile

Guife, en qualité de généraliffime, demandoit des gardes, comme en avoit eu le roi, lorfqu'étant duc d'Anjou il avoit été nommé fous Charles IX, lieutenant-général du royaume. Il fut refufé, fe plaignit & menaça. Le roi ne vouloit point conferver à la fainte union Orléans pour place de fureté ; je faurai bien, dit le duc infolemment, la retenir malgré lui: la ducheffe de Montpenfier fa fœur, tenoit les difcours les plus inconfidérés. Elle portoit ordinairement à fon côté une paire de cifeaux d'or: c'étoit disoit-elle, pour faire la couronne monachale à Henri, quand il feroit confiné dans un monastère.

Quelques-uns cependant des amis Gwife trem du duc, ne voyoient pas fans frayeur fon extrême audace, & la patience dui

Talent pour lui.

Foi. Ils l'exhortoient à ne point abuser

de la fortune: ils lui repréfentoient le HENRI III. danger auquel des entreprises témérai- 1588. res alloient expofer fa femme & fes en

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fans encore en bas âge. » Abandonné, répondit-il : dans un âge encore plus » tendre, d'un père, qu'un coup parti de la main perfide des Hérétiques venoit de m'enlever, refté avec mon frère en butte à tous les traits des ennemis de ma maison, ai-je laiffé pour cela de m'élever, de raffembler les » débris de la fortune d'un père fi » grand, & même de le venger? Je >>remets à Dieu qui m'a protégé jufqu'à préfent, le foin de les conferver; mais je ne les ai pas mis au monde, pour qu'ils troublent mes projets. Si la mort m'enlève avant qu'ils aient atteint un âge mûr, qu'ils fe faffent eux-mêmes leur fortune, comme je me fuis fait la mienne, & que par leur conduite, ils fe montrent dignes »héritiers de ceux qui leur ont donné le jours.

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D'ailleurs Guise échappé aux entre-l refte trépide. Vues de Saint-Maur & de Paris, qui devoient lui être fi fatales, ne pouvoit fe perfuader que Henri fût capable d'une réfolution: de forte qu'ayant

trouvé fous fa ferviette un billet, mis

HENRI III. par une main inconnue, qui lui don1588. noit avis des deffeins du roi contre lui, il écrivit au bas: Il n'oferoit ; & jeta le billet fous la table. Il comptoit auffi fur la nombreuse escorte d'amis fidèles, dont il n'étoit jamais abandonné, pas même auprès du roi, qui auroit été, au milieu de cette troupe, plus prifonnier que celui qu'il auroit voulu faire arrêter.

Sa mort réfolue.

Mais c'eft précisément la foiblesse, revêtue d'un titre d'autorité, dont il faut appréhender les fourdes menées. Que ne peut celui qui a droit de commander, quand il veut efficacement? Son impuiffance apparente est pour lui une nouvelle arme, par la confiance présomptueufe qu'elle infpire à fon ennemi; & plus il a à craindre, moins il ménage la victime de fon reffenti

ment.

Si le duc de Guise eût été moins redoutable, fans doute Henri, qui n'étoit pas fanguinaire, fe feroit contenté de le faire mettre en prison. Et que n'avoit pas à efpérer le coupable, des longueurs d'un procès ? Mais adoré comme il étoit de les partifans qui faifoient le plus grand nom

bre des habitans du royaume, que

ne pouvoit-il pas s'il échappoit des HENRI III. fers? Sa mort fut donc jurée : on fe 1588. fervit pour l'y amener de l'appas mê

me de fon crédit.

Amelot, anecd. hift. 1. III, F.

Il eft inutile d'entrer dans le détail Il eft tué. des précautions prifes pour inftruire les affaffins, les encourager, les placer & couvrir les démarches qui pouvoient 343. donner des foupçons. Le roi fit avertir le duc que voulant avoir la journée libre, il tiendroit le confeil de grand matin le 22 Décembre. De peur qu'il y manquât, on le prévint qu'il y feroit décidé deux affaires qui l'intérefferoient, non directement, mais pour des amis qu'il vouloit fervir, afin d'en gagner d'autres par l'oftentation de fa puiffance. Il avoit, dit-on, paffé la nuit avec la marquife de Noirmoutier, autrefois la dame de Sauve, fi fameuse par fes galanteries. Elle étoit même venue exprès à Blois dans le deffein de l'engager à fe fauver. Guise lui remontra qu'abandonner les Etats au point où en étoient les chofes, ce feroit décourager les amis, & repouffer la fortune qui lui tendoit la main. Trop tendre pour céder à la voix de l'ambi tion, la marquife le preffe, le conjure.

Infenfible à fes larmes, il s'arrache de HENRI III. fes bras & vole à ce fatal confeil. 1588.

En arrivant, il fe trouve investi des gardes du roi qui l'accompagnent jufqu'au haut de l'escalier, le chapeau bas, le priant, en qualité de grand maître de la maifon du roi, de les faire payer de leurs appointemens. A la vue de cette troupe fuppliante, l'efcorte du duc s'écarte & fe diffipe. Quand il eft entré au confeil, la porte fe ferme, les gardes reprennent leurs poftes & empêchent que de nouveaux avis qu'on envoyoit au duc, ne parviennent jusqu'à lui.

Soit frayeur, fruit de la réflexion, foit foibleffe occafionnée par les excès de la nuit, il devint pâle & fe plaignit d'un mal de cœur. Quelques confortatifs le remirent. Dans le moment qu'il reprenoit fes forces, on l'avertit que le roi veut lui parler. Il falue gracieufement l'affemblée, fort de la falle; & comme il étoit embarraffé à lever la portière de l'antichambre du roi, un affaffin faifit d'une main la garde de fon épée, & de l'autre lui plonge un large poignard dans la poitrine. D'autres le frappent à la tête & au ventre, dans la crainte qu'il ne foir cuiraffe. Il pouffe

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